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principaux du Roman des Trois Royaumes.

7.3.3.3 Le personnage de Cao Cao.

Le personnage de Cao Cao est introduit vers la fin du chapitre 1 ; un paragraphe entier lui est consacré.

Les troupes des Turbans Jaunes battues par les troupes impériales commandées par Huang Fusong et Zhu Jun étaient en fuite ; soudain d’autres troupes impériales portant des bannières rouges leur barrèrent la route ; leur chef était un homme de sept pieds de haut, avec de petits yeux et une longue barbe ; c’était Cao Cao, commandant de cavalerie.

Le texte donne tout de suite des détails sur ce personnage du roman. Cao Song, le père de Cao Cao était de la famille Xiahou ; comme il a été élevé en tant que fils adoptif par Cao Teng, un mandarin de l’entourage habituel du souverain, il a pris, pour lui et pour ses descendants, le nom de famille de Cao.

Jeune, Cao Cao aimait la chasse, le chant, la danse ; il avait un esprit fertile en stratagèmes et prêt à s’adapter aux circonstances ; comme illustration, le texte fournit l’anecdote suivante : un jeune oncle de Cao connaissant la vie de dissipation qu’il menait, signala cette situation à son père qui le réprimanda ; alors, un jour voyant arriver l’oncle, Cao se laissa tomber par terre comme s’il était pris d’une attaque ; l’oncle courut avertir son père qui, en arrivant constata que son fils n’avait rien et Cao expliqua que comme son oncle ne l’aimait pas, il a inventé cette histoire ; depuis son père n’écoutait plus l’oncle.

Un homme de cette époque, nommé Qiao Xuan, dit à Cao: « Le monde va tomber dans le désordre ; seul un homme de très grand talent peut rétablir la situation ; celui qui apportera la paix, c’est peut-être vous ». Un autre, nommé He Yong de Nanyang exprima un avis analogue. Xu Shao de Runan avait la réputation de bien connaître les hommes. Cao Cao vint le voir et lui demanda : « Quel genre d’homme suis-je ? » ; Xu Shao ne répondit pas ; Cao insista, alors Xu Shao dit : « En période de bonne administration, vous serez un ministre capable ; en période de troubles, vous serez un puissant félon. » Cao Cao s’en réjouit.

A vingt ans, Cao Cao reçut le grade de ‘Lettré proposé à la Cour par les provinces’ ; il fut ensuite nommé responsable du maintien de l’ordre dans le district nord de Luoyang, la capitale ; dès sa prise de fonction il fit suspendre à chacune des quatre portes du district dix bâtons destinés à la punition de tout contrevenant. Or l’oncle d’un mandarin eunuque de l’entourage habituel du

49Dans ce chapitre, il y a cinq autres caractères zhi志, mais ils correspondent au prénom d’un

personnage secondaire ; introduit au milieu d’un paragraphe, il a été tué à la fin du même paragraphe.

souverain fut pris se promenant la nuit avec un sabre ; Cao Cao le fit arrêter et passer aux verges ; ce fut comme un coup de tonnerre, depuis plus personne n’osa contrevenir aux règles et la renommée et l’autorité de Cao Cao augmentèrent considérablement.

Lors de la révolte des Turbans jaunes, Cao Cao fut nommé Commandant de cavalerie et mis à la tête d’un corps de troupe de cinq mille hommes ; c’est en se dirigeant vers Yingchuan qu’il rencontra par hasard les Turbans jaunes en fuite et livra bataille ; plus de dix mille rebelles furent tués ; Cao Cao rendit visite à Huang Fusong et Zhu Jun puis repartit tout de suite à la poursuite des rebelles. Le chapitre 1 montre que Cao Cao a de l’ambition ; c’est un homme de caractère qui fait les choses jusqu’au bout ; il sait et ose se faire respecter ; âgé de quelques années de plus que Liu Bei, grâce à sa famille et aussi grâce à ses propres mérites, il a déjà une position importante au moment de la révolte des Turbans jaunes. Mais l’auteur, qui privilégie plutôt Liu Bei, ne donne pas à Cao Cao l’occasion de s’exprimer sur ses ambitions dans ce chapitre inaugural.

Les discussions entre Cao Cao et Liu Bei racontées au chapitre 21 et portant sur les éventuels héros de leur époque vont nous permettre de compléter l’information sur ce point. A ce moment Cao Cao est déjà premier ministre; Liu Bei a un titre de préfet et est reconnu comme oncle de l’empereur ; Cao Cao le retient dans la capitale pour le surveiller ; Liu Bei, pour cacher son ambition, fait semblant de ne s’occuper que du jardinage. Un jour Cao Cao l’invite chez lui ; ils boivent ensemble dans le jardin de pruniers et Cao Cao lui demande quelles sont les personnalités de l’époque qui peuvent être considérées comme des héros. Liu Bei cite presque une dizaine de noms de seigneurs importants : Yuan Shu, Yuan Shao, Liu Biao, Sun Ce, Liu Zhang… ; Cao Cao n’a que mépris pour ces gens et dit : « Un héros est quelqu’un qui garde dans sa poitrine de grandes ambitions (胸 怀大志 xiong huai da zhi) et a dans son ventre les plans et stratagèmes nécessaires, possédant ainsi des moyens pour faire bouger l’univers ; son ambition (zhi 志) est donc du type à pouvoir avaler ou recracher le ciel et la terre ».

Liu Bei demande : « Qui peut accomplir de telles choses ? » Cao Cao pointant son doigt vers Liu Bei, puis vers lui-même répond : « En ce qui concerne les héros dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a que vous et moi. »

Très surpris par cette réponse, Liu Bei laisse tomber par terre sa cuiller et ses baguettes ; heureusement pour lui, juste à ce moment la pluie redouble d’intensité avec un grand coup de tonnerre ; Liu Bei ramasse tranquillement ses ustensiles et explique qu’il a peur du tonnerre. Cao Cao ne le soupçonne plus. Effectivement, quelques jours après, Cao Cao lui confie une armée de 50 000 hommes avec comme mission de barrer la route à Yuan Shu pour l’empêcher de rejoindre son frère Yuan Shao ; Liu Bei se dépêche de partir, fait le travail demandé et ne revient plus.

Cette histoire du chapitre 21 montre que Cao Cao a une grande ambition de puissance avec des capacités pour la réaliser ; ce personnage aime des images concrètes : il situe l’intention, l’ambition dans la poitrine et les moyens pour les réaliser (stratagèmes, ressort, énergie) dans le ventre.