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cœur Les chapitres 21 et 23.

5.5.3 L’Homme, son devoir de se perfectionner ; ses relations avec le Ciel et les dix mille êtres.

5.5.3.4 Le chapitre 17 : Du Ciel

5.5.3.4.1

Introduction.

Ce chapitre traite essentiellement des relations entre le Ciel et l’homme. Après avoir passé en revue les paragraphes les plus importants, étudié les caractères zhi 志 du chapitre, nous essaierons d’en tirer les conséquences utiles pour le thème de l’étude.

5.5.3.4.2

L’homme est responsable de ce qui lui arrive

Dès le début du chapitre, le texte souligne l’autonomie du Ciel par rapport à l’homme et inversement :

« La marche du Ciel a ses constances ; elles ne se maintiennent pas pour un Roi Sage comme Yao ; elles ne se perdent pas à cause d’un tyran comme Jie. Y répondre par une bonne gestion et la période sera faste, y répondre par le désordre et la période sera néfaste.Renforcer les activités de base tout en modérant les dépenses, alors le Ciel ne peut appauvrir.Lorsque la nourriture et les soins sont complets et que les activités sont entreprises pendant des périodes favorables alors le Ciel ne peut rendre malade.…

Laisser les activités de base en friche tout en faisant des dépenses excessives, alors le Ciel ne peut rendre riche.Lorsque la nourriture et les soins sont sommaires et que les activités sont inaccoutumées alors le Ciel ne peut sauvegarder l’intégrité physique. … »

Le premier paragraphe poursuit ce même raisonnement sur d’autres exemples avant de conclure :

« C’est pourquoi, celui qui voit clairement la part dévolue au Ciel et la part dévolue à l’homme, peut être considéré comme un homme ayant atteint la perfection. ».

5.5.3.4.3

La naissance de l’homme et ses relations avec le Ciel.

Les trois paragraphes suivants décrivent, de façon schématique, un processus de fonctionnement du Ciel qui a conduit à la naissance de l’homme et des dix mille êtres et abordent le problème des relations entre l’homme et le Ciel :

« Ne pas faire et les choses s’accomplissent, ne pas chercher et obtenir, c’est ce qu’on appelle la Fonction du Ciel. Quelque profonde que soit sa pensée, l’homme ayant atteint la perfection ne se préoccupe pas de réfléchir sur cela ; quelque grandes que soient ses capacités, sa perspicacité, il ne se préoccupe pas de les appliquer à cela ; c’est ce qu’on appelle ne pas disputer au Ciel sa Fonction. Le Ciel a le temps et les saisons, la Terre a ses richesses, l’Homme a son organisation, c’est ce qu’on appelle la capacité de participer au Groupe Ternaire. Abandonner ce qui fait que l’homme peut participer au Groupe Ternaire pour ne s’intéresser qu’aux autres composants du Groupe c’est se leurrer.

Les astres en rang se suivent et tournent ; le soleil et la lune éclairent à tour de rôle ; les quatre saisons régissent successivement ; le yin et le yang effectuent la grande transformation ; les vents et les pluies répandent généreusement les bienfaits.

Les dix mille êtres en reçoivent l’harmonie et naissent ; ils en reçoivent le nourrissage et atteignent leur développement complet. On ne voit pas son action mais on voit son œuvre, alors on dit que c’est de la dimension de l’esprit (shen 神). Tout le monde connaît le résultat de son action, mais personne ne connaît le Sans

Forme qui conduit à cela, alors on l’appelle Ciel. Seule une Sainte Personne remplit sa tâche sans chercher à connaître le Ciel.

Une fois la Fonction du Ciel établie et l’Oeuvre du Ciel accomplie, la forme humaine se matérialise et l’esprit (shen 神) humain naît. L’amour et la haine, la joie et la colère, l’affliction et le plaisir s’y trouvent ; ils sont appelés les sentiments célestes26.Les oreilles, les yeux, le nez, la bouche, le corps ont la capacité d’entrer en relation avec l’extérieur, mais ne peuvent pas se remplacer ; ils sont appelés les organes des sens célestes. Le cœur est au centre, vide et disponible pour administrer les cinq organes des sens ; il est appelé le souverain céleste.

Utiliser ce qui n’est pas de son espèce pour nourrir et soigner son espèce, c’est ce qu’on appelle la nourriture et les soins célestes. Se conformer aux règles qui régissent sa propre espèce, c’est un bonheur, s’opposer aux règles de son espèce, c’est un malheur, c’est ce qu’on appelle la rectitude céleste.

Obscurcir son souverain céleste, troubler ses organes des sens célestes, négliger la nourriture et les soins célestes, aller contre la rectitude céleste, tourner le dos à ses sentiments célestes, détruisant ainsi l’Oeuvre du Ciel, c’est ce qu’on appelle le comble du néfaste.

La Sainte Personne purifie son souverain céleste, rectifie ses organes des sens célestes, parfait sa nourriture et ses soins célestes, se conforme à la rectitude céleste, nourrit ses sentiments célestes, ceci afin de préserver l’Oeuvre du Ciel. De cette manière, elle connaît ce qui est à faire, ce qui n’est pas à faire ; de leur côté le ciel et la terre remplissent leur fonction et les dix mille êtres servent. Ses actions sont ainsi parfaitement réglées, sa nourriture et ses soins vraiment appropriés et sa vie sans blessure. C’est ce qu’on appelle connaître le Ciel.

C’est pourquoi la grande habileté réside dans ce qu’on ne fait pas, la grande intelligence réside dans ce qu’on ne pense pas. Celui qui oriente son cœur, sa pensée vers le ciel27, ( 志于天 zhi yu tian28) cherche à connaître les phénomènes qui peuvent se produire régulièrement ; celui qui oriente sa pensée vers la terre (志于地 zhi yu di) cherche à en connaître les conditions favorables dont on peut tirer profit ; celui qui oriente sa pensée vers les quatre saisons (志于四时 zhi yu si shi) cherche à en connaître les phases, les changements qui peuvent être importants pour les affaires humaines ; celui qui oriente sa pensée vers le yin et le yang (志于阴阳 zhi yu yin yang) cherche à en connaître les éléments qui peuvent être maîtrisés. Que les fonctionnaires s’occupent du ciel, celui qui gouverne de lui-même s’en tient à la Voie.»

Puis vers la fin du chapitre, le paragraphe qui est rimé (sauf la conclusion) examine le problème des actions de l’homme sur le monde :

26 Dans les expressions :sentiments célestes (Tian qing 天情) , organes des sens célestes (Tian

guan 天官), …l’adjectif céleste indique que ces sentiments, ces organes… font partie de l’Oeuvre du Ciel (Tian gong 天功)

27

Dans les paragraphes précédents le caractère Tian 天 désigne le Ciel en tant que Chose mystérieuse dont on peut voir l’oeuvre mais pas l’action; dans le présent paragraphe il désignerait plutôt l’espace qui se trouve au-dessus de la terre avec tout ce qu’il contient ; nous écrivons donc ici « ciel » avec un « c » minuscule; ce ciel physique serait une manifestation du Ciel (Chose mystérieuse).

28 Xun Zi utilise la même structure : « Zhi志+yu于+nom » que Confucius dans Les Entretiens ;

alors que Confucius l’utilise dans le domaine moral : avoir son zhi dans la Voie , dans la Vertu d’humanité…, Xun Zi l’utilise dans le domaine de la connaissance.

« Magnifier le Ciel et le penser, comment cela peut-il se comparer à nourrir les êtres et les gouverner (制 zhi)?

Suivre le Ciel et chanter ses louanges, comment cela peut-il se comparer à maîtriser (制 zhi) le mandat du Ciel et l’utiliser (用 yong)?

Regarder et attendre le moment qui vient, comment cela peut-il se comparer à y faire face et s’en servir (使 shi)?

Suivre les choses et les laisser se multiplier, comment cela peut-il se comparer à déployer ses talents pour les transformer (化 hua)?

Penser les choses et les laisser à elles mêmes, comment cela peut-il se comparer à comprendre la raison profonde (理 li)des choses et ne pas les perdre.

Admirer la source d’où naissent les choses, comment cela peut-il se comparer à aider les choses qui y sont à s’accomplir.

C’est pourquoi en abandonnant l’homme pour ne penser qu’au Ciel, on manque la nature réelle des dix mille êtres. »

5.5.3.4.4

Les caractères zhi 志志志志 du chapitre 17.

Il y a cinq caractères zhi 志 dans ce chapitre ; quatre se trouvent dans le paragraphe 4 étudié ci-dessus ; rappelons qu’ils sont tous employés sous la forme « zhi 志+yu 于+nom » structure déjà rencontrée dans Les Entretiens de Confucius, mais Xun Zi l’utilise ici dans le domaine de la connaissance et non dans celui des valeurs morales.

Trois paragraphes plus loin on trouve le cinquième zhi 志 dans le passage :

« Avoir un cœur bien formé et des intentions biens établies (心意修, xin yi xiu) , une pratique ample et solide des vertus , une pensée et des connaissances claires, vivre aujourd’hui tout en sachant se référer au passé (生于今而志乎古, sheng yu jin er zhi hu gu ), ce sont des choses qui dépendent de moi. C’est pourquoi l’homme de bien fait attention à ce qui dépend de lui et ne se tourne pas vers ce qui dépend du Ciel. L’homme de peu laisse de côté ce qui dépend de lui et aspire à ce qui dépend du Ciel. »

Les cinq caractères zhi 志 du chapitre correspondent à la notion du zhi objet de la présente étude ; ils indiquent une orientation du cœur, de la pensée vers un domaine du savoir ou vers un passé qui est supposé représenter un certain idéal.

5.5.3.4.5

Commentaires.

L’homme, sa naissance, ses capacités.

Né suite à l’établissement de la Fonction du Ciel et à l’accomplissement de son Œuvre, l’homme est bien distingué des dix mille êtres ; en effet dans le début du chapitre Xun Zi a utilisé deux fois le caractère 神 shen (esprit, spirituel, prodigieux…) une fois pour caractériser le mode d’action du Ciel et une fois pour désigner l’esprit de l’être humain29 ; ce dernier est un être à part par rapport au reste des dix mille êtres ; le cœur de l’homme est désigné par l’expression : Tian

29 Dans ce chapitre 17 le mot shen 神 est utilisé encore deux autres fois dans le paragraphe où Xun

Zi explique que prier pour qu’il pleuve, faire des cérémonies pour qu’une éclipse de soleil cesse…, ces pratiques n’ont aucune influence sur les phénomènes réels ; ce sont des pratiques de type culturel ; le peuple croit que c’est en relation avec des esprits (shen 神), c’est néfaste de croire cela.

jun 天君=souverain céleste, ses organes des sens sont qualifiés de célestes, ainsi que d’autres notions se rapportant à lui ; dans le paragraphe consacré à la naissance de l’homme, à ses capacités et comportements, Xun Zi a utilisé vingt et une fois le caractère Tian 天(Ciel, céleste) ; avec cette insistance le texte semble vouloir souligner les grandes capacités de l’être humain.

La conception du Ciel de Xun Zi ; les relations entre l’homme et le Ciel: Il semble bien que Xun Zi attribuait la naissance de l’homme et celle des dix mille êtres à l’œuvre de quelque chose dont la nature n’est pas déterminée et que personne ne connaît ; il l’appelle Ciel ; il a constaté que les manifestations de ce Ciel sont indépendantes de la conduite (bonne ou mauvaise) des hommes et qu’il n’a pas les mêmes modalités d’action que les humains : il n’a pas besoin de faire pour accomplir, de chercher pour obtenir, Xun Zi a appelé cela la Fonction du Ciel ; on ne voit pas son action mais on voit son Œuvre, Xun Zi qualifiait cela de shen 神, caractéristique de quelque chose qui a la dimension de l’esprit.

Dans le texte, le Ciel se manifeste donc par sa fonction et son œuvre : Fonction du Ciel= Tian zhi 天职 , Œuvre du Ciel= Tian gong 天功.

Notons que le caractère 职 a au départ le sens de « connaître », de « connaître et retenir des choses subtiles, mystérieuses » ; le Shuowen jiezi ( fin du 1er siècle après JC) donne encore ce sens ; Tian zhi 天职 désignerait ainsi la Fonction ou la Capacité subtile du Ciel.

Très probablement Xun Zi avait l’intuition que la naissance et le développement de l’homme et des dix mille êtres seraient en relation avec la rotation des astres, l’éclairage par le soleil et la lune, le temps et les saisons, le vent et la pluie et avec l’harmonie qui régit l’ensemble ; mais la contribution de ces facteurs matériels n’a pas amené Xun Zi à exclure l’intervention du Ciel ; bien qu’il contaste que ce Ciel n’intervient pas dans les affaires humaines, il ne semble pas le réduire à une simple « nature » complètement matérielle telle qu’actuellement des personnes peuvent la concevoir ; en effet, outre le fait qu’il lui attribue une fonction et une œuvre, il considère que l’homme doit respecter la Fonction du Ciel et ne pas entrer en compétition avec elle ; de plus ce Ciel est aussi le membre cité en premier du Groupe Ternaire : Ciel, Terre, Homme.

Mais il y a dans le texte quelques obscurités quant aux relations entre l’homme et le Ciel, notamment sur le point de l’intérêt pour l’homme de connaitre le Ciel . En effet, il est écrit vers le début du chapitre 17: « Seule une Sainte Personne remplit sa tâche sans chercher à connaître le Ciel.»; au paragraphe suivant le texte décrit la conduite d’une Sainte Personne qui purifie son cœur, rectifie ses organes des sens, parfait sa nourriture et ses soins célestes etc… et vit ainsi en harmonie avec le Ciel et la Terre avant de conclure : « C’est ce qu’on appelle connaître le Ciel » ; le paragaphe qui vient après nous apprend qu’il revient aux fonctionnaires de s’occuper du ciel (que nous écrivons cette fois avec la lettre ‘c’ minuscule) afin de connaître les phénomènes qui peuvent s’y produire régulièrement alors que celui qui gouverne de lui-même peut se contenter de garder la Voie. A notre avis, pour y voir un peu plus clair, il est intéressant de bien distinguer le Ciel initial, difficile à connaître de son Œuvre qui est visible.

En effet, Xun Zi désigne par tian 天(Ciel) le Sans forme qu’on ne connaît pas mais dont on connaît l’œuvre ; il n’est pas favorable à trop de spéculations sur ce Ciel ; il préconise plutôt à la personne de se perfectionner, de préserver l’Oeuvre du Ciel qui est en elle et par là même connaître ce Ciel ; cette connaissance paraît

assez particulière par sa modalité et aussi par son objet : le Sans forme qu’on appelle Ciel.

L’Oeuvre du Ciel, par contre, nous paraît plus familière ; elle comprend l’être humain, les dix mille êtres mais aussi, à notre avis, le ciel physique avec le soleil, la lune, les étoiles… ; ce ciel physique Xun Zi le désigne aussi par tian 天 que nous traduisons par: ciel avec la lettre ‘c’ minuscule.

Si Xun Zi est réservé en ce qui concerne les spéculations sur le Ciel, sans forme et mystérieux, son attitude est beaucoup plus active vis-à-vis des éléments de l’Oeuvre du Ciel :

-doté d’une grande capacité d’agir sur lui-même, l’être humain doit se perfectionner sans cesse ;

-il convient qu’il nourrisse les êtres et les gouverne, qu’il déploie ses talents pour transformer les choses, qu’il comprenne leur raison profonde, qu’il ne les perde pas et qu’il les aide à s’accomplir;

-en ce qui concerne le ciel (physique) il convient qu’il l’étudie afin d’en connaître les phénomènes pouvant se produire régulièrement ; il en fera de même pour la terre afin d’en connaître les conditions favorables (le texte précise même que c’est le travail des fonctionnaires);

-pour les moments (favorables ou défavorables ) qui se présentent, il est conseillé à l’homme d’y faire face et de les employer;

-quant au mandat du Ciel, il est intéressant que l’être humain le maîtrise et qu’il l’utilise.

5.5.4 Conclusions partielles.

L’étude du Xunzi apporte des éléments très importants au thème de la présente étude.

Le texte affirme de façon très nette l’autonomie absolue de l’être humain et de son cœur. Ce qui est bien vient de l’élaboration humaine qui permet à l’homme de corriger sa propre nature. Il insiste aussi beaucoup sur la persévérance.

Le texte donne à l’être humain le devoir de se perfectionner ; vis-à-vis du monde extérieur, il lui attribue un rôle prééminent : nourrir et gouverner les êtres, comprendre la raison des choses, les aider à se réaliser, les transformer ; il conseille à l’homme de bien de s’appuyer sur le sens du bien public pour triompher de ses désirs personnels.

Vis-à-vis du Ciel il préconise que l’homme maîtrise le mandat du Ciel et l’utilise.

5.6 Le Glossaire du Maître de Beixi (Beixi ziyi).

5.6.1Généralités.

Le Beixi ziyi 北溪字义 (Le Glossaire du Maître de Beixi) a été rédigé par le lettré Chen Chun 陈淳 (1159-1223) de la dynartie des Song du sud; honoré du titre de Maître de Beixi 北 溪 (le nom d’une rivière), Chen Chun était un des plus éminents disciples de Zhu Xi (1130-1200). L’ouvrage dont le texte écrit en caractères de taille normale occuperait un espace équivalent à celui d’une trentaine de pages A4, donne des explications sur des termes du néo-

confucianisme. Il est en fait plus qu’un glossaire ; Chan Wing-tsit 陈荣捷 qui l’a traduit en anglais considère que, dans cet ouvrage, Chen Chun a résumé les pensées de son maître Zhu Xi et a ainsi présenté dans un volume restreint l’essentiel de la philosophie néo-confucéenne. L’ouvrage comprend principalement 26 rubriques telles que :

1) Ming 命 (destinée, mandat), 2) Xing 性 (nature),

-… 6) Zhi 志, 7) Yi 意, -…

26) FuLao 佛老 (Bouddhisme et Taoïsme).

Pour notre travail nous avons utilisé le texte en chinois de Chen Chun donné dans le Qin ding si ku quan shu (Somme complète des quatre magasins effectuée sur ordre impérial) et consulté l’ouvrage de Chan Wing-tsit cité ci-dessus.

Nous allons étudier les deux rubriques : Zhi 志 et Yi 意.

5.6.2 La rubrique Zhi志 :

Cette rubrique commence par donner une définition du zhi 志 avant d’aborder l’idée d’établissement du zhi : li zhi 立志

5.6.2.1

Définition du zhi志志志志

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