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Paragraphe II : La Palestine sous Mandat britannique

B- Le Mandat sur la Palestine : de l’indépendance palestinienne à l’Etat juif

1- Violation du fondement du régime mandataire

Le Mandat sur la Palestine se trouve entaché de plusieurs vices qui mettent en cause sa validité sur le plan juridique. Le Mandat ne respecte pas les dispositions de l’article 22 du Pacte de la SDN qui, pourtant, en constitue le fondement. Le Cardinal Gasparri est peut-être le premier, en 1922, à soulever la contradiction entre l’Article 22 et le projet de Mandat. Il exprime, dans un mémorandum adressé à la SDN au nom du Vatican, l’opposition à tout statut privilégié accordé aux Juifs en Palestine et fait remarquer que les dispositions de l’article 22 du Pacte de la SDN seraient incompatibles avec celles d’un mandat qui ne serait qu’un moyen d’asservir la population indigène au profit d’une autre nationalité.172

L’alinéa 4 de l’article 22 stipule que les vœux des communautés « doivent être pris d’abord en considération pour le choix du Mandataire ». Or le peuple palestinien n’a pas été consulté au moment de la prise de décision pour son avenir. Les vœux et revendications des Palestiniens, recueillis par la Commission King-Crane, n’ont pas été pris en compte comme nous l’avons montré. Lord Balfour, dans un mémorandum le 11 août 1919, écrit :

« La contradiction entre la lettre du Pacte et la politique des Alliés est encore plus flagrante dans le cas de la ‘‘nation indépendante’’ de Palestine que dans celui de la ‘‘nation indépendante’’ de Syrie. Car en Palestine, nous ne nous proposons même pas de faire semblant de consulter les habitants actuels du pays, bien que la Commission américaine ait fait un effort pour leur demander ce qu’ils souhaitent. »173

Quant au texte même de la Charte du Mandat sur la Palestine, aucun de ses 28 articles ne fait mention des revendications du peuple palestinien. « Les Arabes ne sont nullement nommés en tant que tels et toute une série d’articles sont favorables aux sionistes. »174. Et son préambule reprend les termes mêmes de la Déclaration Balfour et confie son exécution à la puissance mandataire. Une majorité de juristes estiment que cette insertion de la Déclaration au texte du Mandat constitue une violation des principes fondamentaux du Mandat175. En effet, premièrement, la validité juridique de cette Déclaration elle-même fut très contestée comme nous l’avons montré plus haut.176 Deuxièmement, le sionisme et ses objectifs s’opposaient naturellement au principe de l’autodétermination des peuples, comme

172 Henry Laurens, Le retour des exilés, op. cit., p. 320.

173 Cité dans Origine et évolution du problème palestinien 1917-1988, op. cit., p. 27.

174 Henry Laurens, Le retour des exilés, op. cit., p. 326. Voir la Charte du Mandat pp. 326-331.

175 Voir par exemple Henry Cattan, Palestine and International Law, op. cit., pp. 67 et s. et Paul de Waart, The

legal statut of Palestine under International Law, Birzeit University Law Center, 1995, pp. 11-16.

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le fait remarquer Lord Balfour lui-même en juin 1919 : « J’ai peine à concevoir comment le Président Wilson pourra concilier son adhésion au sionisme avec la doctrine de l’autodétermination »177.

Henry Cattan estime que:

« …by endorsing the Balfour Declaration and accepting the concept of the establishment of a Jewish national home in Palestine it [le Mandat] violated the sovereignty of the people of Palestine and their natural rights of independence and self-determination. […] The League of Nations did not possess the power, any more than the British Government did, to dispose of Palestine, or to grant to the Jews any political or territorial rights in that country. In so far as the mandate purported to recognize any rights for alien Jews in Palestine, it was null and void. »178.

L’article 22 du Pacte de la SDN considérait que le mandat était la meilleure méthode afin de réaliser la « mission sacrée de civilisation » qui consistait à assurer le « bien-être et le développement » des peuples vivant dans les territoires placés sous mandat. Mais au regard des dispositions du Mandat sur la Palestine, nous nous interrogerons sur ses objectifs réels. L’article 2 de la Charte du Mandat imposait au mandataire dans le pays, « un état de choses politique, administratif et économique de nature à assurer l’établissement du foyer national pour le peuple juif. » L’article 4 octroyait à un organisme étranger, en l’occurrence l’Organisation sioniste, un statut lui permettant de faire connaître ses avis à l’Administration de la Palestine et de « coopérer avec elle dans toutes questions économiques, sociales et autres, susceptibles d’affecter l’établissement du foyer national juif ». L’article 6 obligeait l’Administration de la Palestine à « faciliter l’immigration juive » et « l’établissement intensif des Juifs sur les terres du pays ». De plus, l’article 7 imposait l’adoption d’une loi sur la nationalité destinée « à faciliter aux Juifs […] l’acquisition de la nationalité palestinienne ». Cela impliquait que les Juifs immigrant en Palestine durant le Mandat pouvaient avoir des droits nationaux en Palestine, même si cela menaçait de fait les droits les plus fondamentaux des habitants d’origine. Voici ce que déclare Henry Cattan à ce propos :

« It is clear that although the mandate system was conceived in the interest of the inhabitants of the mandated territory. The Palestine mandate was conceived in the interest of

177 Cité par Jean-Pierre Alem, La déclaration Balfour : aux sources de l’Etat d’Israël, p. 88. 178 Henry Cattan, Palestine and International Law, op. cit., p. 30.

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an alien people originating from outside Palestine, and run counter to the basic concept of mandates. »179

A la lecture de la Charte du Mandat, nous remarquons un déni de l’existence arabe palestinienne, aucune référence explicite au peuple palestinien n’y figure. Le terme de « peuple » n’est employé que pour désigner le « peuple juif ». Il est désigné comme une « communauté non juive » ou « autre partie de la population ». Pourtant les peuples sont l’objet des mandats et le peuple palestinien en fait partie et constitue les neuf dixièmes de la population. Sous le Mandat, les Palestiniens se voient réduits à une minorité religieuse et cités a contrario, ils ne disposent pas de droits politiques mais de « droits civils et religieux ». Le Cardinal Gasparri, dans un mémorandum adressé à la SDN au nom du Vatican, exprime l’opposition à tout statut privilégié accordé aux Juifs en Palestine et il fait remarquer que les dépositions de l’article 22 du Pacte de la SDN seraient incompatibles avec celles d’un mandat qui ne serait qu’un moyen d’asservir la population indigène au profit d’une autre nationalité.

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