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Paragraphe I : La Palestine et le nationalisme juif

A- Le contexte international

2- Britanniques et sionistes

A la suite des Arabes et des Français, le Gouvernement britannique se tourna vers les sionistes dont le projet semblait mieux correspondre à la vision britannique de la région et, spécialement, de la Palestine. Les sionistes reçurent donc du Gouvernement britannique la promesse d’un foyer national en Palestine. Promesse qui fut signée le 2 novembre 1917, par Lord Balfour, Ministre des Affaires Etrangères britannique, et adressée à Lord Rothschild, une personnalité juive britannique.

La nouvelle stratégie britannique dans la région coïncidait avec l’objectif sioniste de créer un foyer national en Palestine. Un croisement d’intérêts, résultant de la conjoncture particulière de la région et de l’époque, persuada la Grande-Bretagne d’adopter le projet sioniste.

Tout d’abord, et malgré leur alliance avec la France, les Britanniques ne voulaient pas voir toute la Syrie historique, c’est-à-dire la Syrie actuelle, le Liban, la Jordanie et la Palestine, tomber sous l’influence française. C’est principalement pour cette raison que les Britanniques ne respectèrent pas l’Accord Sykes-Picot118. Le mouvement sioniste apparaît donc comme ayant une double utilité pour les Britanniques. Premièrement, il constitue un alibi pour, justement, ne pas respecter l’Accord signé avec les Français qui plaçait une grande partie de la Palestine sous administration internationale119. Deuxièmement, le sionisme étant en plein essor au début du siècle, la Grande-Bretagne comptait, par son soutien à son projet, mobiliser les Juifs russes, afin de maintenir l’Empire russe dans la guerre et de « contrer la propagande pacifiste juive socialiste en Russie »120. Les Britanniques espéraient mobiliser également les Juifs américains, afin d’accélérer l’entrée des Etats-Unis en guerre, aux côtés des Alliés. En effet, les Etats-Unis, au début de l’année 1917, semblaient encore hésiter121. Selon Charles Zorgbibe, le facteur religieux dans la relation entre Britanniques et sionistes jouait en faveur des sionistes. Il écrit : « L’éducation protestante, fortement marquée par la Bible, crée chez les Britanniques une familiarité naturelle avec les objectifs sionistes »122. Certains voient dans la Déclaration Balfour une récompense du Gouvernement britannique à Weizmann, un des chefs de l’Organisation sioniste. Ils évoquent la collaboration scientifique,

118 Jean-Pierre Alem, La déclaration Balfour : aux sources de l’Etat d’Israël, Complexe, Bruxelles, 1982, p. 27 119 Voir Nadine Picaudou, Les Palestiniens un siècle d’histoire, op. cit., p. 45.

120 Ibid. p. 47.

121 Voir Maxime Rodinson, Peuple juif ou problème juif ?, op. cit., pp. 177-178. 122 Charles Zorgbibe, Terres trop promises, op. cit., p. 59.

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pendant la première Guerre Mondiale, entre Chaïm Weizmann et l’appareil militaire britannique123.

Cependant, la raison la plus plausible du soutien officiel britannique aux aspirations sionistes semble être qu’elles servent les intérêts mêmes de la Grande-Bretagne. En effet, nous avons expliqué la place stratégique qu’occupait la Palestine, du fait de sa proximité avec le canal de Suez. Ce canal, qui avait déjà une grande importance pour le contrôle de la route de l’Inde, acquit un intérêt vital après la découverte de pétrole dans la Péninsule Arabique. Il faut mentionner également le projet britannique de relier la Mésopotamie à la Méditerranée par un chemin de fer124, qui explique la volonté des Britanniques, lors des négociations avec les Français, qui aboutirent à l’Accord Sykes-Picot, de prendre le contrôle de la ville palestinienne de Haïfa sur la mer Méditerranée.

Or, l’apparition des Etats-Unis en tant que puissance mondiale, avec à leur tête le Président Wilson, un président qui prônait des idées nouvelles sur les nationalités, les droits des peuples à l’indépendance, formulait des critiques envers la politique et les solutions imposées par les grandes nations, et parallèlement à cela la montée du nationalisme dans le monde arabe, persuadèrent les Britanniques que leur présence permanente dans la région ne serait pas garantie. Ainsi, le vieux projet de créer en Palestine un bastion pour faire barrage à toute tentative d’unité arabe des deux côtés de la mer Rouge, redevint-il d’actualité125. Ce bastion, ce serait le sionisme, une sorte d’allié permanent à même d’assurer dans la région les intérêts britanniques.

Toutefois, comme l’explique Jean-Pierre Alem, « les raisons qui incitèrent les Britanniques à octroyer la Déclaration Balfour étaient toutes mauvaises126». Et de fait, le calcul britannique s’avéra erroné, la Déclaration Balfour ne remplit aucun des objectifs énoncés plus haut. Les Juifs russes n’étaient pas tous sionistes et ne firent rien pour les Alliés, les Juifs américains ne furent pas décisifs dans l’entrée en guerre des Etats-Unis qui déclarèrent la guerre à l’Allemagne en avril 1917, soit sept mois avant la Déclaration Balfour. Après avoir perdu la confiance de leurs anciens alliés les Arabes, les Britanniques perdront

123 Chaïm Weizmann, Juif russe émigré en Grande-Bretagne, était un chimiste. Pendant la 1ère Guerre Mondiale,

il réussit à produire, en grande quantité, l’acétone qui servait à la fabrication d’un explosif employé par l’armée anglaise. Voir Jean-Pierre Alem, La déclaration Balfour, op. cit., p. 30.

124 Voir Nadine Picaudou, Les Palestiniens un siècle d’histoire, op. cit., p. 43.

125 Ce projet date de 1839 après la tentative de Mohammad Ali de créer un grand Etat arabe comprenant l’Egypte

et la Syrie. Voir Omar Massalha, Palestiniens, Israéliens : la paix promise, op. cit., p. 101, et Charles Zorgbibe, Terres trop promises, op. cit., p. 13.

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petit à petit leur influence sur les sionistes qui trouveront dans les Etats-Unis un allié de choix127.

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