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Le fondement juridique de la reconnaissance du principe du droit au retour

Paragraphe II : Le transfert face au Droit International

A- Le Droit International applicable

1- Le fondement juridique de la reconnaissance du principe du droit au retour

A la lumière de l’analyse des textes du Droit International des droits de l’homme qui portent sur la question de la liberté de circulation et du droit au retour dans son pays (a), ainsi que des Statuts des Tribunaux Internationaux (b) qui ont fourni une jurisprudence importante en matière de déplacement des populations et destruction des biens, nous tâcherons de déterminer si les atteintes à ces droits et les autres actes incriminés peuvent être qualifiés de crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.

municipales des années 1944 à 1948. Pour les propriétés agricoles les montants varient selon la nature de la propriété, ils vont de 15 à 1600 pounds israéliens par dounam. (100 pounds israéliens équivalent à 11 francs français de 1980).

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a- Instruments internationaux de protection des droits de l’homme

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 décembre 1948 lie le droit à la libre circulation à celui du retour. L’aliéna 1 de son article 13 dispose que « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. » Et l’alinéa 2 du même article ajoute que « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir. ».

La IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, stipule dans son article 47 que :

« Les personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente Convention, soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la Puissance occupante, soit encore en raison de l’annexion par cette dernière de tout ou partie du territoire occupé.»

L’article 49 énonce clairement que :

« Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif. » Une exception est prévue à l’alinéa 2 pour des raisons de sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires ; toutefois, « [l]a population ainsi évacuée sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur auront pris fin.»

L’article 53 interdit à la puissance occupante « de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires. »

Il nous faut mentionner que l’Etat d’Israël refuse l’application de la IVe Convention de Genève sur les territoires conquis entre 1947 et 1949 ainsi que sur les Territoires Occupés en 1967 comme nous allons le voir.351

351 Israël a ratifié les 4 Conventions de Genève le 6 juillet 1951; en revanche il n’a pas signé les 2 protocoles

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La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, du 21 décembre 1965, décrète dans son article 5 que « les Etats parties s’engagent […] à garantir le droit de chacun à l’égalité […] notamment dans la jouissance des droits suivants : […] d) Autres droits notamment : i) Droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat ; ii) Droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays».

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, un des instruments les plus fondamentaux des droits de l’homme, établit clairement le droit de circuler librement et d’entrer dans son pays dans son article 12, dont les alinéas 1et 2 prévoient que : « 1. Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence. 2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. 4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays.». En comparant la formulation de l’article 12 (4) de ce Pacte à celle de l’article 13 (2) de la DUDH, nous remarquons une différence concernant le terme de ‘‘retour’’. La DUDH mentionne ‘‘revenir dan son pays’’ alors que le Pacte parle d’’’entrer dans son pays’’. Il peut être compris que ‘‘revenir’’ implique que la personne concernée avait vécu dans le pays, tandis que ‘‘entrer’’ étend l’application de l’article aux personnes qui sont nées et ont vécu hors de leur pays.

b- Statuts des Tribunaux Internationaux

L’article 6 du Statut du Tribunal de Nuremberg, issu de l’Accord de Londres du 8 août 1945, énonce, mais sans en limiter la liste, les actes qui constituent des crimes contre la paix, crimes de guerre et contre l’humanité.

Son alinéa (b) pour sa part qualifie de crimes de guerre « […] l’assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires ».

internationaux (Protocole II), 8 juin 1977. Sur l’application de la IVe Convention de Genève sur les Territoires

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Les Crimes contre l’Humanité énumérés à l’article 6 (c) sont les suivants :

« […] l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime. » Il en ressort donc que la déportation des populations, quel qu’en soit le but, ainsi que les pillages des biens et la destruction des villages, constituent des crimes de guerre et contre l’humanité.

Depuis 1945 et au fil des années, cette catégorie de crimes a été élargie et son contenu précisé par des Conventions Internationales. Par exemple :

Les 4 Conventions de Genève de 1949 qui ont confirmé la définition des crimes de guerre donnée par l’article 6 (b) en énumérant des « infractions graves » définies de manière extensive et semblable352.

La Convention du 26 novembre 1968 déclare les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité comme imprescriptibles « quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis »353. La Convention du 30 novembre 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid a créé une nouvelle infraction, qui est celle de l’apartheid, la qualifiant de crime contre l’humanité dans son article premier. Son article 2 précise que ce crime « englobe les politiques et pratiques semblables de ségrégation et de discrimination raciales […] », commises en vue d’instituer ou d’entretenir la domination d’un groupe racial sur un autre. Ce même article dresse la liste des actes inhumains constituant un crime d’apartheid, parmi lesquels : « Prendre des mesures, législatives ou autres, […] [dans le but de priver] les membres d’un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux des libertés et droits fondamentaux de l’homme, notamment le droit de quitter son pays et d’y revenir, le droit à une nationalité, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence […]. »354

352 Article 50 de la Convention I, article 51 de la Convention II, article 130 de la Convention III, article 147 de la

Convention IV de 1949 et article 85 du premier Protocole additionnel de 1977.

353 Article premier de la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité,

26 novembre 1968. Résolutions 2391 (XXIII) adoptées par l’Assemblée Générale au cours de sa vingt-troisième session, 24 septembre-21 décembre, Document Officiel vingt-troisième session, supplément n° 18 (A/7218), Nations Unies, New York, 1969, pp.44-45.

354 La Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, adoptée par l’Assemblée Générale dans

sa résolution 3068(XXVIII) du 30 novembre 1973.

Un projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, adopté en première lecture par la Commission du Droit International en 1991, englobait : l’apartheid, l’esclavage, le colonialisme et les atteintes

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Le Statut du Tribunal International pour l’Ex-Yougoslavie lui donne compétence à poursuivre les personnes qui commettent des violations des lois ou coutumes de la guerre, parmi lesquelles « b) La destruction sans motif des villes et des villages […] e) Le pillage de biens publics ou privés. ». Son article 5 qualifie de crime contre l’humanité des actes comme l’expulsion et les persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses « lorsqu’ils ont été commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre une population civile quelle qu’elle soit. » 355 La Convention de Rome du 17 juillet 1998, instituant la Cour Pénale Internationale, définit en ses articles 7 et 8 les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. La « déportation ou transfert forcé de population » est considéré comme un crime contre l’humanité, lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque, c’est-à-dire « le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en Droit International»356. Aux termes de l’article 8 du Statut de Rome, sont qualifiés de crimes de guerre « la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire » ainsi que « la déportation ou le transfert illégal»357.

La compétence ratione temporis de la Cour Pénale Internationale ne permet la saisine de la Cour que pour les crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut de la Cour c’est-à- dire après le 1er juillet 2002. Ainsi les actes commis contre les populations civiles palestiniennes entre 1947 et juillet 2002 ne pourront être jugés devant cette Cour. Toutefois les normes que nous avons citées permettent bel et bien de conclure que le transfert des Palestiniens avec tout ce qu’il comporte d’expulsions, de destructions de villages, d’expropriations des biens et le refus de leur retour dans leurs lieux de résidence constituent bien un crime contre l’humanité et un crime de guerre. En vertu de ces qualifications, ces crimes sont imprescriptibles et pourront donc être jugés devant un tribunal spécialement créé à cet effet.

particulièrement graves à l’environnement, l’expulsion ou le transfert d’une population de son territoire […]. Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-troisième session, 29 avril-19 juillet 1991 (A/46/10). Disponible sur le site des Nations Unies :

http://untreaty.un.org/ilc/documentation/french/A_46_10.pdf

355 Article 3 (b, e) et 5 (d, h) du Statut du Tribunal International pour l’Ex-Yougoslavie, créé par la résolution

827 du 25 mai 1993 du Conseil de Sécurité en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991.

356 Article 7. 1. (d) et 7. 2. (d) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. 357 Ibid. article 8. 2 (iv) et 8. 2 (vii).

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