• Aucun résultat trouvé

Renforcement de la reconnaissance par les résolutions du Conseil de Sécurité

Paragraphe II : Le transfert face au Droit International

B- Le Droit au retour des réfugiés palestiniens

2- Renforcement de la reconnaissance par les résolutions du Conseil de Sécurité

Comme nous l’avons fait concernant les résolutions de l’Assemblée Générale, nous examinerons ici la portée juridique des décisions du Conseil de Sécurité en général (a) pour étudier ensuite celles qui sont pertinentes en matière des droits des réfugiés palestiniens au retour (b).

a- La portée juridique des résolutions du Conseil de Sécurité

Généralement, les Organisations Internationales n’ont pas de pouvoir contraignant à l’égard des Etats membres mais seulement la faculté de leur recommander des mesures ou des comportements. Le Conseil de Sécurité particularise l’Organisation des Nations Unies et se distingue des autres organes onusiens par la portée contraignante des ses décisions. En étudiant la valeur juridique généralement accordée aux résolutions du Conseil de Sécurité, nous verrons si nous pouvons conclure que ses résolutions concernant la question palestinienne ont force obligatoire et doivent par conséquent être appliquées par les parties concernées.

L’article 24 de la charte des Nations Unies stipule qu’ : « Afin d’assurer l’action rapide et efficace de l’Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom. Dans l’accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies.» Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies énumère les pouvoirs les plus importants du Conseil de Sécurité qui lui permettent d’accomplir ses devoirs.

L’article 36 du chapitre VI, relatif au règlement pacifique des différends, dispose dans son alinéa 1 que : « Le Conseil de sécurité peut, à tout moment de l’évolution d’un différend de la nature mentionnée à l’Article 33 ou d’une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d’ajustement appropriées. ». Remarquons que c’est le terme ‘‘recommander’’ qui est employé ici, ainsi que le terme ‘‘recommandations’’ à l’alinéa 3 du même article. La question qui revient constamment est de savoir si ces ‘‘recommandations’’ du Conseil de Sécurité, prises en vertu du chapitre VI, ont une valeur obligatoire tout comme

151

les décisions adoptées en vertu du chapitre VII, ou si à l’inverse de ces dernières elles n’ont qu’une portée juridique limitée.

Mentionnons tout d’abord l’article 25 de la Charte des Nations Unies qui décrète que « les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. ». Cet article ne fait aucune distinction entre les différentes décisions prises par le Conseil de Sécurité qu’elles émanent du chapitre VI ou du chapitre VII. En ce sens Patrick Daillier et Alain Pellet estiment que « le pouvoir de décision que l’article 25 de la Charte reconnaît au Conseil de Sécurité ne se limite pas à l’exercice des compétences prévues par le chapitre VII de la Charte, mais à toutes les mesures jugées opportunes pour le maintien de la paix »421. Erik Suy constate également que la lecture de l’article 25 à la lumière des chapitres VI, VII et VIII de la Charte, laisse clairement penser que le terme ‘‘décisions’’ ne s’applique pas uniquement aux décisions prises en vertu du chapitre VII. Signalons aussi qu’en général le Conseil de Sécurité s’abstient de désigner le chapitre en vertu duquel il exerce son mandat.422

La Cour Internationale de Justice, dans son Avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie, précise la portée de l’article 25 et répond à la question de savoir si cet article s’applique seulement aux mesures coercitives en vertu du chapitre VII. Elle considère que :

« Rien dans la Charte ne vient appuyer cette idée. L’article 25 ne se limite pas aux décisions concernant des mesures coercitives mais s’applique aux « décisions du Conseil de sécurité » adoptées conformément à la Charte. En outre cet article est placé non pas au chapitre VI1 mais immédiatement après l’article 24, dans la partie de la Charte qui traite des fonctions et pouvoirs du Conseil de sécurité. Si l’article 25 ne visait que les décisions du Conseil de sécurité relatives à des mesures coercitives prises en vertu des articles 41 et 42 de la Charte, autrement dit si seules ces décisions avaient un effet obligatoire, l’article 25 serait superflu car cet effet résulte des articles 48 et 49 de la Charte. »423. Par conséquent il apparaît bel et bien que la distinction entre ‘‘recommandation’’ et ‘‘décision’’, autrement dit entre les résolutions du Conseil de Sécurité adoptées en vertu du chapitre VI et celles qui le sont en

421 Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit International public, op. cit., p. 372.

422 La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, sous la dir. de Jean-Pierre Cot et Alain Pellet,

Économica, Paris, 1991, pp. 471 et s.

423 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest

152

vertu du chapitre VII de la Charte, n’est pas clairement établie dans la Charte des Nations Unies.

Toutefois, dans la pratique juridique internationale on distingue les résolutions du Conseil de Sécurité adoptées en vertu du chapitre VII et qui revêtent force obligatoire de celles adoptées en vertu du chapitre VI qui « ont une grande force morale, mais où l’on ne saurait voir des obligations juridiques. »424

La distinction entre les différentes résolutions du Conseil de Sécurité peut s’expliquer par le système de gradation des mesures que le Conseil de Sécurité met en œuvre face à une situation donnée en fonction de sa gravité. En effet, la Charte onusienne mandate le Conseil de Sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ainsi le Conseil de Sécurité est-il investi de l’autorité de qualifier la menace et du pouvoir de décider quels moyens seront adoptés pour y faire face.

A cet effet, les mesures mises à la disposition du Conseil de Sécurité pour « le règlement pacifique des différends », « dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales », sont définis par le chapitre VI425. En

revanche lorsque le Conseil de Sécurité constate l’existence « de menaces contre la paix, de ruptures de la paix et d’actes d’agression (chapitre VII) » il peut recommander ou décider des mesures coercitives, progressives en fonction de la gravité des menaces, à mettre en œuvre pour le maintien ou le rétablissement de la paix et la sécurité internationales » (article 39 de la Charte).426

424 Voir l’opinion individuelle du Juge Sture Petrén dans l’Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice

sur la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie, Ibid. p. 136. Le juge Petrén explique que « les articles 24 et 25 ne sauraient avoir pour effet de contourner les conditions que le chapitre VI1 pose pour que le Conseil de sécurité puisse ordonner avec force obligatoire envers les Etats le genre de mesures dont il s’agit, notamment l’interruption partielle des relations économiques. Selon l’article 41 du chapitre VII, le Conseil de sécurité ne peut imposer aux Etats l’obligation d’appliquer de telles mesures que dans le cadre d’une action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’actes d’agression. Il est incontestable que le Conseil de sécurité n’a pas adopté les résolutions dont il s’agit en l’espèce dans le cadre d’une telle action, clairement définie comme sa nature l’exige. Ne serait-ce que pour ce motif, je considère comme exclu que l’on se trouve en l’espèce en présence de décisions du Conseil de sécurité revêtues de force obligatoire envers les Etats. II ne peut s’agir que de recommandations ayant évidemment, comme telles, une grande force morale, mais où l’on ne saurait voir des obligations juridiques. »

425 Article 33, chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Parmi ces mesures, négociations, enquêtes,

médiations, conciliations, arbitrages, règlements judiciaires, recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques.

426 Le chapitre VII, dans son article 39, donne au Conseil de Sécurité le pouvoir de faire des recommandations ou

de décider des mesures conformément aux articles 41 et 42.

L’article 40 l’autorise à « inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu’il juge nécessaires ou souhaitables».

L’article 41 lui donne le pouvoir de « décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions […]. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète

153

La difficulté reste à déterminer en vertu de quel chapitre le Conseil de Sécurité adopte telle ou telle résolution, puisqu’il évite en général « de faire référence dans ses résolutions aux différents chapitres qui concernent ces deux compétences théoriquement distinctes, le chapitre VI pour le règlement pacifique, le chapitre VII pour le maintien de la paix. »427 Dans ce cas, et selon la Cour Internationale de Justice, pour pouvoir conclure à l’effet obligatoire d’une résolution, il faut en analyser le libellé, les débats qui ont précédé son adoption, les dispositions de la Charte invoquées et tous les éléments qui pourraient aider à en préciser les conséquences juridiques.428

Il est indispensable, donc, de préciser sur quel chapitre le Conseil de Sécurité s’est appuyé pour adopter les résolutions les plus importantes concernant la question palestinienne : 237 et 242 ainsi que 338, car dans leurs textes nous ne trouvons aucune référence à l’un ou l’autre des chapitres.

En premier lieu, il faut rappeler que le chapitre VII est relatif à l’action du Conseil de Sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression. Constatant l’existence d’un de ces cas, le Conseil de Sécurité « fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales » (article 39). Les résolutions du Conseil de Sécurité adoptées au lendemain de la guerre de juin 1967 entrent parfaitement dans le cadre de l’article 39. Nous pouvons constater en effet que la situation entre les pays arabes et Israël présente, en général depuis 1948 et particulièrement durant le mois de juin 1967, une menace permanente contre la paix et la sécurité internationales. Peut-on qualifier autrement la

situation d’une région qui a connu en 60 ans plus de 8 guerres entre Arabes et Israéliens ? En outre, la guerre de 1967 constituait clairement une rupture de la paix puisque elle

avait effectivement été déclenchée par Israël contre trois Etats souverains et s’était terminée par l’occupation de leurs territoires, par l’emploi de la force, le tout bien évidemment de manière illégale et contraire aux principes de la Charte des Nations Unies. Dans des circonstances semblables le Conseil de Sécurité n’a pas hésité à condamner l’invasion

ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. »

L’article 42 autorise le Conseil de Sécurité, dans le cas où les mesures prévues à l’article 41 se seraient ou se sont révélées inadéquates, à entreprendre toute action militaire « qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ».

427 Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit International public, op. cit., p. 845.

428 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest

154

irakienne du Koweït le 2 août 1990 et à adopter ce même jour la résolution 660 en vertu du chapitre VII429. En conséquence, on peut à juste titre considérer les résolutions 237 et 242 adoptées à la suite de la guerre de juin 1967 comme dotées de la force obligatoire que confère le chapitre VII aux résolutions du Conseil de Sécurité.

b- Le rôle du Conseil de Sécurité et ses résolutions pertinentes

Durant les 60 dernières années le Conseil de Sécurité est resté vague, contrairement à l’Assemblée Générale, sur la question de l’exercice du Droit au retour pour les réfugiés palestiniens. Pendant les premières années suivant le conflit israélo-arabe, le Conseil de Sécurité abordait la question des réfugiés indirectement ou de façon restrictive en limitant ses textes aux personnes déplacées par Israël après la fin de la guerre de 1948. Dans sa résolution 73 du 11 août 1949, le Conseil de Sécurité exprimait l’espoir que les Gouvernements parties au conflit s’engageraient à rechercher un règlement de toutes les questions de désaccord, « y compris nécessairement la question des réfugiés, bien qu’elle ne soit pas mentionnée expressément.430». La résolution 93 du 18 mai 1951 était plus explicite en mentionnant le droit des civils arabes à rentrer dans leurs foyers, mais sont ici concernés les Arabes expulsés des zones démilitarisées mises en place par les conventions d’armistice de 1949.

Ce n’est qu’après la troisième guerre israélo-arabe de 1967 que le Conseil de Sécurité s’est prononcé, de manière un peu plus explicite, par plusieurs résolutions, notamment celles n° 237 du 14 juin 1967 et n° 242 du 22 novembre 1967 sur la question palestinienne en général et plus spécialement sur le problème des nouveaux réfugiés palestiniens.

En effet, la guerre déclenchée par Israël le 5 juin 1967 contre les pays arabes s’est soldée par une occupation israélienne du reste des territoires palestiniens, c’est-à-dire la Cisjordanie et la bande de Gaza en plus du Golan syrien et du Sinaï égyptien, laquelle a provoqué une nouvelle vague de réfugiés palestiniens.

Dans sa résolution 237 du 14 juin 1967, le Conseil de Sécurité considère « que les droits de l’homme essentiels et inaliénables doivent être respectés même dans la vicissitude de la guerre […].1. Prie le Gouvernement israélien d’assurer la sûreté, le bien-être et la

429 Voir Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit International public, op. cit., pp. 847, 848.

430 W-T. et S-V. Mallison, Analyse, dans le contexte du droit international, des principales résolutions de l’ONU

155

sécurité des habitants des zones où des opérations militaires ont eu lieu et de faciliter le retour des habitants qui se sont enfuis de ces zones depuis le déclenchement des hostilités. »

Nous remarquons que cette résolution ne se réfère clairement qu’aux réfugiés post 5 juin 1967 et non pas à tous les réfugiés palestiniens y compris ceux de 1948. Sa formulation qui emploie des verbes comme ‘‘prier’’ ou ‘‘recommander’’ laisse à penser que la résolution ne porte pas la force obligatoire nécessaire pour en imposer l’application aux différents partis. Néanmoins, cette résolution a été adoptée au lendemain d’une guerre et dans un contexte d’occupation et d’exode massif des populations, ce qui signifie un acte d’agression et une rupture de la paix, et implique, par voie de conséquence, sa lecture dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

La résolution du Conseil de sécurité n° 242 du 22 novembre 1967 affirme dans son article 2 la nécessité « de réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ». Cependant le Conseil n’indique aucuns des éléments nécessaires à la concrétisation de ce ‘‘juste règlement’’ et ne se réfère pas aux résolutions de l’Assemblée Générale relatives au Droit au retour pour les réfugiés palestiniens, notamment la résolution 194. W-T. et S-V. Mallison constatent que, en l’absence de précisions du Conseil de Sécurité sur la question des réfugiés, « les seuls principes directeurs adoptés par l’Organisation des Nations Unies à ce sujet sont les résolutions de l’Assemblée Générale» relatives au Droit au retour.431

Cette résolution 242 a été confirmée par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 338 du 22 octobre 1973, adopté suite à la guerre de Kippour. Malgré l’importance qu’on accorde à la résolution 242, vu qu’elle constitue la base de la paix dans la région et est souvent invoquée comme telle, à ce jour elle n’a pas été appliquée.

156

Section 3 : 1967 : La tentative d’éteindre l’ambition nationale

palestinienne

Le 5 juin 1967 Israël déclenche une guerre contre ses voisins arabes. Les causes ou les justifications qu’on peut attribuer à cette guerre n’étant pas l’objet de cette étude432, nous nous concentrerons sur ses conséquences pour le peuple palestinien et pour son ambition nationale sur ses territoires. Avec la guerre de juin 1967, le même scénario qu’en 1948 se répète dans les territoires palestiniens : occupation de terres et exode des populations (I). Cette guerre, qui s’est soldée par une victoire écrasante de l’armée israélienne, a entraîné une grande modification des frontières. Israël occupe désormais la totalité de la Palestine avec Jérusalem- est, la Cisjordanie et Gaza, en plus du Golan syrien et du Sinaï égyptien. Il quadruple ainsi la superficie de son territoire, qui a déjà été substantiellement agrandi de 22 % à la suite de la guerre de 1948. Nous examinerons le statut de ces territoires occupés à la lumière des normes du Droit International et des résolutions des Nations Unies (II).

432 Voir le récit des événements qui ont précédé la guerre de juin 1967 dans Henry Laurens, Le retour des exilés,

157

158

Documents relatifs