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Paragraphe I : Nouvel exode des Palestiniens et nouvelle occupation du territoire

C- L’annexion de Jérusalem-est

Après avoir occupé la partie Ouest de Jérusalem à la suite de la guerre de 1948, Israël occupe puis annexe en juin 1967 Jérusalem-est. Immédiatement après la guerre du juin 1967, le Gouvernement israélien commence à mettre en place un cadre juridique destiné à incorporer, à terme, la partie Est de Jérusalem à l’Etat israélien. Il faut mentionner que les ordonnances militaires israéliennes examinées précédemment ne s’appliquent pas à la partie annexée de Jérusalem, contrairement au reste des Territoires Occupés. En effet, Israël adopte des lois propres à Jérusalem et y étend sa juridiction et son administration nationales.

Le 27 juin 1967, la Knesset israélienne promulgue deux lois renforçant la mainmise sur Jérusalem.

La première est l’amendement n° 11 de l’ordonnance relative à la législation et l’administration qui décide que « la législation, la juridiction et l’administration de l’Etat s’étendront à toute zone d’Eretz Israël désignée par un Décret du Gouvernement.»481. Le lendemain de cette promulgation, le Gouvernement israélien déclare par décret que les zones

479 David Kretzmer, The occupation of justice, op. cit., p. 3.

480 La Cour suprême est allée jusqu’à justifier, sous certaines conditions, les exécutions extrajudiciaires, ou

assassinat ciblés, pratiquées par l’armée israélienne contre des dirigeants des organisations palestiniennes, voir Michel Bôle-Richard, En Israël, la Cour suprême justifie les assassinats ciblés, Le Monde, 15/12/2006

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2006/12/15/en-israel-la-cour-supreme-justifie-les-assassinats- cibles_846087_3218.html

481 Article 11B, Law and Administration Ordinance, Amendment n°11, Laws of the State of Israel, vol. 21, 1966-

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nommées dans l’annexe du décret sont comprises dans la région où la législation et l’administration de l’Etat d’Israël s’appliquent. Les zones mentionnées comprennent la vieille ville de Jérusalem et les régions environnantes.

La deuxième loi est l’amendement n° 6 de l’ordonnance relative aux municipalités, qui autorise le Ministre approprié à étendre à sa discrétion et sans enquête préalable par proclamation la zone d’une municipalité particulière en y rattachant une zone désignée par décret selon l’article 11B de l’ordonnance relative à la législation et l’administration. »482. Sur la base de ces deux lois, le Ministre de l’intérieur décide, par proclamation le 28 juin 1967, d’élargir la municipalité de Jérusalem qui englobe désormais Jérusalem-est en plus des 70 000 dounams de la Cisjordanie.

En vertu de la loi fondamentale du 30 juillet 1980, la Knesset proclame « Jérusalem entière et réunifiée : capitale d’Israël.» Rappelons que l’ONU a toujours condamné les mesures et dispositions législatives prises par Israël tendant à modifier le statut de Corpus separatum de Jérusalem483.

Pourtant Israël « entame une politique ambitieuse de peuplement et d’urbanisation de cette région au prix de grandes souffrances pour la population palestinienne et sans le moindre égard ni pour le droit ni pour les Nations Unies. »484. De fait, après l’occupation en 1967, Israël a mis en œuvre une politique à double tranchant vis-à-vis de Jérusalem.

Dans un premier temps, ce fut le « Jérusalem Master Plan » qui avait été préparé entre 1967 et 1968 à l’initiative de la municipalité de Jérusalem en coopération avec différents Ministères dans le but d’orienter le développement et la construction de la Ville485. Conformément à ce Plan, le premier objectif des autorités israéliennes, durant les premières années après l’occupation, sera d’unifier les parties Est et Ouest de Jérusalem par

482 Article 8A, (a), Municipalities Ordinance Law, Amendment n°6, Laws of the State of Israel, vol. 21, 1966-

1967, p. 75.

483 L’Assemblée Générale (résolutions 2253 et 2254 des 4 et 14 juillet 1967), puis le Conseil de Sécurité

(résolutions 252 du 21 mai 1968 ; 267 du 3 juillet 1969 ; 271 du 15 septembre 1969 ; 298 du 25 septembre 1971) proclament « ... que toutes les mesures et dispositions législatives prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de bien immobiliers qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem sont non valables et ne peuvent modifier ce statut... ». Lorsque la loi du 30 juillet 1980 a déclaré Jérusalem « entière et réunifiée, capitale d’Israël », le Conseil de Sécurité a affirmé, dans sa résolution 476 du 30 juin 1980, qu’il s’agissait d’une « violation du droit international » et que cette loi, comme « toutes les mesures... prises par Israël, la puissance occupante, qui ont modifié le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem... sont nulles et non avenues... ». Il demande notamment « aux Etats qui ont établi des missions diplomatiques à Jérusalem de retirer ces missions de la Ville sainte ».

484 Géraud de La Pradelle, Jérusalem ; Vers le partage en deux capitales, LMD, janvier 1992. 485 Yifat Holzman-Gazit, Land expropriation in Israel, op. cit., p. 136.

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l’établissement de colonies de peuplement. Lesquelles œuvreront à préserver la réunification de la Ville en créant des faits politiques, physiques et démographiques sur le terrain486.

Le deuxième volet de cette politique conçue par Israël fut développé par un comité interministériel en 1973. Il considère que la préservation dans la Ville d’un ‘‘équilibre démographique’’ entre les ‘‘groupes ethniques’’ est une question relevant directement du Gouvernement israélien et doit être le principe central de la politique d’aménagement de Jérusalem487. Cette formulation de « préservation de l’équilibre ethnique », parce qu’équivoque, peut à première vue donner l’impression qu’on a bien affaire à une politique de parité préservant les intérêts des deux groupes « ethniques » à Jérusalem. Ne peut-on pas se demander cependant si l’affirmation d’une volonté de maintien d’un équilibre entre les deux composantes ne cache pas quelque arrière-pensée ? Etant donné que l’annexion de Jérusalem- est a ajouté 71 000 Palestiniens à la population totale de la Ville, les autorités israéliennes décident d’y augmenter la proportion des Juifs pour atteindre les 80-90 %488. Faute d’atteindre ce pourcentage, vu que l’accroissement de la population juive s’avère moins important que prévu et que le taux de croissance de la population arabe est considéré comme un ‘‘problème démographique’’, le Gouvernement israélien adopte en 1973 la recommandation suivante : « Un équilibre démographique entre Juifs et Arabes doit être maintenu tel qu’il était à la fin de l’année 1972, soit 73,5 % de Juifs et 26,5 % d’Arabes palestiniens. »489 Ainsi ‘‘l’équilibre démographique’’ fondé sur des considérations ethnopolitiques devient le principe directeur de la politique d’aménagement à Jérusalem.

Pour accomplir cet objectif, les Gouvernements israéliens successifs ont eu recours à diverses mesures telles que :

- L’expropriation des terres palestiniennes pour y construire des colonies juives. La majorité des expropriations se sont effectuées pour des causes ‘‘d’utilité publique’’ sur la base de la loi britannique « Land ‘‘Acquisition for Public Purposes’’ Ordinance » de 1943.

- La restriction de l’utilisation des terres qui restent aux mains des Palestiniens.490

486 Ibid.

487 B’Tselem, A Policy of Discrimination: Land Expropriation, Planning and Building in East Jerusalem, mai

1995, p. 31. disponible sur internet

http://www.btselem.org/Download/199505_Policy_of_Discrimination_Eng.doc

488 Selon le recensement de septembre 1967 la population totale de Jérusalem s’élevait à 267 800 habitants, dont

196 800 Juifs et 71 000 Arabes palestiniens, Yifat Holzman-Gazit, Land expropriation in Israel, op. cit., p. 136 et B’Tselem, A Policy of Discrimination, op. cit., p. 30.

489 Ibid.

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- La mise en œuvre de mesures discriminatoires quant à l’aménagement de la Ville afin de réduire les constructions dans les quartiers palestiniens.491

- Le refus d’accorder des permis de construire aux Palestiniens, et la destruction par la suite de toute construction sans permis.492

- Des restrictions très sévères quant à la liberté de résidence des Palestiniens natifs de Jérusalem et le refus de leur accorder le regroupement familial.493

Ainsi force est de constater qu’en réalité la politique israélienne n’a eu d’autre visée que celle de privilégier l’avantage démographique de la population juive au détriment des Palestiniens.

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