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Paragraphe II : Le statut des territoires palestiniens occupés

A- Les territoires occupés en 1948-

Comme nous l’avons indiqué, en vertu du Plan de partage, résolution 181 de 1947, l’Etat juif devait constituer 56,5 % de la Palestine et l’Etat arabe 43,5 %494. Entre les premiers mois de 1948 et la signature des conventions d’armistice avec les pays arabes en 1949, Israël avait agrandi substantiellement son territoire par rapport à ce qui était prévu. En effet le territoire d’Israël passe, aux dépens de l’Etat arabe, de 14 000 km² à 21 000 km² soit 78 % de la Palestine au lieu des 56,5 % prévus.

491 Ibid. p. 50. 492 Ibid.

493 B’Tselem, The Quiet Deportation, Revocation of Residency of East Jerusalem Palestinians, avril 1997, p. 3. 494 Supra, B- Le contenu du plan de partage. 91.

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Les conquêtes territoriales israéliennes de 1948 ont été plus ou moins ignorées par les résolutions des Nations Unies et n’ont pas été examinées sur le plan juridique, exception faite des analyses de quelques juristes arabes, comme elles l’auraient mérité.

La thèse israélienne visant à justifier l’occupation de ces territoires consiste à accuser les Arabes d’avoir rejeté la résolution de partage et envahi la Palestine, ce qui a conduit à l’échec et à l’occupation des territoires. Selon des juristes arabes, cet argument est « trompeur et dénué de tout fondement que ce soit dans les faits ou dans le droit. »495

En effet, selon eux, cet argument « ignore tout simplement » les faits historiques, car le mouvement sioniste avait planifié, bien avant la guerre de 1948, l’élargissement de la terre de l’Etat juif au-delà des frontières envisagées par les Nations Unies. Ainsi, avant la fin du Mandat britannique, le 15 mai 1948, et donc avant toute intervention des Etats arabes, les sionistes avaient expulsé un grand nombre de Palestiniens et occupé des villes et villages arabes, y compris des régions allouées au futur Etat arabe496. La chronologie des événements, rapportée par les historiens spécialistes de la question palestinienne, montre qu’au cours des semaines précédant la fin du Mandat, les forces sionistes avaient occupé les villes de Tibériade le 17 avril 1948, d’Haïfa le 22 avril, de Jaffa le 28 avril, de Safad le 6 mai, de Beisan le 8 mai et de Saint-Jean d’Acre le 14 mai.497

Par ailleurs, l’historien israélien Avi Shlaim nous révèle l’existence d’un accord tacite, passé entre le roi Abdallah de Transjordanie et l’Agence juive le 17 novembre 1947, soit 12 jours avant le vote de la résolution sur le partage. Les deux parties y décident de se partager la Palestine à la fin du Mandat britannique. Ainsi la seule vraie armée arabe, la ‘‘Légion arabe’’ qui était sous le commandement du roi, s’engageait à ne pas envahir le territoire alloué au futur Etat juif, en échange de l’annexion du territoire destiné à l’Etat arabe.498

Par la résolution 62 du 16 novembre 1948, le Conseil de Sécurité décida qu’«il sera[it] conclu un armistice dans tous les secteurs de la Palestine » et invita les parties directement impliquées dans le conflit à rechercher un accord à cette fin. Conformément à cette décision,

495 Henry Cattan, Palestine and International Law, op. cit., p. 109.

496 Nous avons évoqué certains plans comme le ‘‘Plan Dalet’’ et le ‘‘Plan Avnir’’ dont l’objectif était d’expulser

le maximum de Palestiniens et d’occuper des terres, supra. p.108.

497 Voir entre autres Ilan Pappé, Une terre pour deux peuples, op.cit., pp. 142 et s, Benny Morris, The Birth of

the Palestine Refugee Problem, op. cit., pp. 160 et s, Henry Laurens, Le retour des exilés, op.cit., p. XLVIII.

498 Ce qui arrivera effectivement à la fin de la guerre, la Jordanie occupera puis annexera ce qui reste de l’Etat

arabe en Palestine. Voir Avi Shlaim, The debate about 1948, in Ilan Pappé, The Israel / Palestine question, Routledge, London, 1999, p.160 et Dominique Vidal, L’expulsion des Palestiniens revisitée, op.cit., p.13.

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des conventions générales d’armistice furent conclues en 1949 entre Israël et les Etats arabes limitrophes grâce à la médiation des Nations Unies. Une telle convention fut signée à Rhodes le 3 avril 1949 entre Israël et la Jordanie. Ses articles V et VI fixaient la ligne de démarcation entre les forces israéliennes et les forces arabes, ligne souvent appelée par la suite « Ligne Verte». Il était précisé au paragraphe 2 de l’article III qu’aucun « élément des forces militaires ou paramilitaires ... de l’une ou l’autre partie ... ne franchira[it], pour quelque motif que ce soit, la ligne de démarcation ...». Il était convenu au paragraphe 8 de l’article VI que ces dispositions ne seraient pas « interprétées comme préjugeant en aucune façon un règlement ... définitif entre les parties ». En outre, il était stipulé que « la ligne de démarcation de l’armistice, définie aux articles V et VI de la Convention ..., [était] acceptée par les parties sans préjudice de règlements territoriaux ultérieurs, du tracé des frontières ou des revendications de chacune des parties à ce sujet »499.

Les lignes fixées par les conventions d’armistice impliquent le fait qu’elles ne sont pas des frontières internationales à proprement parler et ne peuvent pas « avoir des effets juridiques définitifs »500. Autrement dit, la ligne de démarcation de l’armistice, la « Ligne

Verte », qui représente les frontières reconnues à Israël en vertu du Plan de partage, en plus des territoires conquis par Israël avant et à la suite de la guerre de 1948, ne peut être utilisée comme prétexte pour l’acquisition de titre de souveraineté sur des territoires occupés. En ce sens Jean Salmon affirme que : « D’une manière générale les limites de 1949 n’étaient que des lignes de démarcation et sans valeur particulière. Leur sort était réservé par les accords d’armistice. Les territoires acquis par Israël entre 1948 et 1949 ne sont pas donc passés juridiquement sous sa souveraineté. Il s’agit d’une détention provisoire. »501

En outre, selon Monique Chemillier-Gendreau il y a lieu d’appliquer le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la force, l’article 2 paragraphe 4 de la Charte onusienne, à la totalité des territoires conquis dès 1948502. Dans la même perspective, Patrick Daillier et Alain Pellet affirment qu’en principe depuis l’interdiction générale du

499 Voir le texte de la convention d’armistice entre Israël et la Jordanie sur le site des Nations Unies

http://unispal.un.org/unispal.nsf/9a798adbf322aff38525617b006d88d7/e450a4c18f4ee4d085256d96006272bf?O penDocument

500 Sentence arbitrale du 9 octobre 1998 entre l’Erythrée et le Yémen, in Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit

International Public, op. cit., p. 465.

501 Jean Salmon, La proclamation de l’Etat palestinien, op. cit., p. 44.

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recours à la force dans le Pacte Briand-Kellogg503 de 1928 et la Charte des Nations Unies, « la conquête a cessé d’être un mode légitime d’acquisition.504». Les Nations Unies, en 1970, ont confirmé ce principe par la Déclaration relative aux principes du Droit International touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats : « Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale. »505

Il faut mentionner également que l’Etat d’Israël a violé à plusieurs reprises les conventions d’armistices signées avec les Etats arabes.506

En guise de conclusion sur ce point, nous tenons à rappeler quelques faits :

- Bien que la proclamation d’indépendance d’Israël ait été déclarée sur la base juridique de la résolution de partage n°181 de 1947, ses rédacteurs ont omis de préciser le contenu territorial de l’Etat israélien «de façon voulue»507.

- Israël a été admis aux Nations Unies en 1949 à la condition d’accepter sans réserve toutes les obligations découlant de la Charte onusienne, ainsi que d’appliquer toutes les résolutions de l’ONU, notamment la résolution 181 sur le partage de1947.508

- Les Palestiniens ont eux-mêmes reconnu cette résolution de partage, l’inscrivant dans la proclamation d’indépendance de leur Etat en novembre 1988.

- Les Israéliens, aujourd’hui, appellent les Palestiniens à reconnaître le Plan de partage. Cependant, ils ne semblent vouloir obtenir que la reconnaissance du fait que le Plan désignait l’Etat qui leur reviendrait comme un Etat « juif ». De plus, ils se gardent bien de préciser si cet Etat « juif » aurait pour frontières celles prévues

503 Le Pacte Briand-Kellogg , ou Pacte de Paris, du nom des deux Ministres des Affaires Etrangères français et

américain, est un traité signé le 27 août 1928 à Paris et entré en vigueur le 24 juillet 1929. Par ce Pacte les 15 pays signataires « condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux, sauf en cas de légitime défense et y renoncent en tant qu’instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles ».

504 Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit International public, op. cit., p. 537.

505 Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée Générale des Nations Unies, 24 octobre 1970. 506 Henry Cattan, Palestine and International Law, op. cit., pp. 120 et s.

507 Selon Henry Laurens cette absence de précision du contenu territorial était volontaire de la part de Ben

Gourion, voir Le retour des exilés, op. cit., p. 674.

508 Israël fut admis dans l’Organisation des Nations Unies par la résolution 273 (III) du 11 mai 1949.

L’Assemblée Générale :

« Prenant acte, en outre, de la déclaration par laquelle l’Etat d’Israël accepte sans réserve toutes les obligations découlant de la Charte des Nations Unies et s’engage à les observer du jour où il deviendra membre des Nations Unies ;

Rappelant ses résolutions du 29 novembre 1947 [181 sur le partage] et le 11 décembre 1948 [194 sur les réfugiés] et prenant acte des déclarations faites et explications fournies devant la Commission politique spéciale par le représentant du Gouvernement d’Israël en ce qui concerne la mise en œuvre desdites résolutions.

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par le Plan et de rappeler qu’il y était bien question de la création de deux Etats, dont il désignait les frontières.509

- Rien sur le plan juridique n’empêche les Palestiniens, même après la signature des accords de paix avec Israël, de revendiquer le retour aux frontières fixées par la résolution 181 car, comme le rappelle Jean Salmon : « Ce n’est pas parce que l’on se borne à exiger le retrait des forces israéliennes sur ces lignes [de 1967] que l’on admet ipso facto la souveraineté d’Israël sur la partie de l’Etat arabe palestinien conquise entre 1948 et 1949. »510

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