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Paragraphe II : Le Plan de Partage des Nations Unies

C- La Résolution 181 : Une validité contestée

1- Sur le plan juridique

Certains auteurs mettent en cause la validité de la Résolution de partage sur sa compatibilité avec les objectifs et dispositions du Mandat, avec les principes de la Charte des Nations Unies et en questionnant sur la compétence de l’Assemblée Générale.

Des critiques se focalisent sur la violation de certaines dispositions du Mandat sur la Palestine qui était en vigueur lorsque l’Assemblée Générale a décidé de son sort en novembre 1947. En effet, nous allons voir que la dissolution de la SDN ne mettait pas fin aux dispositions des mandats entrepris sous son égide et que, par conséquent, l’Assemblée Générale « n’était pas habilitée à priver les Palestiniens autochtones des droits et protections qui leur avaient été accordés à l’époque par le mandat.»255

Nous avons évoqué l’article 5 du Mandat sur la Palestine selon lequel la puissance mandataire devait garantir la Palestine de « toute perte ou prise à bail de tout ou partie du territoire et contre l’établissement de tout contrôle d’une puissance étrangère ». Nous pouvons considérer que l’Assemblée Générale a violé cet article en cédant des territoires à l’Agence juive. En effet, cette Agence, à l’origine, était considérée comme puissance étrangère, au moins par les Palestiniens. De plus, qualifiée de « gouvernement fantôme » par la Commission anglo- américaine de 1946, elle a cessé de coopérer avec les autorités pour maintenir la loi et l’ordre et lutter contre le terrorisme, et par voie de conséquence elle « est devenue une puissance étrangère.»256

La principale cause d’illégalité de cette résolution est fondée sur la question de la compétence de l’Assemblée Générale à prendre une solution basée sur le partage.

255 W-T. et S-V. Mallison, Analyse, dans le contexte du droit international, des principales résolutions de

l’Organisation des Nations Unies concernant la question de Palestine : Etude établie et publiée à la demande du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, New York, 1979, p. 22.

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Effectivement, la Charte des Nations Unies n’autorise pas l’Assemblée Générale à décider du sort d’un territoire, même si ce territoire était placé sous l’ancien régime des mandats de la SDN, car l’ONU n’a hérité ni des pouvoirs ni des fonctions de la SDN en matière de mandats257. Le paragraphe premier de l’article 80 de la Charte de l’ONU stipule qu’à l’exception des territoires placés sous le régime de tutelle par des accords particuliers « aucune disposition du présent chapitre [XII] ne sera interprétée comme modifiant directement ou indirectement en aucune manière les droits quelconques d’aucun Etat ou d’aucun peuple ou les dispositions d’actes internationaux en vigueur auxquels des Membres de l’Organisation peuvent être parties. » Or la Palestine n’a fait l’objet d’aucun accord de tutelle.

Dans le même sens, la CIJ a rappelé dans son Avis relatif au statut du Sud-Ouest africain comment le régime des mandats n’impliquait ni cession de territoire, ni transfert de souveraineté, dont le titre restait potentiellement aux mains du peuple, son exercice étant seulement différé. La CIJ affirme que la raison d’être des obligations résultant des mandats ainsi que leurs objectifs et leurs exécutions ne dépendent pas de l’existence de la SDN, « ces obligations ne pouvaient devenir caduques pour la seule raison que cet organe de surveillance avait cessé d’exister. Le droit de la population de voir le Territoire administré conformément à ces règles ne pouvait pas non plus en dépendre.»258

A supposer que l’Assemblée Générale soit compétente pour décider du sort du mandat, elle doit se limiter aux pouvoirs qui lui sont conférés et aux principes de la Charte de l’ONU, dont certains articles, comme l’article 10 (sous réserve des dispositions de l’article 12, c’est-à-dire quand le Conseil de Sécurité se saisit de la question), autorisent l’Assemblée Générale à formuler des recommandations aux membres de l’ONU et/ou au Conseil de Sécurité. Il existe une grande différence entre faire une recommandation et adopter un plan qui disloque un territoire et change son statut juridique et politique. L’article 14 de la Charte onusienne, repris dans le préambule de la résolution 181, autorise l’Assemblée Générale à « recommander les mesures propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation, quelle qu’en soit l’origine, qui lui semble de nature nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations… » Si l’on convient que la résolution 181 revêtait un caractère obligatoire, ce qui est sans doute le cas puisque l’une de ses clauses stipule : « Que le Conseil de sécurité considère comme menace contre la paix, rupture de paix ou acte d’agression, conformément à l’article 39 de la Charte, toute tentative visant à modifier par la

257 Ibid. p. 7-8.

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force le règlement prévu par la présente solution », alors l’Assemblée Générale semble outrepasser son pouvoir de faire des recommandations. Mme Monique Chemillier-Gendreau trouve que « la recommandation n’est pas invalide. Ce qui est invalide, c’est le raisonnement par lequel on voudrait la transformer en une norme objective obligatoire pour tous. »259. Dans le cas où la résolution 181 constituait une recommandation sans force obligatoire, le consentement des parties concernées était nécessaire à son application260. Or, en Palestine une de deux parties, les Palestiniens, s’est opposée clairement à la résolution.

En effet, l’opposition du peuple palestinien au plan de partage soulève la question de sa souveraineté et de son droit à l’autodétermination. Pour certains juristes l’Assemblée Générale a empiété sur la souveraineté du peuple palestinien et l’a privé de son droit naturel à l’autodétermination.

Nous avons montré que l’article 22 du Pacte de la SDN était évoqué en tant que garantie, pour les peuples mis sous tutelle provisoire, d’accéder à l’indépendance sur leurs territoires. Ainsi les peuples placés sous Mandat A, et c’était le cas de la Palestine, étaient provisoirement reconnus en tant que nations indépendantes261. En vertu de quoi la SDN ne possédait pas la souveraineté sur la Palestine et par conséquent l’ONU ne pouvait en hériter. Duncan Hall écrit en 1948 que « dans le cas des mandats, la SDN est décédée sans testament…Il n’y a pas eu de transfert de souveraineté aux Nations Unies…La souveraineté en quelque lieu qu’elle se trouve ne réside pas dans les Nations Unies »262. Le seul détenteur de la souveraineté est le peuple de Palestine263, il en résulte que la décision de l’Assemblée Générale de diviser la Palestine en trois territoires constitue une violation de la souveraineté de ce peuple.

Quant au principe de l’autodétermination, pour certains « on considère généralement que l’autodétermination est le droit qu’a la majorité, au sein d’une unité politique établie, de déterminer son propre avenir »264. L’Assemblée Générale en imposant le partage a agi contrairement à la volonté de la majorité du peuple de Palestine. L’Assemblée Générale, si elle voulait être en accord avec le principe de l’autodétermination, aurait dû organiser une consultation préalable à toute décision, surtout lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi important qu’une cession territoriale. Le plan de l’Assemblée Générale permet aux Palestiniens

259 Monique Chemillier-Gendreau, Un titre de propriété inaliénable sur la terre, LMD, avril 1999.

260 Sur la portée et la force des recommandations de l’Assemblée Générale, voir Patrick Daillier, Alain Pellet,

Droit International public, op. cit., pp. 377-384.

261 Voir supra. 2- Le statut des territoires placés sous mandat.

262 Cité par Henry Cattan, Le partage de la Palestine du point de vue juridique, op. cit., p. 15. 263 Voir Monique Chemillier-Gendreau, Un titre de propriété inaliénable sur la terre. Op. cit.

264 W-T. et S-V. Mallison, Analyse, dans le contexte du droit international, des principales résolutions de l’ONU

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d’exercer leur droit à l’autodétermination de manière restrictive, c’est-à-dire sur une partie seulement de la terre qu’ils habitent, bien qu’ils représentent la majorité de la population. De plus, les Palestiniens habitant les territoires destinés à l’Etat juif, et qui sont en nombre égal à celui des Juifs, ne peuvent pas exercer leur droit à l’autodétermination. Ils deviennent ainsi une minorité sur le plan politique.

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