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Paragraphe II : La Palestine sous Mandat britannique

A- Le régime juridique des mandats

Les mandats concernant les provinces arabes de l’Empire ottoman étaient tous de type A, y compris celui pour la Palestine. La SDN explique que « Dans un premier groupe – les mandats A (Syrie, Liban, Palestine, Transjordanie et Iraq) – la nation est provisoirement reconnue comme indépendante, mais reçoit le conseil et l’assistance administrative du mandat jusqu’à ce qu’elle soit capable d’être indépendante…»158. Deux questions peuvent être posées quant au système des mandats. La première concerne la place et le statut des peuples dans le mandat, notamment quant à l’émergence du droit des peuples à l’autodétermination, qui était devenu à la fin de la 1ère Guerre Mondiale, un principe majeur dans les relations internationales, grâce en grande partie au Président Wilson(1). La deuxième question concerne le statut des territoires placés sous mandat (2).

1- Les peuples et leurs droits

Le principe des nationalités apparut au XIXe siècle, lorsqu’il fut évoqué avec la dislocation de l’Empire ottoman. Il fut présenté comme l’équivalent de l’indépendance nationale, autrement dit, le droit de chaque nation à se constituer en Etat indépendant. Ce principe fut au départ un principe politique et non une règle de droit. Au début du XXe siècle, grâce aux idées du Président Wilson qui influencent les Traités de la fin de la Guerre, l’autodétermination commence à se transformer en une norme juridique. Les idées de Wilson furent établies en quatorze points, énoncés le 8 janvier 1918, et constituaient un programme pour la paix mondiale. Le 12e point mentionnait les territoires et les populations de l’Empire ottoman :

« La partie turque de l’actuel Empire ottoman devrait se voir reconnaître une complète souveraineté, mais les autres nations qui sont aujourd’hui sous domination turque devraient recevoir une entière assurance pour la sécurité de leur existence, et se voir accorder une occasion, en dehors de toute pression, de développements autonomes. »159

158 Le système des mandats, origine- principes-applications, Société des Nations, Genève, 1945, VI.A.1, p. 24. 159 Henry Laurens, Le retour des exilés, la lutte pour la Palestine de 1869 à 1997, op. cit., p. 226.

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Après leur victoire dans la 1ère Guerre Mondiale, un problème moral et juridique se posera aux Etats Alliés. Celui du statut des anciennes colonies des vainqueurs et des territoires détachés des vaincus. Effectivement, même si le programme du président Wilson posait les bases de l’anticolonialisme et du droit à l’autodétermination, la politique des Alliés ne semblait pas aller dans ce sens. Lors de la Conférence de Paix en 1919, Lord Balfour déclara au chef du mouvement sioniste américain :

« La Palestine devrait être exclue du mandat parce que les puissances se sont engagées à soutenir le programme sioniste, qui exclut inévitablement l’autodétermination numérique. »160

Pour les Puissances Alliées, il s’agissait de trouver un compromis entre les désirs des peuples colonisés et les besoins des Etats coloniaux. Elles décidèrent par conséquent de combiner leurs aspirations colonialistes avec le principe émergeant de l’autodétermination et de l’indépendance des peuples, dans un système de tutelle appelé Mandat161. Nous pouvons affirmer que les mandats sont, tout simplement, un réaménagement du colonialisme, tendant à renforcer et à faire perdurer les positions française et britannique, mais en accord avec la situation transitoire du système international d’après-guerre.

L’objectif officiel des mandats était d’aider ces territoires et colonies à accéder progressivement à l’indépendance. Une étude de la SDN sur le système des mandats en 1945 explique que :

« Le but de cette institution est d’assurer le bien-être et le développement des peuples qui habitent les territoires en question. L’acceptation par une nation de cette mission implique aussi certaines obligations et responsabilités établies par la loi. […] il s’ensuit, ainsi que de la conception de la tutelle, que cette mission n’est pas en principe destinée à perdurer indéfiniment mais seulement jusqu’à ce que les peuples sous tutelle soient capables de gérer leurs propres affaires. »162.

160 Cité dans Origine et évolution du problème palestinien 1917-1988, op. cit., p. 27.

161 Voir dans ce sens, Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit International Public, 5° édition,

LGDJ, Paris, 1994, p. 471.

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2- Le statut des territoires placés sous mandat

L’article 16 du Traité de Lausanne, conclu avec la Turquie en 1923, prévoyait la renonciation par la Turquie à tous les titres et droits sur les territoires détachés, mais ne les transférait pas pour autant aux puissances Alliées ou à toutes autres parties. Il prévoyait également que le sort de ces territoires serait réglé par les intéressés. Ces intéressés n’étaient pas clairement définis par cet article163. Cependant, en nous fondant sur le principe de l’autodétermination des peuples, nous pouvons en conclure que les intéressés étaient les peuples de ces territoires. Le Vice-président de la Commission Permanente des Mandats 164 (CPM) Van Rees précisait que :

«… la souveraineté elle-même serait détenue, depuis la renonciation des anciens Empires, par les communautés et les populations autochtones des différents territoires. En d’autres termes, les anciens Empires ayant renoncé à leurs droits et titres sur les territoires en question, sans qu’il y ait eu transfert de ces droits et titres à d’autres puissances, la souveraineté, qui appartient à ces peuples et communautés jusqu’au moment de leur soumission à l’Allemagne et la Turquie, renaît automatiquement du fait de la renonciation susdite. »165

Les peuples des territoires placés sous mandat de type A avaient atteint un « degré de développement tel qu’on peut les reconnaître au moins provisoirement comme des nations véritables »166. Ils pouvaient être considérés, au regard de l’article 22 alinéa 4 du Pacte de la SDN, comme étant très proches de la souveraineté ou comme des Etats protégés, « dotés d’une certaine autonomie juridique par rapport au mandataire »167. L’Institut de Droit International affirma en 1931 que :

« Les collectivités sous mandat sont des sujets de droit international. Elles ont un patrimoine distinct de celui de l’Etat mandataire, et peuvent acquérir des droits ou être

163 L’Article 16 du Traité de Lausanne 1923 stipule que: « La Turquie déclare renoncer à tous droits et titres, de

quelque nature que ce soit, sur ou concernant, les territoires situés au-delà des frontières prévues par le présent Traité et sur les îles autres que celles sur lesquelles la souveraineté lui est reconnue par ledit Traité, le sort de ces territoires et îles étant réglé ou à régler par les intéressés. »

164 Organisme consultatif relevant directement du Conseil de la SDN chargé d’examiner les rapports annuels des

mandataires et de donner au Conseil son avis sur toutes les questions relatives à l’exécution des mandats.

165 D.F.W. Van Rees, Les mandats internationaux, Rousseau, Paris, 1927, p. 20. cité par Henry Cattan, Palestine

and International Law, op. cit., p. 69.

166 Louis Cavaré, Le Droit International Public Positif, Pedone, Paris, 1967, p. 561.

167 Jean Salmon, La proclamation de l’Etat palestinien, Annuaire Français de Droit International (AFDI), 1988,

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tenues d’obligations propres ; leurs membres jouissent d’un statut international distinct de celui de l’Etat mandataire. »168

La souveraineté, en tout ou en partie, sur ces territoires n’appartient pas à la puissance mandataire qui « agit au nom de la SDN » en remplissant cette « fonction internationale »169.

La CIJ, analysant le mandat sur le Sud-Ouest africain, rappela, en 1950, que ce régime n’impliquait ni cession de territoire, ni transfert de souveraineté au mandataire. Le titre restait potentiellement aux mains du peuple. Selon la CIJ le système des mandats a été créé par l’article 22 du Pacte de la SDN avec la perspective de donner un effet pratique aux deux principes d’importance capitale, nommément le principe de non annexion et le principe de bien-être et de développement. «Il ressort des termes de ce mandat ainsi que des dispositions de l’Article 22 du Pacte et des principes qui y sont énoncés que la création de cette nouvelle institution internationale n’implique ni cession de territoire ni transfert de souveraineté à l’Union Sud-africaine. »170 Selon la CIJ, la souveraineté n’appartenait pas non plus à la SDN, qui n’exerçait qu’ « une fonction internationale de surveillance et de contrôle »171.

Si les autres mandats de type A conduisirent à terme à l’indépendance des Etats comme l’Irak en 1932 ou le Liban en 1945, l’application de celui sur la Palestine ne se déroula pas de la même manière et n’atteignit pas l’objectif prévu.

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