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La vie de la famille Malmed avant la Seconde Guerre mondiale : « un monde perdu »

UN CAMP DANS LA VILLE : ROYALLIEU A L’ÉPREUVE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Chapitre 1 Vivre sous l'Occupation : une situation exceptionnelle dans un quotidien habituel ?

B. Être juif à Compiègne pendant la guerre : l'exemple de Léon Malmed

1. Léon Malmed, de l'enfant caché à Compiègne au businessman aux États-Unis

1.1. La vie de la famille Malmed avant la Seconde Guerre mondiale : « un monde perdu »

Cet ouvrage rassemble des événements qu'il a pu vivre ou se faire raconter par sa sœur, ses cousins Salomon et Jacques Malmed, sa tante Sarah Blum dont il a enregistré le

56 MALMED Léon, Nous avons survécu, enfin je parle, op. cit. 57 Entretien par Skype avec Léon Malmed, le 27 mai 2019, réf. cit.

58 Entretien téléphonique avec Rachel Malmed, le 30 mai 2019, réf. cit. ; Annexe n° 8 « Entretien téléphonique avec Rachel Malmed (née le 29 avril 1932), enfant juive cachée avec son frère, Léon Malmed, chez ses voisins, la famille Ribouleau, à Compiègne pendant la Seconde Guerre mondiale », p. 177.

59 ROUSSO Henri, La dernière catastrophe : L'histoire, le présent, le contemporain, Paris, Gallimard, 2012. 60 MALMED Léon, Nous avons survécu, enfin je parle, p. 21, op. Cit.

témoignage en 2001, et d'autres membres de sa famille.61 Ainsi, même si Léon Malmed

s'approprie certains souvenirs, il apparaît évident qu'il ne peut pas les avoir tous vécus, ni qu'il ne peut s'en souvenir de tous. Il ne s'agit pas pour autant de remettre ses propos en question car il s'appuie sur des dires de proches ayant vécu eux-mêmes la situation et que ce travail de recherche se fonde sur des perceptions et souvenirs. Toutefois, la genèse de sa vie et du parcours de sa famille doit être retracée pour comprendre, au-delà des mesures antisémites mises en place pendant la Seconde Guerre mondiale, le destin, souvent tragique, des membres de la famille Malmed.

Léon Malmed, né le 4 octobre 1937 à Compiègne, est issu d'une famille venue de Pologne, originaire de Brest-Litovsk, à l'Est du pays. Son père, Srul Malmed, est né le 13 mai 1906 au sein d'une famille de huit enfants. Il est élevé par sa mère seule, Rywka Malmed, née en 1880, car son père, Szypa Malmed, est décédé en 1910 après avoir contracté le typhus. La mère de Léon Malmed, Chana Blum, est née en 1911 dans une famille de huit enfants. Orpheline à l'âge de neuf ans, elle est élevée par son frère aîné, Charles Blum. Les familles Blum et Malmed se côtoient et plusieurs mariages sont organisés entre les enfants des deux familles. Afin de lutter contre la pauvreté et le manque de nourriture, les deux familles choisissent de progressivement émigrer en France. En effet, la communauté juive est fréquemment touchée par une stigmatisation antisémite et des pogroms en Pologne et souffre de la misère, comme une grande partie du pays.62 A Brest-Litovsk, les Juifs subissent dans un

premier temps la persécution antisémite de l'Empire russe. La situation empire après 1918 notamment parce-que la ville est au cœur des conflits de frontières au cours de la guerre soviético-polonaise de 1919 à 1921.

61 Les informations contextuelles utilisées pour situer l'expérience de la famille Malmed sont issues de l'ouvrage de Léon Malmed, Nous avons survécu, enfin je parle, sauf mention contraire. L'arbre généalogique de la famille Malmed est disponible en annexe ; Annexe n° 7 « Arbre généalogique de la famille Malmed », p. 176.

62 MINCZELES Henri, Une histoire des Juifs de Pologne : Religion, culture, politique, Paris, La Découverte, 2006.

Fig. 5 – La famille Malmed en 1928

De gauche à droite : Sarah Malmed, Chana Blum, Rywka Malmed, Meyer Malmed, Jean Gerbaëz, Abraham Gerbaëz, Ida Malmed, Hélène Gerbaëz, Srul Malmed

Source : Photographie personnelle de Léon Malmed, « La famille Malmed », Brest-Litovsk (Pologne), 1928

La première personne à arriver en France est Zelman Malmed, le frère aîné de Srul Malmed, en 1920. En 1930, Srul Malmed le rejoint à Saint-Quentin, une ville située à 150 kilomètres de Paris et à 75 kilomètres de Compiègne, où Zelman est déjà installé. Peu de temps après, Chana Blum rejoint Srul Malmed pour se marier, en 1931. Rapidement, ils choisissent de s'établir à Compiègne, comme Zelman Malmed venait de le faire pour ouvrir un fonds de commerce. A Compiègne, Chana Malmed s'emploie comme couturière dans une usine de confection et Srul Malmed travaille pour son frère. Le 29 avril 1932, Chana et Srul Malmed ont leur premier enfant, Rachel Malmed. Au fur et à mesure des années, les familles Blum et Malmed arrivent en France, principalement à Paris et Saint-Quentin.

Léon Malmed présente les premières années de sa vie comme des instants de bonheur même s'il ne garde « aucun souvenir de cette période ».63 Ses parents parviennent à s'intégrer à

la société française par leur métier et l'apprentissage de la langue mais continuent de maintenir des liens avec leurs origines – en parlant yiddish à la maison, par exemple –. La famille Malmed n'est pas naturalisée et ses membres sont considérés comme des Juifs étrangers, à l'exception de Rachel, Léon et Charles Malmed, nés en France. Le judaïsme n'est

plus au cœur des préoccupations familiales et de la communauté juive compiégnoise, selon Rachel Malmed :

Je savais seulement que j'etais une juive a ce moment-la. J'etais pas vraiment contente d'e-tre juive parce que je savais seulement qu'on etait des Juifs, je ne savais me-me pas ce que cela voulait dire. Mes parents parlaient la langue yiddish a la maison and… C'etait… Mes parents… Il y avait des autres Juifs bien su-r dans la ville and, non on ne se reunissait pas, pas du tout religieux. Rien, rien de religion. Je ne savais absolument rien de la religion.64

Les fêtes et les événements religieux sont célébrés, comme la circoncision de Léon Malmed, mais le shabbat n'est pas pratiqué au quotidien.

Léon Malmed fréquente très peu les membres de sa famille, à l'exception de ses oncles et tantes Joseph Malmed et Madeleine Rozenwurcel, récemment arrivés à Compiègne et parents de Charles Malmed, ainsi que Zelman Malmed et Sarah Blum. Léon Malmed est déposé tous les matins à la crèche et sa sœur à l'école afin que leurs parents puissent aller travailler sur les marchés. En effet, après plusieurs années à Compiègne, ils sont parvenus à s'installer à leur compte comme forains. Durant cette période, la vie des Malmed est la même que celle des Compiégnois et des travailleurs juifs émigrés. Leur situation financière semble même plus stable que la moyenne car ils peuvent payer le loyer d'un logement équipé et faire l'acquisition de meubles, même de récupération. Évidemment, les conditions de vie ne sont pas très favorables comparées à une vie bourgeoise compiégnoise mais au regard de la situation des Juifs émigrés, elles apparaissent plutôt correctes.65 Cependant, le déclenchement

de la Seconde Guerre mondiale, le 1er septembre 1939, la campagne de France de mai 1940, et la mise en place des lois antisémites en France à l'été 1940 bouleversent complètement le quotidien de la famille Malmed ainsi que leur vie.

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