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problématique de recherche :

2.1 La base de notre ancrage théorique : l’agriculture comparée et le concept de système agraire

2.1.2 Application du concept de système agraire à une petite région et utilisation du système de production agricole comme sous-objet

2.1.2.1 Utilisation du concept de système de production comme sous-objet du système agraire

Le concept de système de production a été créé dans le but de mieux comprendre les raisons des pratiques et des choix des agriculteurs avec un objectif d’amélioration de l’accompagnement technique agricole. Reboul (1976) le définit comme «un mode de combinaison entre terre, forces et moyens de travail à des fins de production végétale et / ou animale, commun à un ensemble d’exploitations. Un système de production est caractérisé par la nature des productions, de la force de travail (qualification), des moyens de travail mis en œuvre et par leur proportions ». La compréhension d’un système de production agricole commence par la compréhension des sous-systèmes qui le constituent et des « relations de complémentarité et concurrence » qui existent entre eux dans l’affectation des terres, des capitaux et de la force de travail (Dufumier 1996).

Le système de culture s’applique selon Sébillotte (1977) « à la parcelle ou groupe de parcelles traitées de manière homogène, c’est-à-dire caractérisées par une succession de cultures et des associations éventuelles de cultures, et par l’ensemble des techniques qui leur sont appliquées suivant un ordonnancement précis – l’itinéraire technique » (Sébillotte 1977, cité par Cochet 2011a, p.579). Il est aussi caractérisé par les produits vendu, auto ou intra-consommés et leurs rendements (Sébillotte 1982 in Garambois 2011). Pour Devienne et Wybrecht (2002) «les pratiques agricoles sont le fruit d’une adaptation des techniques aux contraintes du milieu, aux moyens mobilisables par les agriculteurs et à la souplesse variable du calendrier cultural au long de l’année » (Devienne et Wybrecht 2002, cités par Garambois 2011). Pour en comprendre le fonctionnement, il faut donc bien chercher à identifier les « fondements agronomiques des successions culturales pratiquées » (résidus de matière organique, état structural des sols, prolifération des adventices…), dont le but est de « favoriser la croissance et le développement des plantes cultivées » (Dufumier 1996, p.82).

Le système d’élevage se définit au niveau du troupeau également par une combinaison logique et ordonnée d’opérations techniques (composition et division, alimentation, calendrier fourrager, conduite…) « en vue de valoriser des ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour en obtenir des productions variées (lait, viande,

53 cuirs et peaux, travail, fumure…) ou pour répondre à d’autres objectifs » (Landais 1992, cité par Garambois 2011). Les systèmes d’élevage sont décomposés en plusieurs ateliers distincts, des lots différenciés sont conduits séparément en fonction de l’âge, du sexe, de la finalité de production (lait, cuir, viande…)… « Il convient alors non seulement d’étudier la combinaison des techniques pratiquées pour chacun des groupes d’animaux (vaches allaitantes, taureaux reproducteurs, génisses de renouvellement, broutards…) mais de comprendre aussi comment sont gérés les flux et tris d’animaux entre les différents ateliers d’un même système d’élevage » (Dufumier 1996, p.83). Le système d’alimentation du troupeau est « la recherche d’un équilibre entre les disponibilités fourragères et les besoins alimentaires du troupeau, en tentant d’ajuster ces deux compartiments présentant chacun une dynamique propre (Gibon, Soulas et Theau 1988, cités par Garambois 2011). On identifie les pratiques en termes de sélection et reproduction, soins aux animaux, alimentation… au regard du calendrier fourrager.

Le système de production agricole est généralement appliqué à l’unité de production, c’est-à-dire « l’exploitation agricole » ou l’« unité de production élémentaire » caractérisée par le regroupement de terres, de capitaux investis dans la production et de force de travail. En France, elle est le plus souvent familiale (Cochet et Devienne 2006). Un ensemble d’exploitations peut être représenté par un même modèle de système de production quand elles ont accès à « des ressources comparables, (sont) placées dans des conditions socio- économiques semblables et pratiquent une combinaison donnée de productions », (Cochet et Devienne 2006). Ce même modèle est désigné comme un « système-type ». Les pointes de travail limitantes et la limite maximale possible de gestion sans modifier le système de production forment alors la limite technique inférieure et supérieure d’existence de ce système (nombre maximum d’ha et/ou d’animaux par actif) (Cochet et Devienne 2006). Dans les formes contemporaines d’agriculture, la dissociation entre possesseurs du capital et du travail investis dans les systèmes de production, pose néanmoins difficulté pour l’identification de ces types. Pour autant, « quelles que soient les origines diverses de la force de travail, de la terre et du capital (le centre de gravité du processus reposant de moins en moins sur la famille), la réunion de ces facteurs de production en vue de permettre un processus de production forme toujours système » (Cochet 2011b, p. 105).

Le concept de système d’activité permet quant à lui de replacer la production agricole dans un ensemble d’activités contribuant aux ressources d’une famille. Ce concept apporte parfois un éclairage précieux sinon indispensable à la compréhension des raisons du maintien de certaines activités productives paraissant non rentables prises isolément. Il permet de comprendre les arbitrages dans la répartition de la force de travail et l’utilisation du capital (Cochet et Devienne 2006). La pluriactivité des agriculteurs n’est pas nouvelle, mais elle est aujourd’hui une stratégie renouvelée qui est parfois le signe « d’une semi-

54 prolétarisation des agriculteurs ou d’une précarité généralisée » (Cochet 2011b, p.107) mais peut aussi être une tactique permettant le maintien de l’unité de production et le moyen d’y investir voire d’accroître le niveau de vie. Cette approche permet parfois d’expliquer le maintien de certaines activités productives alors que leur rentabilité intrinsèque n’est pas assurée.

La compréhension des caractéristiques des systèmes d’élevage et de culture et de la cohérence globale de leurs interactions est permise par l’approche en termes de système de production (choix d’alimentation influant sur le système fourrager et donc le système de culture, etc.). Les systèmes de production agricole ainsi constitués des interactions entre systèmes d’élevage et de culture, « peuvent être considérés comme des systèmes « ouverts » dans la mesure où les agriculteurs sont contraints de se procurer tout ou partie des consommations intermédiaires et des équipements en dehors de leurs exploitations. Les productions finales sont, quant à elles, transférées à l’extérieur pour y être vendues sur les marchés, ou autoconsommées directement par les ménages » (Dufumier 1996 p.87). Les systèmes peuvent aussi être ouverts en ce qui concerne la main d’œuvre (appel à de la main d’œuvre saisonnière, familiale, du voisinage, ou entraide plus ou moins formalisée…). Il s’agit donc d’une structure fonctionnant en interaction avec des maillons amont et aval et d’autres systèmes de production, qui pour être prise en compte, nécessite une approche à une échelle plus supra.

Pour comprendre le fonctionnement des systèmes de production agricole, il est donc nécessaire de les resituer dans un contexte plus général de rapports de production et d’échanges : rapports de prix, mode de tenure foncière, taux d’intérêt, marché de la force de travail, niveau des salaires, etc. « Les éléments extérieurs liés à « l’environnement socio- économique » de l’exploitation contribuent à expliquer les choix et pratiques des agriculteurs » (Cochet et Devienne 2006, p.580) : les conditions d’accès aux ressources, les contraintes de disponibilité de la force de travail, la variabilité d’accès aux capitaux, etc. "Le renouvellement des études agraires mettant en pratique une approche systémique a permis de mieux cerner les fondements agro-économiques des formes de rationalité paysanne, en particulier en mettant en évidence les différentes échelles d'organisation des systèmes agricoles (de la parcelle à la région) et la multiplicité des niveaux de décision coexistant au sein d'une exploitation agricole» (Bako-Arifari et Le Meur 2001, p.5). L’utilisation du concept de système agraire est donc un moyen de donner cohérence à la complexité et diversité de fonctionnement des exploitations et les raisons des pratiques des producteurs. Cette compréhension est obtenue par la combinaison de ces différentes échelles, troupeau/parcelle, unité de production, région, dont le fonctionnement est interdépendant.

55 Olivier de Sardan (1996) souligne les risques et limites que comporte l’approche système. Il identifie le systémisme comme une idéologie scientifique de remplacement au marxisme, qui cherche à donner du sens à la complexité des phénomènes sociaux (Boukharine, 1971 : perspective systémique contemporaine), qu’il rapproche du paradigme scientifique au sens de Kuhn11 (Olivier de Sardan 1996). Pour lui, il s’est répandu dans le secteur de la recherche agricole avec l’usage de l’approche globale de l’exploitation agricole. Il est devenu après sa création un nouveau paradigme scientifique, se situant comme une recherche à l'écoute des agriculteurs, à l'opposé de la recherche en station. L'analyse- diagnostic de système agraire, en proposant plusieurs niveaux de travail, propose de dépasser le niveau d’analyse du système de production agricole et la tendance à prêter une monorationalité aux acteurs, en cohérence avec un souci d’empirisme. Elle se place dans un registre opérationnel, lié à l'intervention et à l'action. Il souligne le biais fonctionnaliste que l’approche systémique peut représenter : le risque de croire que la réalité fonctionne vraiment comme un système, de privilégier la fonctionnalité des systèmes à l’étude de ce qui les perturbe (théories fonctionnalistes, comme Parsons en sociologie ou, Radcliff-Brown en anthropologie) (Olivier de Sardan, 1996).

La question des limites géographiques données au système agraire est également un point sensible de son utilisation. Avec la mondialisation des échanges, l’interrogation concernant les limites des systèmes agraires est encore plus prégnante, et « certaines des conditions de leur reproduction sont à rechercher parfois bien loin de leur espace géographique d’expression » (Cochet 2011b, p.103). « Dès lors que les sphères d’activités non agricoles deviennent dominantes, dès lors que les rapports de production et de distribution qui y prévalent tendent à structurer la société dans son ensemble, la logique de reproduction des conditions de l’activité agricole relève de déterminations de plus en plus externes aux systèmes agraires proprement dits... » (Kroll 1992, p. 13, cité par Cochet 2011b, p.103). C’est aussi le cas avec des migrations temporaires, saisonnières, qui impliquent un éclatement spatial et temporel, et induisent que le système agraire est lui aussi un système ouvert.

2.1.2.2 Mobilisation d’indicateurs économiques pour calculer la performance des

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