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Révolution et indépendance de l’ancien territoire de la Vice-Royauté de la Plata et échec de la proposition de réforme agraire pour une « Grande Patrie » par José

et la gestion collective du foncier (XVIème et XVIIème siècles)

4.2 XVIIIème siècle au milieu du XIXème : l’époque du cuir et les batailles pour l’appropriation de la propriété

4.2.2 Révolution et indépendance de l’ancien territoire de la Vice-Royauté de la Plata et échec de la proposition de réforme agraire pour une « Grande Patrie » par José

Artigas

Des difficultés de gestion dans la Vice-royauté se firent sentir au long du XVIIIème siècle, liées à des administrateurs de piètre qualité et aux entraves mises par la Couronne d’Espagne au commerce hors du pacte colonial (Gaignard et al. 2015). Tout commerce de produits avec l’extérieur devait passer par le port de Buenos-Aires. A une époque où l’importance du cuir peut s’imaginer à l’aune de l’inexistence des plastiques et revêtements synthétiques et où le marché de tasajo vers le Brésil, les Antilles et l’Afrique était en pleine expansion, cela alimenta considérablement le marché noir vers le Royaume Uni (Galeano, 1971). La confusion autour de l’usage et de la répartition des terres et des ressources au sein du territoire de la Plata, notamment du bétail et du foncier, contribuèrent également aux tensions politiques (Moraes 2011),.

C’est dans ce contexte que naquit le mouvement d’autonomie puis d’Indépendance du vice-royaume de la Plata au début du XIXème siècle (Gaignard et al. 2015 ; Morales, 2007). L’élément déclencheur vint des expéditions anglaises contre Buenos-Aires et les terres limitrophes, dont les populations durent organiser seules leur défense (invasion du territoire de l’actuel Uruguay en 1806). Ce fut l’une des dernières expéditions anglaises visant à conquérir des terres par le combat. Ils s’appliquèrent alors à prendre une emprise sur ces territoires par le marché (Ferns 1979; Arteaga 2002). Les règles de commercialisation appliquées aux britanniques s’assouplirent à mesure que le pouvoir de la couronne espagnole faiblissait (Ferns 1979). De nombreux commerçants britanniques s’installèrent à Montevideo et Buenos-Aires et formèrent un point d’entrée de marchandises dans tout le bassin de La Plata. Le besoin de ces marchandises était par ailleurs accentué et justifié par les difficiles relations commerciales avec l’Espagne à ce moment précis.

Bien que le commerce des biens importés d’Angleterre fut contrôlé, et que leur revente passât exclusivement par des commerçants espagnols, la présence des commerçants anglais nourrit les tensions politiques autour de la maîtrise du commerce et alimenta la Révolution. Le 25 mai 1810 fut proclamée la destitution du Vice-Roi et la mise en place de la première « junte » autonome. Les différences politiques et économiques internes

145 à ce grand territoire s’exprimèrent alors. Des revendications d’indépendance contre la domination du port de Buenos-Aires et de sa bourgeoisie marchande émergèrent alors depuis plusieurs régions.

José Artigas, dirigeant militaire, participa à l’indépendance de ces terres avec une armée formée des paysans pauvres, gauchos, indiens, esclaves en fuite présents sur le territoire de Montevideo et au-delà. Il soutint par la suite une proposition d’organisation fédérale associée à un projet de réforme agraire inspiré des propositions de Felix de Azara. Il se plaça ainsi dès 1811 en opposition avec le gouvernement unitariste de Buenos Aires, avec lequel il rompit en 1814. Plusieurs dirigeants de diverses provinces se rallièrent à son projet pour une « Patria Grande » qui couvrait l’actuel Uruguay et les provinces argentines de Santa Fe, Corrientes, Entre Rios, Misiones et Cordoba (Arteaga, 2002). Cette proposition de fonctionnement du territoire fut décrite en 1815 dans le « Règlement Provisoire de la Province Orientale pour le Développement de la Campagne et la Sécurité de ses Habitants »36. Il s’agissait d’octroyer des droits aux « amis de la révolution » qui occupaient les terres sans reconnaissance officielle, mais qui y produisaient : des familles, des veuves, des célibataires... Le but était de récupérer ces terres par expropriation et répartition de propriétés appartenant à des « européens et mauvais américains »37 qui les possédaient sans y vivre ni y investir.

Le règlement contenait des dispositions pour éviter la concentration de terres entre peu de mains. Les fils des propriétaires expropriés pouvaient prétendre à une fraction de terre au même titre que n’importe quel habitant (Fernandez 2008; Galeano 1971). Ce règlement comportait différentes dimensions, que l’on peut retrouver aujourd’hui encore dans les politiques d’aménagement et de développement : une dimension politique avec l’organisation de l’occupation des terres et la colonisation du territoire, une dimension sociale à travers l’octroi de droits à des populations déjà installées, une partie économique avec la volonté d’organiser une structure productive et des processus économiques durables sur le territoire (Fernandez 2008).

Cette réforme agraire comprenait également des modifications du régime douanier. L’application de fortes taxes sur les importations de marchandises entrant en concurrence avec l’artisanat et la petite industrie locale étaient proposées. Les articles nécessaires au développement de l’industrie, les marchandises complémentaires à celles produits sur le sol uruguayen, en provenance d’autres Etats d’Amérique Latine (ex. le tabac et le maté du Paraguay) auraient été peu taxés ou libres de taxes (Galeano, 1971). La grande bourgeoisie propriétaire de Montevideo s’alarma de ce projet de réforme agraire et les anglais y virent

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« Reglamento provisorio de la provincia oriental para el fomento de la campaña y seguridad de sus hacendados »

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146 d’importantes limitations au commerce, alors que ce territoire continuait à attiser la convoitise du Brésil voisin (Moraes 1998; Galeano 1971). Par ailleurs, Artigas, en impliquant les Guaranis dans sa lutte pour le fédéralisme et la réforme agraire, semait le trouble et menaçait la stabilité de la frontière portugaise de Missiones (ancien territoire des Missions jésuites) (Arteaga, 2002). Il existait de la part des grands propriétaires fonciers une volonté réelle de limiter l’accès au foncier et aux troupeaux des populations n’ayant pas de droits légaux (Morales, 2007).

Des invasions de troupes portugaises commencèrent dès 1816 pour mettre fin au mouvement de réforme agraire d’Artigas. Elles furent facilitées par les anglais et favorisées par la bourgeoisie terrienne de Montevideo (Arteaga, 2002). L’empire du Brésil contrôlait à partir de 1821 le territoire uruguayen qu’il dénomma province Cisplatine. Artigas trouva refuge au Paraguay où il restera jusqu’à sa mort en 1850. Une grande partie du bétail présent au nord du pays fut à cette période drainé vers le Rio Grande do Sul, permettant une croissance marquée du nombre de saladeros dans le RGDS. Les portugais incitèrent également à l’occupation par des brésiliens du RGDS des terres désertées près de la frontière (Arteaga, 2002). En 1825, devant cette ponction sur les ressources du territoire, les propriétaires terriens soutinrent dans leur reconquête du territoire les « 33 Orientaux » menés par Lavalleja (ancien général artiguista). Ceux-ci étaient alors de nouveau ralliés au centralisme du gouvernement de Buenos Aires alors que le Brésil était déstabilisé par sa récente indépendance (1822) (Arteaga, 2002). L’indépendance de l’Uruguay fut proclamée le 25 aout 1825, mais le traité n’en fut signé avec l’Argentine qu’en 1828 avec l’incitation des anglais qui y voyaient un Etat tampon stabilisant les frontières entre ce qui deviendrait le Brésil et l’Argentine. La ville de Montevideo prit alors de l’ampleur comme capitale portuaire et administrative et devint rapidement la « capitale macrocéphale » que l’on connait aujourd’hui, concentrant près de la moitié de la population du pays (Foulquier, Fournial, et Reali 2015). Une constitution républicaine fut votée en 1830.

La législation ne reconnut pas, par la suite, les répartitions de terres effectuées par Artigas. De 1820 jusqu’à la fin du XIXème siècle, les « asentados » (litt., les installés) qui avaient pris place sur les terres distribuées par Artigas furent délogés par les armes (Galeano, 1971). Les propositions de réforme agraire s’accumulèrent ensuite au Parlement sans connaitre de suite.

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4.3 Stabilisation de la propriété foncière et d’un modèle

agro-exportateur de laine, cuirs, et viande vers l’Europe

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