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Systèmes de production types des propriétaires-éleveurs naisseurs engraisseurs de bovins

développement des grandes cultures et plan de substitution aux importations

5.2 Différenciation des systèmes de production des régions d’étude dans les années 1950 : l’apparition fragile de

5.2.2 Grandes propriétés d’élevage bovin et développement de la riziculture et de systèmes de polyculture-élevage familiaux à Ansina

5.2.2.1 Systèmes de production types des propriétaires-éleveurs naisseurs engraisseurs de bovins

Les grands propriétaires terriens éleveurs de bovins et ovins pratiquaient à cette période un élevage naisseur-engraisseur pour la viande et ovin pour la laine sur des propriétés allant de 3000 ha à 8000 ha, jusqu’à 30 000 ha. La commercialisation du bétail nécessitait une certaine taille d’élevage puisqu’en l’absence d’unité d’abattage dans la région, la vente de bétail gras nécessitait l’acheminement d’un train jusqu’à Montevideo. Cela avait limité jusqu’ici le développement d’unités de production de taille plus réduite, et donc le fractionnement des propriétés. Par ailleurs, ces propriétaires-éleveurs faisaient partie de familles de notables dont ce n’était pas la seule source de revenus, et qui disposaient de capitaux dans d’autres activités que les activés agricoles. Cela leur avait généralement permis de confectionner plusieurs lots (diverses propriétés foncières ou d’autres types de patrimoine) à transmettre à chaque membre de la fratrie. Dans le cas contraire, le prix du foncier peu élevé, lié à l’isolement géographique, avait pu permettre à un ou plusieurs membres de la fratrie de racheter les parts de ses frères et sœurs à chaque génération. Quand cela n’avait pu être le cas, l’ensemble de la propriété avait été vendu à d’autres propriétaires-éleveurs qui pratiquaient le même type de système. Le capital investi dans ces exploitations était essentiellement familial, et les bénéfices étaient investis dans l’agrandissement ou l’achat de propriétés dans d’autres régions, et pour d’autres activités que l’agriculture. La productivité physique du travail était très élevée, avec en moyenne 500 bovins par actif salarié (Legrain, 1974), mais la production était très extensive en capital par hectare.

Au niveau de sa production fourragère, cette région présentait un important pic de production au printemps, un second pic de production en automne, et un fourrage de bonne digestibilité, dans une pénéplaine non inondable. Les talwegs présentaient les productions

188 maximales de fourrage. L’étiage hivernal peu marqué permettait de conserver une importante charge animale, et la densité du réseau hydrique dans la région permettait de disposer de nombreux points d’eau de qualité dans les parcelles, même en été. Les plaines alluviales anciennes étaient utilisées l’été pour le pâturage de quelques lots d’animaux demandant moins de surveillance (ex : lots des femelles de renouvellement en croissance) (cf. Figure 6 et Tableau 10). Les producteurs avaient développé des élevages bovins naisseurs-engraisseurs « ouverts », c’est-à-dire avec achat d’animaux à mettre à la repousse ou engraisser avant l’hiver ou au début du printemps pour compléter ceux issus du troupeau naisseur de l’exploitation. Les animaux étaient vendus à 500kg à l’âge de 4 à 5 ans à Montevideo ou à un abattoir du RGDS. Les vaches de réforme à engraisser provenaient de la zone de naissage de l’autre côté du Rio Tacuarembó Chico et des petits producteurs polyculteurs-éleveurs naisseurs présents du côté de Caraguatá. Ces vaches étaient engraissées l’été sur les espaces de pâturage disponibles au sein des lits majeurs des cours d’eau. Le chargement moyen était de 0,7 bovins par ha environ. Le nombre d’animaux sur l’exploitation était quasi constant. L’étiage fourrager était géré en jouant sur la perte stratégique d’état corporel des animaux, particulièrement ceux qui n’étaient pas considérés comme étant à moment prioritaire du cycle de production (croissance des femelles de renouvellement, bœufs entre la 1ère et la 3ème année). L’élevage de moutons y était surtout présent pour l’autoconsommation.

La quasi absence de subdivisions parcellaires ne permettait pas une gestion des animaux par lots d’âge ou d’état physiologique (parcelles de 500 ha à 800 ha). Ils étaient conduits en fonction de leur finalité dans le troupeau (vaches allaitantes, femelles de renouvellement, broutards en croissance et bœufs à l’engraissement) (cf. Tableau 10). La gestion des couverts herbacés était menée en jouant sur les différents types d’actions mécaniques de pâturage des animaux présents et sur l’utilisation du feu. Celle-ci, bien qu’interdite dans le Code Rural pour protéger les clôtures, était encore à cette époque mobilisée dans cette région. Le feu était utilisé en hiver sur les interfluves lorsque la pâture était envahie de plantes ligneuses et épineuse (campo sucio) et de plantes herbacées sèches et montées en graine (campo duro). Ensuite, les vaches allaitantes étaient mises au pâturage sur ces parcelles de préférence aux brebis et chevaux (action mécanique du pâturage différente, puisque chevaux et brebis coupent ras, quand les vaches arrachent), et la charge diminuée par 2. Le couvert qui repoussait était fin et fragile (campo fino) : peu ligneux, peu résistant et peu productif en quantité de matière sèche par hectare, mais d’une bonne qualité énergétique pour les animaux. Par un nouvel équilibre de pâturage, il était possible ainsi d’améliorer la qualité nutritionnelle des prairies. Cela se faisait néanmoins au détriment de la biodiversité des espèces présentes, et particulièrement des espèces hivernales, et donc à la résistance de ces couverts à la sécheresse.

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Tableau 10: calendrier fourrager de l'élevage naisseur-engraisseur de bovins - région d'Ansina - décennie 1950

Etages écologiques\ ressources fourragères disponibles

Importance de la production fourragère de chaque étage écologique

Types d'animaux préférentiellement

placés

printemps été automne hiver

Interfluves Vaches allaitantes - moutons Anciennes plaines alluviales Génisses de renouvellement - bœufs 1-3 ans Lits majeurs fleuves (risques d’inondation) (risques d’inondation) Bœufs 2-5 ans à l'engraissement

Les systèmes de production fonctionnaient sur un mode patronal sous l’autorité d’un contremaitre général, le propriétaire étant généralement absentéiste. La gestion de la propriété était réalisée par un membre de la famille qui réalisait un suivi plusieurs jours par mois. Certains propriétaires déléguaient la gestion à un administrateur et visitaient l’exploitation au plus une fois par an. Les propriétaires vivaient le plus souvent à Montevideo ou dans la capitale départementale. Seul le responsable de l’exploitation y séjournait tous les 15 jours, ou une fois par mois. Le bétail appartenait soit à la famille dans son ensemble, dans ce cas le revenu agricole de ces exploitations était réparti entre les membres de la famille et une partie investie dans l’achat de foncier supplémentaire ; soit il appartenait au gérant familial qui dans ce cas reversait une rente foncière fixe au reste de la famille. Une partie du troupeau naisseur appartenait parfois à des possesseurs de bétail sans terres ou de petits propriétaires (salariés pluriactifs, polyculteurs-éleveurs familiaux) qui reversaient alors une pension fixe par vache allaitante. Le mode de faire-valoir des terres n’était donc pas seulement direct, et la possibilité de mise en pension d’animaux amenait un accès au foncier complémentaire pour des propriétaires voisins, des producteurs familiaux ou des salariés ruraux de la région. L’insécurité des investissements liés à l’isolement de la région et le faible coût du foncier ne favorisèrent pas les investissements productifs en clôtures pour des subdivisions parcellaires ou en achat d’animaux de haut potentiel pour renouveler la génétique du troupeau. Dans cette région, l’élevage présentait donc une moindre intensification en capital/ha de la production et un moindre chargement que dans la région d’étude de Young.

190 5.2.2.2 Développement de systèmes de production rizicoles impulsés par le plan de

substitution aux importations

Dès les années 1950, dans le cadre du plan de substitution aux importations, le prix du riz fut fixé par le gouvernement (prix au sac de 50 kg), en accord avec l’union nationale des usines de décorticage (GMA) et l’association nationale des producteurs de riz (ACA), qui prirent en main ces négociations. Ces conditions de marché avantageuses attirèrent des riziculteurs brésiliens, maîtrisant la technique et possédant le matériel nécessaire car la culture rizicole était en expansion au RGDS (Bühler 2006). Ceux-ci commencèrent les mises en cultures en achetant des propriétés de ce côté de la frontière et en louant en complément aux propriétaires-éleveurs des terres de buissonnaies situées dans les plaines alluviales, qu’ils défrichèrent. Les propriétaires terriens y voyaient l’occasion d’obtenir une rente sur des terres seulement utilisées marginalement jusqu’alors, et d’améliorer le potentiel fourrager de ces terres grâce à la défriche. La rente était fixe.

Au départ, les riziculteurs développèrent cette culture en utilisant la traction animale (bœufs, chevaux), la productivité du travail était alors de 1ha/actif agricole salarié/an. L’irrigation était effectuée en puisant l’eau directement dans le fleuve par des pompes à vapeur ou à moteur à fioul, puis répartie par gravité dans les larges casiers rizicoles (parcelles séparées par des diguettes érigées en suivant les courbes de niveau). Tous les 2 ou 3 ans, des rotations étaient effectuées pour la maîtrise des adventices et la conservation de la capacité productive des sols. Les terres étaient laissées en friche pendant au moins 4 ans, avec retour d’un couvert herbacé (cf. Tableau 11). Avec cette technique, les surfaces cultivées en riz atteignirent un maximum de 4500 ha au niveau national au cours des années 1960. Le point faible de cette production dans la région restait que les terres mises en culture présentaient des risques forts d’inondation, mais aussi que la zone était très enclavée, avec de très mauvaises conditions de transport pour l’acheminement des productions.

Tableau 11 : calendrier technique de la culture de riz en uruguay

Aout Sept Oct Nov Dec Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet

Préparation du sol (labour) Semis Inonda- tion parcelles (10 cm) pour 90 à 100j Floraison Appari- tion du panicule Matura- tion – retrait eau 20j avant récolte

Récolte Pâturage des repousses per les animaux – semis de la

prairie temporaire (n+2)

191 5.2.2.3 Développement de systèmes de production de grandes culture sur la base de

métayage dans le cadre du plan de substitution aux importations

A Tacuarembó fut installée une usine de trituration du tournesol et de l’arachide qui permirent un développement relatif de ces productions dans le département, y compris dans la région d’étude d’Ansina61. La production de pommes de terre et de fruits (pêches, agrumes) fut également impulsée.

Des métayers (120-160 ha) mirent en place des productions de blé, tournesol, pommes de terre sur des terres d’interfluves mises en location par des propriétaires éleveurs. La région étant isolée, les métayers qui s’y installaient étaient ceux qui ne disposaient pas de matériel agricole et venaient chercher des opportunités dans ces régions où l’accès aux terres de culture était moins concurrencé. Le propriétaire fournissait terres, matériel de culture (tracteur 30 CV, charrue, herse) et semences ou plants pour les pommes de terre. La part rétrocédée au propriétaire dans le cadre du métayage associé au prêt de matériel (30%), additionnée à la mauvaise accessibilité de cette région (prix du transport des récoltes multiplié par deux par rapport à l’ouest du pays), ne favorisa pas le développement de ce type de système de cultures pluviales dans cette région. Ces métayers disparurent à la fin du plan de substitution aux importations. Un nombre limité d’entre eux conserva son matériel et s’installa comme prestataire de services agricoles à Ansina pour de petits travaux de semis, dans le cadre d’une pluriactivité. Au total, les surfaces mises en culture à cette époque dans la région n’excédèrent pas 3000ha.

5.2.2.4 Apparition de systèmes de polyculture-élevage familiaux sur des terres en

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