• Aucun résultat trouvé

Types d’agents présents sur les territoires d’expansion de l’agrobusiness du soja au début des années

producteurs présents

1.3.1 Types d’agents présents sur les territoires d’expansion de l’agrobusiness du soja au début des années

Arbeletche et Carballo (2006; 2009), Arbeletche, Ernst, et Hoffman (2010), Guibert et al. (2011), Guibert (2013) ont cherché à distinguer différents types parmi les acteurs de ce mouvement de financiarisation agricole dont ils relèvent la présence en Argentine, en Uruguay, au Brésil, au Paraguay et en Bolivie. Si certains des agents économiques concernés paraissent nouveaux dans le secteur agricole, ils distinguent différents types de producteurs de grandes cultures qui étaient présents sur les territoires étudiés et se sont transformés pour intégrer ces nouvelles rationalités de production. Une première « typologie » d’acteurs présents a été proposée par Arbeletche et Carballo dès 2006. Elle visait à comprendre l’identité des acteurs qui se sont insérés dans la production et l’adaptation des producteurs restants dans le secteur des grandes cultures. Ils y séparèrent les producteurs « traditionnels » des « nouveaux acteurs », parmi lesquels les grands pools de culture. Une typologie concernant l’ensemble du Cône Sud fut ensuite proposée par Guibert et al. en 2011, qui enrichit le travail cité précédemment. La distinction entre acteurs « traditionnels » d’origine locale et pools de culture fut conservée. Une nouvelle lecture de cette typologie est proposée par Guibert dans un article de 2013 portant sur les « formes associatives de production » en Argentine et Uruguay. Dans cet article, la dichotomie entre acteur local et société en réseau n’est plus si marquée. Guibert inclut dans les sociétés en réseau une catégorie qui recouvre des producteurs locaux qui se sont approprié certains des outils et du fonctionnement des pools de culture.

Pour Guibert et al. (2011), le « producteur traditionnel » est le cultivateur déjà présent, ancré localement, travaillant sur la base de main d’œuvre et de capital familial, et le plus souvent disposant d’une source de revenu complémentaire. Il s’appuie sur le semis direct, l’utilisation des techniques nouvelles de l’information et de la communication pour le commerce et s’est mis à travailler avec des tiers et à multiplier les lieux de production, sous- traitant aujourd’hui certaines tâches agricoles. Dans une seconde catégorie dite du « producteur qui intensifie » les auteurs regroupent tant les éleveurs que les cultivateurs propriétaires fonciers résidant en ville qui ont un poids socio-économique fort dans des réseaux sociaux, professionnels et politiques élargis. Ceux-ci seraient passés « d’une logique patrimoniale à une logique d’intensification lui conférant une dimension plus entrepreneuriale ». La logique « patrimoniale » est définie comme assurant « pérennité et

30 indépendance », celle de type « entrepreneurial » comme permettant des « opportunités d’affaires » (Couderc et al. 2002, cité par Guibert, 2013). Ces producteurs ont la particularité, en plus de l’activité productive, de s’être orientés vers l’acquisition de matériel de production et de stockage (silos, matériel, parts dans des unités agro-industrielles…).

Le producteur de type familial représente un troisième type de producteur qui dispose d’une taille de foncier limitant et préfère mettre en location ses terres aux deux types précédents ou les valoriser au sein d’un réseau, et réinvestit éventuellement le loyer perçu sur d’autres terres, dans d’autres activités ou sur les parties non louées de la propriété. Pour Guibert et al. (2011), ces trois types de producteurs adoptent une logique de retour plus rapide sur investissement, tout en gardant un ancrage territorial significatif. Ils représentent « le maillon central des complexes agroalimentaires et des activités d’agrobusiness » de par leur rôle de fournisseurs de matières premières et la logique d’intégration qui domine la filière. Mais la gouvernance est le fait des acteurs de l’aval qui captent la majeure partie de la valeur ajoutée et « diffusent des normes de standardisation » (Guibert, 2013).

Guibert, dans l’article de 2013, ajoute à la typologie de Guibert et al. (2011) les agriculteurs capitalisés, catégorie hétérogène qui regroupe des producteurs qui exploitent leurs propres terres et « ont pu se maintenir grâce aux méthodes culturales simplifiées, louent des terres et sous-traitent parfois les travaux agricoles ». Elle ajoute également le cas des propriétaires d’un actif seul : coopérative locale, fournisseur d’intrants ou de service ou agronome conseillant les agriculteurs. Ceux-ci « vont louer des terres pour mieux mettre à profit l’actif qu’ils contrôlent » : infrastructures et réseaux commerciaux dans le cas de la coopérative, intrants dans le cas de l’agro-fournisseur et expertise technique de la production dans le cas de l’ingénieur agronome. Enfin, elle insiste sur le rôle central des prestataires de services agricoles dans la rentabilité de ces entreprises que les mandataires (méga-entreprise, pool local, producteur en expansion…) vont chercher à fidéliser. Enfin, l’association locale de gestion d’actifs (pool local) est une autre forme productive locale qui s’est approprié la logique de fonctionnement des grandes entreprises en réseau.

Sur la base de la typologie commencée en 2006 par Arbeletche et Carballo (2006, 2007, 2009), Arbeletche, Ernst, et Hoffman (2010) ont également souligné la diversité des postures des producteurs-propriétaires fonciers présents sur les territoires concernés par l’expansion des grandes cultures au début des années 2000. Elles consistent en la vente des terres pour régler des dettes, la mise en location totale et l’adoption d’une posture de rente, ou une posture de location temporaire des terres. Ils relèvent la présence de trois types d’éleveurs en 2010, des agriculteurs-éleveurs de taille moyenne (moins de 1000ha) dont ils estiment que les trois-quarts ont abandonné la production, des agriculteurs-éleveurs de

31 grande taille (autour de 6000ha) qui n’auraient pas été impactés par ces transformations, et de petits producteurs familiaux laitiers (200ha en moyenne) dont la moitié a abandonné la production. L’usage de la rente foncière ou du produit de la vente du foncier, ainsi que les transformations précises des systèmes de production mis en place, ne sont pas détaillés (Arbeletche, Ernst, Hoffman, 2010).

L’analyse des types d’acteurs présents, effectuée par les mêmes auteurs entre 2006 et 2013, montre que la nature des impacts de l’expansion de l’agrobusiness sur les systèmes de production présents évolue très rapidement et est difficile à mettre en valeur de manière figée dans le temps. Elle s’accompagne de la difficulté à stabiliser l’usage d’un terme générique pour désigner ces formes productives nouvelles (pools-de-culture, entreprises en réseau, sociétés de gestion d’actifs, formes associatives de production…), soulignant la grande plasticité des formes productives financiarisées. Pour faire face à cette plasticité de structure, Gras et Hernandez (2013) proposent une définition transversale, où elles considèrent l’agrobusiness non comme un acteur en tant que tel, mais comme un modèle ou une logique de production. Cette logique s’appuie pour elles sur la « transectorialité (…) ; la priorité des nécessités du consommateur global sur le local ; la généralisation, l’amplification et l’intensification du rôle du capital dans les processus productifs agraires ; la standardisation des technologies utilisées, l’origine industrielle de celles-ci et l’usage de technologies transgéniques (…) ; (et enfin) l’accaparement de terres ».

Cette évolution des « typologies » laisse aussi entrevoir l’existence d’une frontière de plus en plus poreuse entre producteurs « historiques » et formes de production identifiées comme d’agrobusiness. Le style local de travail, soit les interactions préexistantes entre acteurs de la production, modèlent néanmoins, selon ces auteures, la forme que peut prendre l’entreprise en réseau du point de vue de son organisation sur un territoire donné, formant des styles locaux d’agrobusiness (Gras et Hernandez, 2013). Ces modes de gestion et d’organisations se diffusent et paraissent donc avoir été appropriés de manière plus ou moins poussée par certaines catégories d’acteurs locaux selon leurs besoins, leurs possibilités, la pertinence qu’elles recouvrent. D’autres se sont retirés de la production ou sont menacés de disparition. On ne distingue néanmoins pas clairement les trajectoires et caractéristiques précises des uns et des autres.

Ces résultats sont surtout issus, pour l’Argentine, de l’étude de l’avancée de l’agrobusiness sur les terres de culture. L’impact que l’expansion de ces formes productives a eu sur des terres occupées par des formations végétales natives ou sur des terres d’élevage ou de culture de vente à destination régionale reste peu traité (Gras et Hernandez, 2013). En Uruguay, les travaux d’Arbeletche et al. ont surtout porté sur la frange littorale du fleuve Uruguay, qui était déjà une zone de polyculture-élevage, mais sont surtout restés ciblés sur

32 les transformations concernant les agents de la filière grandes cultures (Arbeletche 2010). Les impacts de l’expansion sur des régions d’élevage ou majoritairement occupées par des couverts permanents reste à préciser.

Outline

Documents relatifs