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TERRITOIRES DE GESTION ET TERRITOIRES POLITIQUES

A CHAQUE DEPARTEMENT , SES LOGIQUES DE DECOUPAGES

2. Les « circonscriptions » d’action sociale : redécoupage versus

2.1. Les « unités d’action sociale » de la Seine-et-Marne

Le découpage actuel correspondant au niveau des « circonscriptions d’action sociale » a été défini en 1992. Il a toutefois fait l’objet d’une modification en 2003, remettant en partie en cause certains des principes énoncés dix ans plus tôt.

• Les principes de découpages suivis en 1992

En 1992, le conseil général de la Seine-et-Marne est le premier en Ile-de-France à revoir entièrement le tracé des « circonscriptions » d’action sociale et à adopter un nouveau découpage en « unités territoriales ». La délibération ne porte alors pas uniquement sur ces aspects d’organisation territoriale, mais plus généralement sur l’organisation de l’ensemble des services sociaux et médico-sociaux du département. Il semblerait que cette initiative soit d’abord celle de la directrice de l’action sociale d’alors, plutôt que celle du président du conseil général – même si celui-là a forcément été convaincu de l’intérêt d’une telle opération. Le rapport présenté aux conseillers généraux en vue de leur délibération (cf. annexe 6), s’appuie sur les résultats d’une étude engagée en 1991 sur la « Réorganisation des services de

la direction de l’action sociale du conseil général », jointe au rapport (CONSEIL GENERAL

DE LA SEINE-ET-MARNE, 1992a et 1992b). Les deux textes font état du contexte qui rend nécessaire la réorganisation. Ce contexte tient pour une part aux difficultés internes de fonctionnement rencontrées par les services du conseil général, liées en particulier à l’articulation inégale des différents services du conseil général, notamment à l’échelon des circonscriptions et aux mutations générales qui ont affecté le travail social. Il correspond, pour une autre part, aux évolutions démographiques, teintées de dynamisme mais aussi empreintes de précarité sociale, que connaît le département :

« L’extrême rapidité de la croissance démographique, le mouvement de superposition

d’une population nouvellement arrivée et d’une population d’origine, le risque de difficultés sociales aggravé pour les populations nouvellement arrivées touchent désormais l’ensemble du département. Si les difficultés se concentrent, en valeur absolue, sur la frange ouest, elles touchent davantage, en proportion, les frontières est et du sud ainsi que les grands centres urbains. » (CONSEIL GENERAL DE LA

SEINE-ET-MARNE, 1992a, p. 3)

Une large partie de l’étude annexée au rapport est consacrée à l’exposition de la nouvelle organisation des services et s’achève par la proposition du redécoupage des unités territoriales qui a été adoptée. Cette proposition est présentée en trois étapes. Dans un premier temps, les « principes et contraintes qui président au découpage » sont rappelés. La taille des circonscriptions, exprimée en poids démographique, est avancée comme critère premier. Elle est envisagée à la fois comme un seuil à ne pas dépasser et comme une régularité à observer.

Ainsi, la taille des circonscriptions héritée de la décentralisation est jugée « importante » et les disparités sont soulignées :

« Les plus importantes des circonscriptions actuelles sont d’ores et déjà considérées

comme trop grandes ; les projections démographiques disponibles indiquent que les disparités s’accroîtront dans les 10 ans à venir » (CONSEIL GENERAL DE LA

SEINE-ET-MARNE, 1992b, p. 16)

Il est fait état du souhait exprimé par les travailleurs sociaux, de circonscription de petite taille. Ce principe n’est pas retenu pour des motifs à la fois gestionnaires et liés au projet d’organisation lui-même :

« La création d’unités de très petite taille (…) est fortement consommatrice de moyens

et est moins favorable à la constitution d’unité de décision et à la d’une plus grande homogénéité dans le fonctionnement des services départementaux. » (idem, p. 16)

Au total, un principe est arrêté :

« L’hypothèse de travail explorée est de construire un découpage territorial de façon

à ce qu’aucune unité territoriale ne retrouve la taille maximum actuelle71 avant dix voire quinze ans. » (idem, p. 16)

Le respect des limites cantonales, c’est-à-dire des territoires dans lesquels les conseillers généraux sont élus, apparaît comme un deuxième principe essentiel. Il est tout d’abord présenté comme une contrainte, puis comme un « principe de bon sens ». Finalement, avant de présenter trois possibilités de découpages, l’ensemble des critères à considérer est rappelé :

« La proposition d’un nouveau découpage territorial des services des la DASSMA72

doit prendre en compte un ensemble de principes de bon sens :

- le respect des limites cantonales ; - l’évolution démographique à venir ;

- la constitution d’ensembles géographiques cohérents et la limitation de la

superficie des unités territoriales les plus étendues ;

- les moyens disponibles ;

- l’organisation interne des unités territoriales ;

- les relations avec les usagers et les partenaires. » (idem, p. 16-17)

Trois propositions de découpages sont ensuite examinées, à la lumière de projections de population faites à l’horizon 2000 et 2010 ; leur comparaison conduit à privilégier le troisième, qui fait l’objet de la délibération.

• La révision du découpage en « unités d’action sociale » en 2003

En 2003, soit onze ans plus tard, une nouvelle délibération adopte le principe d’une modification de découpage en « unités territoriales », de façon à le faire correspondre

71 Soit 132 000 habitants.

localement avec le périmètre d’une communauté d’agglomération, celle de Melun Val-de- Seine :

« (…) il (…) est apparu souhaitable de faire concorder l’organisation administrative

du Département avec le territoire de la Communauté d’agglomération Melun Val-de-Seine. En effet, cette concordance permettrait d’offrir à la Communauté d’agglomération Melun Val de Seine un interlocuteur unique, au lieu de trois actuellement, responsable du pilotage et de la coordination de l’ensemble des actions sociales et médico-sociales mises en œuvre localement en faveur des populations du ressort de cet établissement public de coopération intercommunale » (CONSEIL

GENERAL DE LA SEINE-ET-MARNE, 2003, p. 1)

En 1992, l’intercommunalité ne figurait pas au nombre des critères ou contraintes à prendre en compte dans les découpages de l’action sociale, même si, à deux reprises, les regroupements de communes sont cités comme des partenaires, au même titre que les communes. On note qu’il est précisé à la deuxième citation que ce type de partenaire concerne plus particulièrement le milieu rural : « [le Conseil Général doit assumer ses responsabilités]

en collaboration avec les communes, ou en milieu rural, les regroupements de communes » (CONSEIL GENERAL DE LA SEINE-ET-MARNE, 1992a, p. 2). On en

conclut que les enjeux relatifs à l’intercommunalité ont évolué en une dizaine d’années puisqu’en 2003, le retour sur l’un des principes fondamentaux du découpage de 1992, à savoir le respect des cantons, est motivé par la prise en compte d’une communauté d’agglomération73.

Par ricochet, cette retouche du découpage affecte le tracé des « unités territoriales » voisines. Elle va permettre d’aboutir à la création d’une « unité territoriale » respectant le contour d’un autre regroupement de communes, celui du Syndicat d’Agglomération Nouvelle (SAN) de Sénart en Seine-et-Marne, à cheval sur deux « unités territoriales » selon le découpage de 1992. Il convient toutefois de préciser que cet apport est fort peu souligné dans le mémoire, puisque qu’il figure seulement parmi les autres modifications de tracés sans rapport avec l’intercommunalité, et qu’il apparaît de surcroît comme une solution pour compenser la trop petite taille d’une autre unité territoriale. La création de cette « unité territoriale sénartaise » est néanmoins présentée selon des termes exactement identiques à ceux employés à propos de la création de « l’unité territoriale » callée sur le périmètre de la communauté d’agglomération de Melun :

73 La réunion des 14 communes composant la communauté d’agglomération a été progressive, mais elle s’est

affranchit dès son origine des frontières cantonales : les deux communes qui ont fondé en 1972 le District de Melun – Le Mée-sur-Seine appartiennent à deux cantons différents.

« Cette nouvelle UAS permettrait là aussi d’offrir au SAN de Sénart un interlocuteur

unique, au lieu de deux actuellement, responsable du pilotage et de la coordination de l’ensemble des actions sociales et médico-sociales mises en œuvre localement en faveur des populations du ressort de cet établissement public de coopération intercommunale. » (CONSEIL GENERAL DE LA SEINE-ET-MARNE, 2003, p. 3)

Au total, la correspondance du tracé des « unités territoriales » avec celui des groupements intercommunaux est appréciée différemment dans le cas de la communauté d’agglomération de Melun et dans celui du SAN de Sénart. Dans le premier cas, l’adéquation des périmètres de l’intercommunalité et de l’action sociale est jugée nécessaire au point d’y consacrer une délibération du conseil général, tandis que dans le second, elle est simplement présentée comme la conséquence d’une modification de tracés intervenue par ailleurs. Comment expliquer cette différence d’appréciation ? Est-elle due au fait que la communauté d’agglomération de Melun était éclatée entre trois « unités territoriales », contre deux seulement pour le SAN de Sénart, ce qui mettrait ce dernier dans une position moins critique ? Faut-il voir dans l’intérêt porté à la communauté d’agglomération de Melun une expression du jeu politique local, l’agglomération mélinoise pouvant être classée du même bord politique que le conseil général74 – jusqu’aux élections de 2004 qui ont marqué une rupture après des années de présidence à droite ?

Le fait est que cette délibération du conseil général reconnaît que des enjeux se nouent autour des tracés des périmètres de l’intercommunalité et de l’action sociale. Elle témoigne en outre du souci et de l’intérêt des élus d’assurer la concordance entre ces deux périmètres, y compris au prix d’un détachement vis-à-vis du découpage cantonal.