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Encadré IV.1 — Mesurer les disparités intercommunales de revenu à partir de la base

2. Une organisation spatiale radio-concentrique

2.1. Une logique sectorielle

L’opposition entre le secteur de pauvreté au nord de Paris et le secteur de richesse à l’ouest est certainement le trait le plus frappant de cette répartition intercommunale des ménages en fonction de leur niveau de revenu, image de la division sociale de l’Ile-de-France (figure IV.1). Ce trait est aussi le plus connu. Notons que ses principes étaient déjà en place au début des années 50, comme le révèlent les exploitations du recensement de 1954 et des premières CSP à l’échelon du département de la Seine par Jean Bastié en 1958 ou encore par Catherine Rhein en 1994 (RHEIN C., 1994b). Cette structure se fait déjà très nette dans la composition sociale de l’agglomération en 1975 (NOIN D., 1984).

Figure IV.2 — Schéma de la division sociale de l’espace résidentiel francilien, selon les

inégalités de revenus des ménages

• Au nord, le secteur de pauvreté

Le cœur du secteur de pauvreté se localise très nettement au nord de Paris, depuis Saint-Denis et Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, jusqu’à Sarcelles et Villiers-le-Bel dans le Val d’Oise. Ce bloc de communes très populaires, qui supporte de très fortes densités, se

trouve bordé de communes où, globalement, l’empreinte des plus pauvres est plus ténue. Ainsi défini, ce secteur englobe le nord des Hauts-de-Seine (Nanterre, Gennevilliers), certaines communes du sud du Val-d’Oise (Argenteuil, Sarcelles déjà citée, Goussainville et Garges-lès-Gonesse) et la majeure partie du département de la Seine-Saint-Denis.

On retrouve ici les plus anciennes communes ouvrières, dont le caractère industriel était attesté dès la fin du XIXe siècle, de Clichy, à Aubervilliers, en passant par Saint-Denis dont le maire affirmait en 1878 « … en résumé l’on peut dire de l’avenir que la ville de Saint-

Denis est appelée comme Manchester à devenir un centre industriel considérable »

(FARCY, C., 1991, p. 30). D’autres communes ont connu un développement industriel plus tardif (telles Aulnay-sous-Bois ou La Courneuve), la plupart accueille de grands ensembles de logements sociaux édifiés au cour des années 60 et 70. Ces communes ont toutes été profondément marquées par les mouvements de desserrement industriel, puis de désindustrialisation, qui ont touché à la fois leurs activités et leur population. Certaines sont engagées dans de puissantes opérations de reconversion de leurs friches industrielles, telles Saint-Denis, pouvant entraîner une diversification de certains segments de leur parc résidentiel ce qui, dans le cas cité, n’est pas contradictoire avec le maintien d’une très forte proportion de ménages pauvres. D’autres communes semblent se spécialiser inéluctablement dans l’accueil de populations comptant parmi les plus démunies de la région (telles La Courneuve ou Clichy-sous-Bois où près du quart des ménages ont un revenu inférieur au 1er décile francilien).

• A l’ouest, le vaste secteur des plus riches

Ce secteur se déploie depuis le cœur de la capitale, autour d’une radiale de communes au standing exceptionnel. Cette radiale prend naissance dans le Paris des beaux quartiers (VIe, VIIe, VIIIe et XVIe arrondissements), elle se prolonge dans les communes les plus cotées des Hauts-de-Seine et des Yvelines (Neuilly, Saint-Cloud, Le Vésinet) puis dans les communes périurbaines les plus chics des Yvelines. Etabli depuis la fin du XIXe siècle, le caractère très bourgeois de ces communes ne semble souffrir d’aucune ambiguïté : il se retrouve sous une forme quasi identique dans d’autres typologies (cf., par exemple, ANDRIEUX V. et DEBRAS B., 200352). Des communes un peu moins sélectives pour leurs résidants, du type 2, bordent largement cette radiale et forment un espace résidentiel qui reste très couru des ménages les plus favorisés.

52 Les variations ne concernent effectivement que la fin de la radiale, composée alors de communes de faible

Au total, ce large secteur englobe le centre et l’ouest de Paris, l’essentiel des Hauts-de-Seine, une grande part des Yvelines, dont la partie la plus densément peuplée avec les communes de Versailles et de Saint-Germain-en-Laye, et s’étend jusqu’au nord-ouest de l’Essonne. Une analyse des divisions socio-spatiales d’après les catégories socioprofessionnelles donne à voir un secteur plus nettement scindé en deux branches, l’une au nord-ouest le long de la radiale décrite ci-dessus, l’autre au sud-est, à cheval sur la frontière entre l’Essonne et les Yvelines (IAURIF et INSEE, 2002, t. 3). On peut avancer deux explications de cette distorsion. Premièrement, les communes périurbaines les plus occidentales du secteur de richesses, comptent moins de cadres actifs que les communes centrales plus urbaines, et davantage de cadres retraités. Toute typologie qui tient compte de l’activité des populations enregistre nécessairement cette caractéristique et sépare les deux types de communes, fractionnant ainsi l’espace résidentiel des plus favorisés. Deuxièmement, la branche sud-est recouvre l’espace résidentiel des couches moyennes très diplômées à proximité du pôle d’Orsay. La grille des CSP prend certainement mieux en compte les spécificités qualitatives des ménages, plus discrètes lorsqu’elles sont observées à l’aune des niveaux de revenu.

Ce secteur très favorisé admet une poche de plus grande concentration des ménages modestes, incluant la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, voire une poche de pauvreté correspondant à la commune de Trappes.

• Des secteurs secondaires

A coté de ces deux secteurs principaux, des secteurs secondaires apparaissent. Ainsi, un ensemble de communes très populaires longe la Seine au sud de Paris, depuis Ivry, vieille commune industrielle, jusqu’à Evry en ville nouvelle, en passant par la poche de grande pauvreté que constitue Grigny (Essonne) et ses grands ensembles de logements sociaux. Un autre ensemble de communes très populaires s’étend du nord-ouest du Val-d’Oise, depuis Argenteuil, jusqu’au cœur de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise.

Deux secteurs favorisés se détachent par ailleurs, avec cependant des poids démographiques plus faibles et une compacité spatiale moins grande. Le premier traverse le Val-d’Oise depuis Montmorency jusqu’aux marges périurbaines du nord-ouest du département. Le second se déploie au sud-est, à travers les anciennes communes de villégiatures qui bordent la Marne (Le Perreux, Saint-Maur-des-Fossés), puis en obliquant au sud pour englober des communes périurbaines de bon standing.

La logique sectorielle, bien que très puissante, ne rend pas compte de l’ensemble des différenciations intercommunales observées. En particulier, l’espace résidentiel dévolu plus spécifiquement aux ménages de revenu moyen ou encore les communes renfermant la plus forte mixité sociale (type 5) obéissent à d’autres logiques de localisation.