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TERRITOIRES DE GESTION ET TERRITOIRES POLITIQUES

A CHAQUE DEPARTEMENT , SES LOGIQUES DE DECOUPAGES

2. Les « circonscriptions » d’action sociale : redécoupage versus

2.2. Les « espaces territoriaux » des Yvelines

Depuis 1996, le département des Yvelines est découpé en 20 « espaces territoriaux », qui remplacent les circonscriptions héritées de la décentralisation. Le titre de l’avant-propos du rapport sur la base duquel cette organisation a été adoptée par le conseil général, « Des

circonscriptions aux espaces territoriaux », indique clairement la volonté de changement par

rapport à l’organisation précédente (cf. annexe 6). On rappelle dans cet avant-propos que le principe d’une réorganisation a été arrêté depuis 1994, année où Franck Borotra est élu pour la première fois à la présidence du conseil général. Pour autant, la relation entre le projet politique du conseil général et la réorganisation des services d’action sociale n’est pas évidente à établir : elle est en effet appréciée différemment selon les interlocuteurs rencontrés. D’après le rapport, la réorganisation est motivée d’une part par une réflexion sur la nature de

74 Jean-Claude MIGNON, président de la communauté d’agglomération, a d’ailleurs été vice-président du

l’action sociale menée par le département, et d’autre part par une volonté d’efficacité des moyens engagés :

« L’Assemblée Départementale (…) avait alors affirmé sa volonté de les faire évoluer vers l’aide à la personne, ce qui suppose à la fois le décloisonnement des services et une plus grande proximité de l’action sur le terrain (…). La recherche d’une plus grande rationalisation de l’action départementale et le souci de l’utilisation optimale des moyens appelleront une réorganisation territoriale (…).» (CONSEIL GENERAL

DES YVELINES, 1996, p. 2)

Le cheminement qui a abouti à l’organisation proposée est ensuite exposé : participation des équipes de terrain, écoute des élus locaux et, en dernier ressort, prise en compte de l’intérêt de la population, sont soulignés. Au détour d’une phrase, il est aussi spécifié que le nouveau découpage intègre « les 12 zones de cohérence utilisées par la

Direction de l’Aménagement et de l’Urbanisme » (idem, p. 2). Cette organisation territoriale

est proposée pour les dix ans à venir.

Le rapport est ensuite organisé en trois parties. La première, intitulée « Le contexte :

une réorganisation rendue nécessaire par l’évolution de la demande sociale », rassemble les

éléments justifiant la réorganisation. L’argumentaire commence par l’évocation de l’augmentation de la demande à laquelle l’action sociale doit répondre, et la complexité grandissante de cette demande, avec notamment l’apparition de nouveaux publics sous l’effet de la « dégradation économique et sociale » (idem, p. 3). La demande n’est pas seulement analysée à l’échelon individuel, mais aussi à celui du quartier :

« De plus, dans certains quartiers (à Mantes la Jolie, les Mureaux, Trappes,

Chanteloup les Vignes …) la dégradation du « lien social » est telle que les réponses traditionnelles ne suffisent pas. » (idem, p. 3)

La diminution des recettes globales des départements est soulignée, qui n’autorise pas l’engagement de moyens supplémentaires, mais conduit plutôt au redéploiement des moyens existants. Ensuite, le rapport affirme la volonté du département de préciser ses missions en matière d’action sociale. Enfin, on fait le constat de l’obsolescence du découpage hérité de la DDASS :

« (…) le découpage des circonscriptions calqué sur l’organisation administrative de

1983 ne correspond plus nécessairement aux réalités socio-géographiques nouvelles des Yvelines.» (idem, p. 4)

Le fait que les circonscriptions correspondent mal au zonage utilisé par la direction de l’Aménagement et de l’Urbanisme fonctionne comme une preuve supplémentaire. Le nouveau découpage doit permettre de mettre en œuvre une « politique d’aménagement social du

territoire» (idem, p. 4). La nécessité d’une révision de l’organisation interne des mailles est

ensuite soulignée.

Dans la deuxième partie du rapport, on présente la « méthode retenue pour

l’élaboration du redécoupage ». Les limites de l’ancien découpage en circonscriptions sont

alors énoncées ; ce paragraphe est particulièrement intéressant dans le cadre de notre questionnement, puisque s’y trouvent concrètement formulées les attentes d’un conseil général à l’égard d’un tel découpage. Nous les reprenons point par point. Un premier argument tient compte des découpages des partenaires : le découpage en circonscriptions ne correspond pas aux nouveaux dispositifs de lutte contre l’exclusion. Un deuxième argument tient à la taille des circonscriptions, envisagée ici du point de vue de l’importance des équipes : des équipes trop petites peineraient à faire émerger une dynamique ; au contraire, de taille plus grande, elles seraient de nature à favoriser, dans certains cas, une logique de services (Santé, Enfance, Action sociale) au détriment du travail en équipe. Un troisième argument emprunte aux caractéristiques du tissu social de certaines circonscriptions. Un tissu social hétérogène est décrit comme difficile à gérer et ceci aux dépends des contextes les moins défavorisés :

« Un déséquilibre réel se fait sentir sur certains territoires où une ville connaissant de

forts problèmes sociaux occulte la réalité du travail accompli dans les communes voisines. Il peut être alors difficile de mettre en œuvre des logiques de partenariat avec des communes ne se reconnaissant pas les mêmes enjeux.» (idem, p. 5)

La méthode selon laquelle a été conçu le nouveau découpage est explicitée. Le dessin des zones de cohérences définies par l’IAURIF75 et utilisées par la Direction de

l’Aménagement et de l’Urbanisme du conseil général est présenté comme le critère majeur, pondéré par des indicateurs de précarité (en particulier nombre de logements sociaux, taux de chômage et nombre de RMIstes). On insiste sur la participation des professionnels à la conception de ce découpage et sur la consultation des élus locaux. Une troisième partie est consacrée à la description du découpage lui-même, les modifications par rapport aux circonscriptions d’alors sont soulignées. Le maillage en espaces territoriaux est complété par trois « pôles de proximité », « afin de répondre le plus précisément aux demandes des

Yvelinois (et notamment aux populations les plus démunies) » (idem, p. 8).

Après cette revue des principes de découpages retenus par le conseil général des Yvelines, plusieurs éléments méritent d’être soulignés. En comparaison avec les principes de découpage mis en avant en Seine-et-Marne, la régularité démographique des mailles ne semble pas constituer un critère de découpage, seuls les écueils liés aux configurations extrêmes sont évoqués, à travers la taille des équipes. En revanche, dans le détail de la présentation du nouveau découpage, on note une mention de la superficie des mailles. Cette dernière ne doit pas être trop importante pour pouvoir développer les partenariats avec les acteurs locaux :

« (…) l’ancienne circonscription de Rambouillet est scindée en deux parties afin de

limiter l’aire d’intervention et de faciliter les relations avec les nombreuses communes du secteur. » (idem, p. 8).

Les concentrations spatiales de précarité sociale qui ponctuent ça et là le département des Yvelines, du reste très favorisé, apparaissent à deux reprises comme un élément à prendre en compte dans le dessin des « espaces territoriaux ». La dimension politique du territoire est, pour ainsi dire, absente du rapport. La maille cantonale n’est jamais évoquée ; les territoires de l’intercommunalité font l’objet d’une seule mention, au sujet de la Boucle de la Seine76. Au

total, il semble que le découpage des Yvelines en « espaces territoriaux » procède de la recherche d’une maille administrative pertinente pour mettre en œuvre l’action sociale, conçue en relation avec les autres découpages administratifs du département, notamment ceux relatifs à l’aménagement, mais indépendante des territoires du politique – cantons et intercommunalités.