• Aucun résultat trouvé

Encadré VII.1 — Compétences des communautés de communes et des communautés

3.2. Le maillage en EPCI à fiscalité propre

La région Ile-de-France n’est que partiellement couverte par les EPCI à fiscalité propre (figure VII.6). Les trois départements de la proche couronne sont les moins couverts, et le regroupement communal n’est pas non plus systématique en grande couronne. On note en particulier le faible nombre d’EPCI dans les Yvelines. Le statut de communautés d’agglomération d’une part et communautés de communes d’autre part, est en grande partie déterminée par le poids démographique de celles-ci. Le nombre médian d’habitants des communautés d’agglomération s’élève à environ 100 000 habitants ; il n’est que de 13 000 pour les communautés de communes.

La taille et la situation géographique des groupements permettent d’identifier plusieurs types d’EPCI. Les regroupements de petites communes rurales polarisées par une commune centre, tels qu’ils se sont formés en grand nombre en province, sont une forme caractéristique des marges de la région. La communauté de communes du canton de Bray-sur-Seine ou celle du Pays Fertois en Seine-et-Marne en sont de bons exemples. La communauté de communes des Deux Fleuves, autour de Montereau-Fault-Yonne, ou celle de l’Etampois relèvent de la même logique, quoique polarisés par une commune urbaine de plus grande importance. Les

communautés de communes du Provinois ou des Plaines et Forêts d’Yvelines tendent à s’inscrire dans cette logique, en dépit de la morphologie de leur territoire : les pôles urbains, respectivement Provins et Rambouillet, étant fort excentrés. L’intercommunalité construite autour de Meaux en Seine-et-Marne ou de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines relève davantage d’une logique d’agglomération, réunissant chacune environ 80 000 habitants. On note aussi, en grande couronne, un certain nombre d’EPCI ne comptant que quelques communes au faible poids démographique, telles le Bocage ou la Campagne Gâtinaise en Seine-et-Marne qui réunissent à peine 2 000 habitants, ou les Monts de la Goële et la Visandre qui en comptent moins de 5 000. La communauté de communes de la Gerbe et ses 6 800 habitants, imbriquée dans celle du Provinois, tend à accréditer la thèse d’un repli sur soi des communes concernées, évoquée par Jean-Marc Offner et M. Pouplet (2001) ou encore Gilles Massardier (1997), éventuellement alimenté par le jeu des proximités politiques.

Plus on se rapproche du centre de l’agglomération, plus le modèle de groupements polarisés s’estompe au profit de réunions de communes urbaines, comptant chacune plusieurs milliers d’habitants. Aux portes de Paris se sont ainsi créé les communautés d’agglomération du Val de Bièvre dans le Val-de-Marne, qui totalise plus de 180 000 habitants, ou celle de la Plaine Centrale, dans le même département, qui en réunit plus de 270 000.

Certains de ces regroupements existent, sous une forme ou une autre, de longue date, telle la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines. Mais les intercommunalités franciliennes sont, pour une large partie d’entre elles, relativement récentes. Cette jeunesse est indissociable d’une relative fragilité des regroupements, à la fois de leurs contours et de leur fonctionnement effectif. Le croisement d’une coupure de presse et d’un discours du préfet du Val-de-Marne au début de l’année 2000 fournit une illustration parmi d’autres de la fragilité de certains EPCI et témoigne des difficultés à développer l’intercommunalité en petite couronne. Lors d’une communication du préfet devant la commission départementale de coopération intercommunale le 20 janvier 2000, celui-ci a annoncé qu’il avait retenu le périmètre de trois communautés d’agglomération : celle de la Vallée-de-la-Marne, celle du Val-de-Bièvre et celle du Haut-Val-de-Marne, bien que Chennevières-sur-Marne ne se soit pas prononcée sur la question de son adhésion à cette dernière EPCI. Il précise que ceci

« (…) ne pouvait cependant faire obstacle à la mise en œuvre de la loi qui prévoit

que le Préfet peut créer par arrêté une communauté d’agglomération dès lors qu’un accord est exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou inversement. » (PREFECTURE DU VAL-DE-MARNE, 1999)

Il explique ensuite qu’il n’a pas retenu la demande de Créteil, Alfortville et Limeil- Brévannes de constituer une communauté d’agglomération, du fait qu’elles ne forment pas un territoire pertinent :

« (…) la cohérence de la plaine centrale du Val-de-Marne me paraît justifier d’une

intercommunalité qui regroupe cinq à sept communes. Il ne m’a pas paru possible de reconnaître comme pertinent en terme de développement économique social et urbain un espace qui s’étire en longueur de 11,5 kms du confluent de la Seine et de la Marne jusqu’à la limite de l’Essonne et qui se réduit en largeur à 375 mètres de frontière commune entre Créteil et Limeil-Brévannes. » (idem)

Il conclut sur les intérêts que les communes ont à se regrouper, en soulignant notamment les incitations financières de l’Etat, via le contrat de plan Etat-Région. Les deux cas de Chennevières et du territoire de la Plaine centrale ont été repris par la presse. Ainsi, lit- on dans l’Express du 17/02/2000, sous le titre « Clochemerle en Val-de-Marne » :

« A Créteil, à Alfortville et à Limeil Brévannes, les élus fulminent devant le refus du

préfet du Val-de-Marne d’avaliser leur projet d’agglomération de la « Plaine centrale ». A Chennevières, dans le même département, [où] c’est l’intégration « autoritaire » de la commune au sein du « Haut Val-de-Marne » qui fâche ».

Au final, la communauté d’agglomération de Plaine centrale est créée en décembre 2000 et Chennevières appartient toujours aux Hauts-Val-de-Marne. Cet exemple souligne le rôle joué par le préfet dans la création des EPCI, qui peut être à l’initiative des regroupements intercommunaux. Il témoigne aussi du fait que, derrière l’évidence de la carte des EPCI, certaines communes n’adhèrent qu’à contrecœur au projet communautaire. Enfin, cet exemple illustre certaines limites de la pertinence territoriale des périmètres de l’intercommunalité que l’on pourrait avoir tendance à considérer comme allant de soi.

L’inachèvement et la jeunesse de la couverture en EPCI en Ile-de-France est un fait connu, les raisons en sont également bien identifiées (OFFNER J.-M., POUPLET M., 2001 ; MINISTERE DE L’INTERIEUR, 2004). Parmi elles, on peut rappeler le poids démographique de certaines communes de la proche couronne, qui relativise les perspectives d’économie d’échelle habituellement attribuées à l’intercommunalité. De plus, en Ile-de- France, un certain nombre de services publics souvent à l’origine des initiatives de regroupement, se trouvent déjà pris en charge par des syndicats définis à un échelon régional. Enfin, l’étalement de l’agglomération et les très fortes densités configurent des relations entre les lieux, sensiblement éloignées du schéma traditionnel qui laisse apparaître un centre polarisant un ensemble de communes alentour. Enfin, comme ailleurs cette fois, les

divergences politiques locales paraissent parfois insurmontables, quel que soit le volontarisme et les incitations de l’Etat ou des autres collectivités territoriales.

Il n’en reste pas moins que l’intercommunalité est désormais une réalité en Ile-de-France, qu’elle concerne 674 communes en 2004 (soit plus de la moitié) et quatre millions d’habitants (soit près d’un habitant sur deux – hors Paris). Ces structures se créent dans un contexte politique, administratif et social qui contribue à déterminer leur tracé. Les découpages politico-administratifs préexistants à cette « révolution » territoriale, quoique « tranquille », font partie de ce contexte, au premier rang desquels figure le découpage cantonal, de même niveau que celui des intercommunalités. Pour la question qui nous intéresse, il est indispensable d’apprécier la nouveauté des contours de ces territoires par rapport au découpage traditionnel des cantons.