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Encadré IV.1 — Mesurer les disparités intercommunales de revenu à partir de la base

1. Riches et pauvres dans les communes franciliennes

Les 1 300 communes franciliennes47 ont été classées en sept types selon la répartition des ménages résidants dans dix classes de revenu, correspondant chacune à un décile de revenu de l’ensemble des ménages franciliens (cf. encadré IV.1). Dans cette typologie établie au moyen d’une classification ascendante hiérarchique (CAH), la spécificité de chaque type

est appréciée par rapport au profil francilien, c’est-à-dire ici par rapport à une situation théorique dans laquelle les ménages se répartissent de manière égale dans les dix classes. La référence à un profil régional est ici pleinement justifiée lorsqu’on connaît la spécificité des revenus des franciliens, plus élevés mais aussi souvent plus dispersés qu’en province (MARTINEZ C., 2002). Au total, chaque type est caractérisé par un niveau général de revenu, et par l’homogénéité ou l’hétérogénéité de l’ensemble des revenus.

Le tableau IV.1 présente la répartition des communes et de la population francilienne dans les sept types communaux identifiés. Le tableau IV.2 décrit la composition moyenne de chaque type de communes du point de vue des dix classes de revenu ; il offre ainsi une image des sept profils communaux. Le tableau IV.3 ventile chaque classe de revenu dans les sept types de communes ; ce faisant ce tableau permet d’apprécier la concentration des ménages d’une même classe de revenu dans un type spécifique de communes, ou au contraire, sa dispersion dans plusieurs types communaux distincts.

Tableau IV.1 — Répartition des communes et de la population francilienne dans les sept

types communaux

communes nombre de totale en 1999population Type 1 46 540 789 Type 2 170 2 267 629 Type 3 161 978 107 Type 4 671 2 776 702 Type 5 41 1 505 574 Type 6 190 2 237 338 Type 7 21 645 872 Total 1 300 10 952 011

1.1. Aux deux extrêmes de l’échelle sociale

• Les communes de prédilection des classes privilégiées

L’espace résidentiel des ménages les plus aisés se décline en deux types de communes. Le petit groupe des communes du type 1 apparaît comme extrêmement sélectif. Ici, ce sont les très riches qui donnent le ton : en moyenne, plus d’un ménage sur trois dispose d’un revenu appartenant au 10e décile, c’est-à-dire la classe de revenu la plus élevée (tableau IV.2). A

contrario, les ménages dont les revenus relèvent des huit premiers déciles sont tous sous-

représentés par rapport au modèle régional de référence. Ce « club » de communes très favorisées s’avère ainsi difficilement accessible non seulement aux classes populaires, mais également aux ménages de revenu moyen. On note que l’espace résidentiel correspondant à ce

groupe de communes est le plus homogène socialement des sept types identifiés48, même si, par ailleurs, les écarts internes entre forts revenus peuvent y être importants. Si les ménages les plus riches sont très nettement surreprésentés dans ce type de communes, ce n’est pourtant pas ici que résident la majorité d’entre eux. Ils sont deux fois plus nombreux à résider dans les communes un peu moins sélectives du type 2 (cf. tableau IV.3).

Tableau IV.2 — Répartition des ménages pour chaque type de communes, selon les déciles

franciliens de revenu, en % (« profils en lignes »)

D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 Total Type 1 5.9 4.9 5.2 5.4 5.7 6.2 7.0 9.6 14.3 35.9 100 Type 2 7.2 6.9 7.4 7.8 8.4 9.1 10.0 11.7 14.2 17.4 100 Type 3 5.5 7.1 8.5 9.4 10.5 11.4 12.4 12.9 12.9 9.5 100 Type 4 7.4 9.7 11.1 11.8 12.0 12.0 11.7 10.6 8.7 5.2 100 Type 5 13.1 10.9 9.8 9.5 9.3 9.3 9.5 9.8 10.0 8.9 100 Type 6 14.1 14.0 13.0 12.1 11.2 10.2 9.1 7.6 5.7 3.1 100 Type 7 21.6 18.1 13.9 11.6 9.6 8.3 6.9 5.0 3.4 1.6 100 sources : J.-C. FRANCOIS et al., 2003, p.13

LECTURE : D1 = 1er décile francilien, soit la tranche de revenu la moins élevée. D10 = 10ème décile francilien, soit la tranche de

revenu la plus élevée. En moyenne, dans les communes du type 1, 35,9% des ménages disposent d’un revenu supérieur au 10ème décile francilien de revenu.

La prédominance des ménages les plus riches est effectivement moindre dans les communes du type 2 (surreprésentation de sept points des ménages du 10e décile, contre 26 points précédemment, cf. tableau IV.2). On peut voir dans le poids démographique important d’un certain nombre de communes de ce type (Saint-Germain-en-Laye, Versailles, Rueil- Malmaison), un facteur de diversité sociale49. Moins sélectives et trois fois plus nombreuses que les communes du type 1, ces communes rassemblent au total près du quart des ménages franciliens, dont 40 % des plus riches (10e décile) mais aussi, on ne saurait l’oublier, 16 % des plus pauvres (1er décile) (cf. tableau IV.3).

48 L’approche à l’échelon infra-communal montre qu’à cette homogénéité sociale correspond une homogénéité

spatiale (ce qui n’est pas évident a priori): « Si les communes riches ne sont pas exemptes d’une certaine diversité spatiale, celle-ci demeure dans des limites étroites, puisqu’elle se borne à l’inclusion de quartiers moins favorisés ou socialement plus hétérogènes mais dans lesquels la présence des très riches est toujours significative (Versailles). Ces traits de mixité maîtrisée s’accentuent encore dans le cas des communes les plus riches (Neuilly, Le Vésinet). » (J.-C. FRANCOIS et A. RIBARDIERE, 2004, p. 6).

49 On retrouve ici une règle statistique classique, qui veut que plus l’ensemble observé est grand, plus les chances

d’observer des différences entre les éléments sont grandes également. On retrouve aussi des lectures de la densité urbaine comme facteur de diversité sociale, développée notamment par Jacques Lévy (2003).

Tableau IV.3 — Répartition des ménages de chaque décile francilien de revenu selon les sept

types de communes de résidence, en % (« profils en colonnes »)

D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 total Type 1 3.1 2.6 2.8 2.9 3.0 3.3 3.7 5.1 7.6 19.0 5.3 Type 2 16.4 16.0 17.0 18.0 19.3 20.8 22.9 26.9 32.9 40.0 23.0 Type 3 4.7 6.1 7.4 8.1 9.1 9.8 10.8 11.2 11.2 8.3 8.7 Type 4 17.2 22.4 25.7 27.3 27.9 27.8 27.0 24.5 20.3 12.0 23.2 Type 5 20.5 17.0 15.3 14.7 14.5 14.5 14.8 15.2 15.7 14.0 15.6 Type 6 26.9 26.7 24.8 23.1 21.3 20.6 18.4 15.6 11.0 6.0 19.1 Type 7 11.1 9.2 7.1 5.9 4.9 4.2 3.5 2.6 1.8 0.88 5.1 Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 sources : J.-C. FRANCOIS et al., 2003, p.14

• Les communes ouvertes aux plus modestes

A l’extrême opposé, deux groupes de communes se singularisent par la grande faiblesse des revenus d’un grand nombre de leurs ménages résidants. En particulier, dans le petit groupe des communes du type 7, quatre ménages sur dix doivent vivre avec des revenus inférieurs au 2e décile francilien (tableau IV.2). Mais ce n’est pas non plus dans ce type extrême que se concentre le plus grand nombre des ménages les plus pauvres (tableau IV.3). Ils sont nettement plus nombreux à résider dans les communes du type 6, dans lesquelles leur surreprésentation est moindre – ici en moyenne, seuls trois ménages résidants sur dix doivent s’accommoder d’un revenu inférieur au 2e décile francilien. Au total, les communes du type 7 et 6 rassemblent 35% des ménages relevant de cette catégorie de revenu.

Remarquons que les ménages aux revenus moyens inférieurs sont bien représentés dans ces communes populaires (surreprésentation des 3e et 4e déciles de revenu, voire du 5e

dans les communes du type 6). En revanche, les ménages très aisés en sont presque absents : moins de 2% des ménages résidants déclarent des revenus équivalents au 10e décile. Dès l’échelon communal, on observe une grande distance entre les très pauvres et les très riches.

• Ségrégation pour les uns, « entre soi » pour les autres ?

Au final, on peut retenir deux points de la confrontation des types communaux opposés dans la hiérarchie des revenus des ménages. Premièrement, les territoires communaux les plus homogènes socialement sont les lieux de résidence des plus privilégiés et non des plus pauvres50. Les communes populaires admettent effectivement une diversité sociale plus grande que les communes les plus favorisées. Cette observation n’est

50 Une analyse des inégalités de revenus mesurées d’après l’indice de Gini va dans le même sens : les communes

populaires, voire très populaires, de la première couronne renferment davantage de disparités de revenus que les communes aisées de l’ouest de l’agglomération (C. MARTINEZ, 2003, p. 14-15). Cette étude signale toutefois certaines communes très aisées, aux très fortes inégalités de revenus – y compris le Paris des Beaux quartiers – : on peut faire l’hypothèse que les différentiels entre très hauts revenus pèsent lourd dans la mesure.

certainement pas transposable à un échelon plus fin, l’hétérogénéité sociale d’un territoire ne présumant en rien son hétérogénéité spatiale, mais elle a le mérite de souligner cet aspect discret des différenciations de l’espace.

Deuxièmement, les catégories de ménages les plus concentrées spatialement sont les catégories les plus aisées. La concentration des plus riches dans un nombre restreint de communes n’a pas d’équivalent si l’on considère les autres tranches de revenu (tableau IV.3). Ainsi, l’absence de contraintes économiques ne conduit pas à une multiplication des lieux de vie possibles. Elle autorise au contraire les choix résidentiels les plus sélectifs, comme le soulignent Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot en citant les quelques communes de résidences de la grande bourgeoisie : « Les contraintes sociologiques ne leur laissent donc

aucune autre adresse possible dans le reste de l’agglomération » (1997, p.16).

A l’échelon communal, la logique agrégative paraît ainsi avoir plus de force que la logique ségrégative. Autrement dit, la culture volontaire de « l’entre soi » semble différencier davantage encore les communes franciliennes que les processus de « relégation » – comme si le vocable de ségrégation51 ne désignait pas les formes de division sociale les plus fortes,

lorsqu’elles sont observées à l’échelon communal. 1.2. Les communes de « classes moyennes »

Les communes périurbaines des types 3 et 4, admettent des surreprésentations dans les déciles centraux de revenu, assorties de sous-représentations dans les déciles extrêmes, sans que leur profil de revenu soit pour autant très éloigné du profil francilien de référence (tableau IV.2). Ce groupe de communes se décline en deux types.

Un petit nombre de communes (type 3) est caractérisé par une surreprésentation des ménages aux revenus moyens et moyens-supérieurs (déciles 5 à 9), combinée à une sous- représentation significative des revenus très faibles (tableau IV.2). Tout comme les communes d’élection des classes aisées, ces communes de résidences des classes moyennes supérieures restent difficilement accessibles aux ménages les plus modestes. En revanche, dans les communes du type 4, plus nombreuses, ce sont davantage les ménages au revenu modeste ou moyen qui sont surreprésentés (tableau IV.2). Ces communes sont aussi plus accessibles aux plus pauvres que les précédentes et moins convoitées par les ménages les plus riches. Ce trait les rapproche du groupe des communes populaires (type 6 et 7).

51 On peut effectivement, en suivant par exemple Yves Grafmeyer (1996), réserver la notion de ségrégation aux

phénomènes de mise à distance, « imposés » par un groupe social à un autre ou en tous cas subis par le groupe ségrégué – en ayant bien noté toutefois que d’autres auteurs, tel Jacques Brun (1994), s’interrogent sur la possibilité d’étendre la notion aux zones résidentielles de haut standing, telles les communautés fermées.

Les communes de type 3 et 4 accueillent une part importante des ménages de revenu moyen, mais ceux-là sont aussi bien représentés dans les communes populaires du type 6 et dans les communes résidentielles aisées du type 2 (tableau IV.3). La spécialisation d’un type de communes dans la résidence des classes moyennes d’une part, et la concentration spatiale de celles-ci d’autre part, sont ainsi toutes relatives.

1.3. Les communes renfermant une forte diversité sociale

Un profil de revenu très spécifique singularise le petit groupe de communes du type 5. Toutes les catégories de ménages, des plus pauvres aux plus riches, sont représentées en proportions relativement équivalentes. La répartition des ménages dans les différents déciles de revenu est donc très proche de celle qui vaut pour l’ensemble de l’Ile-de-France. Autrement dit, ce groupe de communes connaît une diversité sociale maximum. Au total, un peu plus de 15% des ménages franciliens y résident (tableau IV.3) et parmi eux, 20% des ménages les plus pauvres.