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Encadré IV.1 — Mesurer les disparités intercommunales de revenu à partir de la base

2. Une organisation spatiale radio-concentrique

2.2. Une logique concentrique

• Un espace de mixité au cœur de l’agglomération

Caractérisés par les revenus des ménages résidants, les arrondissements du centre et de l’ouest de Paris s’apparentent aux communes les plus cossues du secteur de richesse – ils appartiennent d’ailleurs aux mêmes types communaux. En revanche, on ne peut réduire les arrondissements du nord et de l’est à une déclinaison du secteur de pauvreté. En particulier, la cohabitation des très riches et des plus pauvres dans Paris intra-muros n’a pas d’équivalent dans les communes limitrophes (Saint-Denis, Aubervilliers)53. Quelle signification donner à cette hétérogénéité sociale des arrondissements parisiens ?

Quelques communes de la première couronne, au contact du secteur très défavorisé, telles Colombes et Asnières-sur-Seine dans les Hauts-de-Seine ou encore Fontenay-sous-Bois dans le Val-de-Marne, apparaissent globalement caractérisées par la même hétérogénéité sociale54, ce qui pourrait suggérer une banalisation du modèle de mixité. Le changement

d’échelle dévoile au contraire deux tendances fort différentes selon que l’on observe les arrondissements parisiens ou les communes de banlieue. Dans ces dernières, à l’échelon infra-communal, l’hétérogénéité sociale des ménages résidants s’inscrit dans l’espace suivant segmentation socio-spatiale très marquée. A l’inverse, la carte à l’échelon des quartiers présente pour Paris une plus grande superficie de diversité sociale (FRANCOIS J.-C. et al., 2003 ; J.-C. FRANCOIS et RIBARDIERE A., 2004). La spécificité de Paris intra-muros se trouve donc renforcée par ce détour via l’échelon infra-communal.

L’observation des CSP résidantes confirme également cette spécificité centrale, tout en nuançant l’image de mixité sociale pour la période récente. En 1990, la mixité sociale des arrondissements du nord-est constituait bien un élément qui les différenciait des communes voisines de banlieue. Cadres, ouvriers, employés et catégories intermédiaires cohabitaient dans des proportions équivalentes (IAURIF et INSEE, 1992, t.2). Ce n’est plus le cas en 1999.

53 Ainsi, les XVIIIe et XIXe arrondissements comptent respectivement 10,4% et 8,4% de ménages dont les

revenus relèvent du 10ème décile, tandis que Aubervilliers et Saint-Denis en comptent seulement 2% et 2,2%. 54 Quelques communes plus éloignées du centre de l’agglomération relèvent également de ce modèle. Cependant,

les premiers essais de typologie effectués dans le cadre du rapport pour la DREIF, ainsi que la comparaison avec la typologie réalisée par B. DEBRAS, montrent que le classement est moins robuste pour ces communes périphériques (B. DEBRAS, 2003).

Au cours de la période intercensitaire, les arrondissements du nord-est parisien ont subi un fort embourgeoisement qui se manifeste, entre autre, par un recul de la part des ouvriers et une très forte croissance de celle des cadres55. Cette dernière catégorie représente désormais jusqu’au quart de la population active occupée dans les cinq arrondissements du nord-est, contre à peine 15 % d’ouvriers56. En 1999, c’est donc autant la cohabitation des diverses CSP, que la forte proportion de cadres qui distingue les arrondissements du nord-est parisien, des communes voisines.

La localisation de cet espace résidentiel relativement hétérogène socialement s’intègre dans un modèle concentrique, qui oppose un centre empreint de diversité sociale à une périphérie segmentée selon la position sociale des ménages résidants. Cette diversité sociale, qui peut apparaître comme l’un des traits essentiels des centres urbains, repose sur une combinaison d’éléments : l’ancienneté et la complexité des formes du bâti, les densités exceptionnelles, l’attractivité pour les nouveaux arrivants, qu’il s’agisse de migrants proches (étudiants, jeunes diplômés à la recherche d’un emploi…) ou lointains.

• La ceinture des classes moyennes inférieures

L’emprise de l’espace résidentiel des ménages au revenu moyen inférieur est ici très nettement mise en évidence, sous la forme d’une ceinture qui couvre l’essentiel de la couronne périurbaine de l’agglomération – à l’exception notable des communes périurbaines des secteurs favorisés (figure IV.1). Derrière cette localisation transparaît la relation bien connue entre distance au centre et cycle de vie des ménages. L’augmentation de la taille du ménage s’accompagne bien souvent de l’augmentation de la superficie du logement, ce qui se traduit, en grande partie par le jeu des valeurs foncières, par un éloignement du centre de l’agglomération. Martine Berger montre ainsi que « pour se loger large, il faut se loger loin » et souligne que ceci est d’autant plus vrai pour les catégories modestes, qui se trouvent contraintes de trouver résidence dans des zones rurales faiblement équipées et mal desservies (BERGER M., 2004).

• Les marges rurales de la Seine-et-Marne

La frange rose défavorisée qui borde les limites sud et orientales de la Seine-et-Marne (figures IV. 1 et IV.2) pourrait relever de la même logique que celle évoquée au sujet des

55 De 1990 à 1999, la part des cadres s’est accrue de 12,8 points dans l’ensemble de Paris, contre 6,6 points en

Ile-de-France et 3,3 points en Province. Cf. IAURIF et INSEE, 2003, t. 4, p. 82.

56 27, 4% de cadres dans le XIe arrondissement, 18,2% dans le XIXe ; 11,9% d’ouvriers dans le XIe

classes moyennes inférieures : un éloignement du centre d’autant plus prononcé et contraint que les ménages sont modestes. D’autres éléments doivent également être mobilisés. La part des agriculteurs est significative dans ces marges rurales. En conséquence, si les ressources déclarées d’un certain nombre de ménages sont du même ordre que celles des ménages très modestes de la première couronne, elles peuvent masquer un capital foncier non négligeable. Par ailleurs, nombre de communes ici considérées sont caractérisées par de très faibles densités. L’emprise spatiale de cette frange de communes où les ménages modestes sont surreprésentés ne doit donc pas conduire à surévaluer son poids démographique, comparé à celui des secteurs de pauvreté situés aux portes de Paris. Concernant les communes urbaines de cette grande couronne, nous aurons l’occasion de souligner dans le chapitre suivant d’autres éléments qui différencient ces villes périphériques des communes populaires de la proche banlieue. Terminons en signalant que cette périphérie modeste ne s’observe dans la région francilienne que sous la forme d’un croissant aux marges orientales. Plus qu’une spécificité de la Seine-et-Marne, il faut y voir un effet de découpage : il y a fort à parier que de tels profils de revenu s’observeraient aux autres limites de l’agglomération.