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A PPROCHE SPATIALE ET CHOIX METHODOLOGIQUES

5. Choix méthodologiques

5.1. Approches quantitatives

Les approches quantitatives impliquent un certain nombre de choix ; certains relèvent de l’ordre de la méthode d’analyse, d’autres des niveaux d’observations sélectionnés.

• Le choix de l’analyse multivariée

Appliquées à la connaissance de l’inscription spatiale des situations de précarité sociale, les méthodes statistiques uni et multivariées permettent de poser le cadre général indispensable à la compréhension des situations particulières. Ces méthodes aident à la caractérisation des lieux les uns relativement aux autres, en gérant la complexité face à laquelle chacun se trouve lorsqu’il souhaite introduire plusieurs descripteurs de ces lieux. Elles mettent à jour des dimensions sous-jacentes de la différenciation spatiale, en identifiant des associations géographiques, ou au contraire des exclusions de variables (analyses factorielles) ; elles constituent également des outils pour la comparaison des lieux entre eux et pour leur classement suivant des types les plus homogènes possibles. Grâce à ces méthodes, nous avons pu identifier les principales composantes à l’origine de la différenciation des communes et des îlots urbains, du point de vue de la vulnérabilité sociale des populations résidantes. Elles nous ont également permis de classer les communes et les îlots suivant les formes de précarité sociale qui affectent les populations résidantes, et leur intensité (chapitre 5).

Ces analyses ont été menées à partir des données des recensements de la population, qui présentent l’avantage de couvrir un large spectre des caractéristiques sociales, démographiques et économiques des populations résidantes, à plusieurs dates et à plusieurs niveaux géographiques d’observation.

• Le choix des niveaux d’observation et les problèmes posés par celui de l’îlot

Les méthodes d’analyse des données ont été conduites à deux échelons d’observation, celui de la commune et celui de l’îlot de recensement. Ce choix ne doit rien au hasard ; on sait que l’échelle et le dessin des mailles d’observation contribuent, tout autant que le choix des descripteurs, à modeler les formes spatiales mises au jour lors des traitements statistiques (GRASLAND C., 1997).

Le choix des deux niveaux d’observation a été effectué en relation avec les caractéristiques des découpages territoriaux de l’action sociale et de la politique de la ville. La commune s’est imposée comme premier échelon d’observation, parce que les contrats de ville, tout comme les « circonscriptions » d’action sociale des conseils généraux, sont composés d’un nombre entier de communes. Cette maille d’observation s’impose plus encore par le rôle de l’échelon communal dans la définition et dans la mise en œuvre des politiques de lutte contre la précarité. A l’échelon communal, la portée d’une observation de la précarité sociale dépasse ainsi la simple considération d’une population agrégée dans un maillage d’observation : elle peut directement être mise en relation avec des orientations en matière d’équipements et de politiques publiques.

Le choix de la maille infra-communale de l’îlot de recensement s’est imposé dans la mesure où nous souhaitions pouvoir confronter les formes de la division sociale intra-urbaine au tracé des quartiers prioritaires de la politique de la ville22. Le découpage d’une commune en îlots est effectué en tenant compte des nécessités de l’organisation du recensement de la population : chaque agent recenseur est chargé de recenser les caractéristiques des ménages dans un certain nombre d’îlots. Il s’en suit que le contour des îlots est défini suivant le réseau viaire, ce qui permet de repérer très facilement les îlots sur une carte topographique par exemple. En milieu urbain dense, l’îlot est une maille d’observation qui correspond au pâté de maisons ou au petit groupe d’immeubles, il se rapproche alors de l’œil du passant.

Si cette maille d’observation peut séduire par sa grande finesse, elle n’en comporte pas moins de sérieuses contraintes d’utilisation. La première tient à la confidentialité des données, qui impose des restrictions dans l’accès et dans la diffusion des informations. Alors que les recensements de 1968 étaient disponibles à partir des fichiers sources, les conditions d’exploitation ont été progressivement restreintes. Actuellement, l’information au niveau de l’îlot de recensement est accessible uniquement aux collectivités locales concernées, à un certain nombre de bureau d’études et, sous certaines conditions, aux chercheurs23. Pour notre part, nous avons levé les difficultés d’accès en signant une convention d’études avec la

22 Il existe un autre niveau infra-communal de diffusion des données du recensement, l’iris 2000, qui correspond

à une maille regroupant environ 2000 habitants. Celui-là a l’avantage d’être facilement accessible, mais présente pour notre étude l’inconvénient majeur de correspondre à un grain trop épais pour être confronté aux limites des quartiers prioritaires.

23 Cette option d’accès restreint fait débat, et n’est pas non plus celle qui a été adoptée dans d’autres pays (cf.

Délégation régionale de l’Insee Ile-de-France, qui nous a accueillie six mois dans ses locaux à Saint-Quentin-en-Yvelines24.

Une deuxième contrainte tient au poids démographique très faible de certains îlots, qui pourrait conduire à considérer des données aberrantes. Les méthodes statistiques n’ont effectivement de sens que lorsqu’elles portent sur un nombre suffisant d’observations. Il nous a rapidement paru indispensable d’exclure de l’analyse les îlots pour lesquelles une étude statistique n’est pas pertinente. Le problème reste évidemment de déterminer le seuil permettant d’isoler ces îlots, qui ne peut être qu’un compromis entre le souci de conserver le nombre maximum d’îlots et la volonté de limiter l’information non significative. On sait que les mesures de variance sont très sensibles aux valeurs extrêmes. Par conséquent, la suppression des données aberrantes a pour effet d’abaisser la valeur de celles-ci. Nous avons ainsi effectué une série de tests sur une sélection de territoires et de variables en excluant successivement les îlots de moins de 10 habitants, puis de 20, 30 et enfin 50 habitants. Il s’est avéré que l’exclusion des îlots de moins de 10 habitants diminue significativement la valeur de l’indicateur de dispersion. L’intérêt des autres seuils est moins évident. Le nombre d’îlots supprimés augmentant à mesure que le seuil s’élève, il devient alors difficile d’attribuer la baisse de la variance à la réduction du nombre d’observations aberrantes ou à celle du nombre total d’observations. C’est donc le seuil de 10 habitants qui a été finalement retenu.

Enfin, on ne peut faire l’économie de s’interroger sur le sens des observations menées à l’échelon de l’îlot. Contrairement à la commune, cette maille ne revêt pas de dimension territoriale propre. Quelle signification accorder aux caractéristiques d’un îlot donné, qui ne rassemble parfois que quelques dizaines d’habitants ? Que répondre aux doutes exprimés par un sociologue de la DIV (Délégation interministérielle à la ville) sur la pertinence des informations statistiques à une échelle fine :

« Cette échelle – on pense à l’îlot ou le quartier de faible taille – n’est-elle pas

précisément celle où il convient de changer d’approche, de passer de l’examen clinique des faits, (…) à une posture où l’on reconnaît que l’on a affaire à des sujets doués de parole, de compétences et de droits, et non à des objets simplement aptes à être étudiés ? » (MENARD F., 2002, p. 49).

Cette remarque vaut certainement pour les caractéristiques d’un îlot donné – l’approche empirique étant indispensable pour qui prétend décrire une si petite portion de territoire. Mais c’est dans une toute autre optique que nous avons recours à ce niveau d’observation. Dans ce travail, il ne s’agit pas tant de caractériser un îlot donné que

24 Cette contrainte s’est très rapidement transformée en une opportunité d’échanges féconds avec les chargés

d’études de l’Insee, qui s’est traduite par une contribution au numéro sur les disparités sociales et territoriales de la revue Regards sur…de l’Insee Ile-de-France (A. RIBARDIERE, 2003).

d’identifier les formes qu’emprunte la répartition de la résidence des populations en situation de précarité sociale, à l’intérieur des territoires communaux. En observant les ressemblances et les différences des profils des îlots dans un territoire donné, on cherche à apprécier l’homogénéité ou l’hétérogénéité spatiale de celui-ci, et éventuellement à déceler des formes spatiales invisibles à l’échelle communale (FRANCOIS J.-C., RIBARDIERE A., 2004).

• Analyse des superpositions des maillages : comparaison des formes et articulations

L’analyse spatiale offre un ensemble de méthodes permettant de caractériser les lieux non seulement à partir de leurs attributs, mais également du point de vue de leur localisation et ce faisant, à partir des relations qu’ils nouent avec les autres lieux. Ces méthodes ont été très utiles pour résoudre les problèmes qui se posent dès lors qu’on souhaite, pour un territoire donné, tenir simultanément plus de deux ou trois maillages pour identifier à quelles formes spatiales correspondait la superposition. Nous avons ainsi pu apprécier, selon différents critères, les degrés de concordance entre les maillages départementaux des « circonscriptions d’action sociale » et ceux d’autres institutions partenaires. Nous avons pu également identifier les limites communes à différents maillages, et proposer une interprétation de ces récurrences (chapitre 8).

5.2. Cartographie des divisions sociales de l’espace et des divisions