• Aucun résultat trouvé

TERRITOIRES DE GESTION ET TERRITOIRES POLITIQUES

L E DESSIN DES « CIRCONSCRIPTIONS D ’ ACTION SOCIALE »

1. La taille des mailles, un principe de base du découpage

1.3. Les modèles observés en grande couronne

Les écarts de taille des circonscriptions qui couvrent la grande couronne s’ordonnent de façon relativement cohérente lorsqu’on les considère à l’intérieur d’un même département.

• Des poids démographiques réguliers pour les circonscriptions d’action sociale de la

Seine-et-Marne et de l’Essonne

A l’opposé des départements de la petite couronne, morcelés en un grand nombre de circonscriptions au poids démographique variable, le département de la Seine-et-Marne est découpé en mailles d’un poids démographique plus élevé (cf. tableau VII.2), la plus petite circonscription rassemblant un peu plus de 60 000 habitants (unité territoriale de Chelles). Du point de vue du poids démographique des circonscriptions, le maillage de la Seine-et-Marne est aussi le plus régulier de tous (coefficient de variation des poids démographique de 0,16 cf. tableau VII.2). On retrouve ici la trace de l’attention portée en 1992 à l’égalité démographique des mailles (CONSEIL GENERAL DE LA SEINE-ET-MARNE, 1992a). Etant donné les variations de densité qui existent entre la moitié occidentale du département, en grande partie incluse dans l’agglomération parisienne, et la frange orientale, majoritairement rurale, l’hétérogénéité de la « taille » des mailles renvoie ici davantage au nombre de communes regroupées. Selon ce critère, les plus petites circonscriptions rassemblent trois ou quatre communes seulement (circonscription de Chelles ou de Pontault-Combault), les plus vastes réunissent plusieurs dizaines de communes : 66 pour la circonscription de Nemours, 93 pour celle de Provins.

Considéré sous l’angle de la taille des maille, les caractéristiques du maillage de l’Essonne apparaissent assez proches de celles du maillage de la Seine-et-Marne. Celui-ci combine une relative régularité du poids démographique des mailles, au regard de ce qui est observé dans les autres départements avec des écarts importants dans le nombre de communes qui compose chaque maille. Certaines circonscriptions regroupent uniquement deux communes, comme celle de Draveil/Vigneux-sur-Seine ou celle de

Savigny/Morsang-sur-Orge ; à l’opposé celle d’Etampes en réunit 45. Ces différences tiennent essentiellement aux disparités des poids démographiques des communes de l’Essonne. Aucun lien n’apparaît entre la taille des mailles et la géographie de la précarité sociale.

• Des ajustements des périmètres des circonscriptions sur ceux des « points chauds »

dans les Yvelines

Dans le département des Yvelines, la régularité du poids démographique des mailles apparaît très clairement gauchie par la prise en compte des contextes communaux les plus défavorisés du département. Ainsi, la nécessité de faire du « sur-mesure social » en direction des territoires les plus défavorisés d’une part, et pour les communes moins marquées par la précarité sociale, les inconvénients à être associées à ces territoires d’autre part, soulignés dans le rapport du conseil général relatif à l’organisation territoriale de l’action sociale, se traduisent très directement dans le découpage en circonscription (CONSEIL GENERAL DES YVELINES, 1996). Les trois communes repérées comme les plus marquées par la précarité sociale, c’est-à-dire Trappes (28 812 habitants), Les Mureaux (31 739 habitants) et Mantes-la-Jolie (43 672 habitants) forment chacune une circonscription. Chanteloup, marquée par une précarité sociale massive et qui compte à peine 10 000 habitants, ne constitue pas une circonscription à elle seule tout en faisant néanmoins l’objet d’une attention particulière : la circonscription dont elle dépend est de taille modeste ( 44 650 habitants) et la commune bénéficie sur son territoire d’un « pôle de proximité », prévu pour renforcer localement la présence du service départemental (CONSEIL GENERAL DES YVELINES, 1996). On a là quatre circonscriptions parmi les cinq du département, qui concentrent moins de 45 000 habitants – la cinquième étant celle de Maurepas, laquelle réunit 43 communes, rurales pour la plupart. L’hétérogénéité du poids démographique des circonscriptions tient ainsi en grande partie à la petite taille de celles qui correspondent aux communes concentrant les situations de précarité sociale. Au total, considéré du point de vue de la taille des mailles, le découpage des Yvelines est doublement irrégulier – à la fois par la population réunie et par le nombre de communes regroupées.

Il faut enfin noter l’option singulière qui a été retenue pour Versailles : la commune est découpée en deux parties, chacune rattachée à un groupe de communes voisines. Les acteurs rencontrés n’ont pas conservé la mémoire des raisons de ce choix. L’argument avancé selon lequel les 85 726 habitants de la commune seraient trop nombreux pour relever d’un même espace territorial, ne tient pas vraiment au regard du résultat du découpage : les deux

parties de Versailles relèvent de mailles comptant entre 80 000 et 90 000 habitants83. Le rapport de 1996 justifie ce découpage, par rapport aux communes environnantes :

« A Versailles, la logique d’agglomération est privilégiée. La ville est divisée en deux

secteurs, auxquels s’ajoutent les communes voisines naturellement tournées vers le chef lieu du Département.» (CONSEIL GENERAL DES YVELINES, 1996, p. 7)

Au total, dans les Yvelines, la solution d’une circonscription d’action sociale mono-communale n’a été envisagée que dans le cas de communes particulièrement marquées par la précarité, bien que celles-ci aient un poids démographique modéré.

• Le modèle de la maille centrée

Nous avons souligné la prégnance du maillage communal dans les délimitations des circonscriptions d’action sociale des départements de la petite couronne, celles-ci pouvant être corrigées par les niveaux de précarité. Plus de la moitié des circonscriptions correspondent au territoire d’une seule commune et les circonscriptions pluri-communales ne réunissent que quelques communes. En grande couronne, la règle est, au contraire, que chaque circonscription d’action sociale réunisse un grand nombre de communes. On précise suivant quelles logiques ces vastes mailles ont été dessinées.

La dénomination des circonscriptions donne un premier indice (figure VII.1) : on parle ainsi de « l’espace territorial de Rambouillet », de « l’unité territoriale de Montereau » ou de celle de Provins. Cela suggère que ces mailles ont un centre, et que la circonscription a été conçue dans une logique de polarisation. Hors de la zone dense de l’agglomération, on trouverait ainsi un maillage régulier, centré sur les pôles urbains, suivant les règles les plus banales de la centralité urbaine.

La carte de la figure VII.3 qui identifie les communes urbaines et leur poids démographique, permet de repérer quelques cas exemplaires d’ajustements sur la centralité urbaine, avec les circonscriptions d’action sociale de Meaux ou de Provins, par exemple. Au total, toutes les circonscriptions de la frange orientale de la Seine-et-Marne, de Meaux à Nemours, celle d’Etampes en Essonne, et celle de Rambouillet dans les Yvelines correspondent à ce modèle d’une maille centrée sur un pôle urbain.

83 La population est estimée d’après le croisement entre le découpage en IRIS 2000 et les cartes fournies par le

Figure VII.3 — Les « circonscriptions d’action sociale » centrées sur un centre urbain en

Comme on pouvait s’y attendre, le schéma se brouille à proximité de l’agglomération, suivant deux déformations. La première vient de la multiplication de communes urbaines de poids démographiques élevé, à mesure que les densités augmentent. Dans ce contexte, une circonscription peut réunir plusieurs communes de poids démographique équivalent, pouvant chacune prétendre, sur ce critère, à tenir la fonction de centre de la circonscription. Ainsi, au Nord-est de la Seine-et-Marne, la circonscription dite de « Mitry-Mory » aurait pu tout aussi bien avoir pour centre la commune de Villeparisis ou encore, celle dite de « Chilly-Mazarin » au nord de l’Essonne, sur le territoire de laquelle la ville de Longjumeau compte davantage d’habitants que la commune éponyme de Chilly. Dans ce dernier exemple, c’est la disponibilité des locaux qui a déterminé le centre de la maille, auparavant basé à Longjumeau. La recherche de nouveaux locaux a conduit à établir le service départemental dans la ville voisine de Chilly. La deuxième déformation provient du « décentrage » géométrique de la commune qui donne son nom à la maille. Ainsi, les gradients de densité font que les villes ont généralement un poids démographique d’autant plus grand qu’elles se situent à proximité de l’agglomération. Dès lors, la commune éponyme de la circonscription a tendance à se trouver décentrée par rapport à l’ensemble du territoire couvert par la circonscription. C’est le cas, par exemple, des circonscriptions de Mitry-Mory (Seine-et-Marne), de Combs-la-Ville ou de Mennecy dans l’Essonne.

D’autres écarts au modèle de la maille centrée sur un pôle sont repérables, qui relèvent de logiques plus locales. Ainsi, le dessin des deux circonscriptions de Mantes-la-Ville et de Mantes-Couronnes paraît déterminé autant par la répartition des densités que par le traitement spécifique réservé à la ville de Mantes-la-Jolie.

Un cas de figure, à l’opposé du modèle de la maille centrée, peut être identifié, quand certaines circonscriptions se trouvent en quelque sorte dépourvues d’un centre capable de polariser les communes réunies. Ainsi, la circonscription de Tournan-en-Brie en Seine-et- Marne, ou celle de Dourdan en Essonne, ou encore celle de la Queue-lez-Yvelines dans les Yvelines ne comptent aucune ville de plus de 10 000 habitants – La Queue-lez-Yvelines par exemple, comptant à peine 1 844 habitants. Il s’agit donc de mailles recouvrant un espace largement rural, aux marges du tissu urbain. Ce type d’implantation n’induit vraisemblablement qu’une faible visibilité, vis-à-vis des partenaires institutionnels, ce d’autant plus qu’ils ont suivi des options différentes pour leur découpage, d’une part, et vis-à-vis de l’échelon supérieur, c’est-à-dire des directions du conseil général, d’autre part. L’exemple de la circonscription d’action sociale seine-et-marnaise de Tournan est assez

significatif de cette faible visibilité. Alors qu’elle commentait la modification du découpage advenue en 2003 pour prendre en compte le territoire politique de l’agglomération de Melun, et ses répercussions sur le territoire des circonscriptions voisines, l’une des personnes enquêtées estimait sur un ton ironique, que « la gagnante à tous les coups, c’est Tournan ». De son point de vue, la dimension politique est indispensable à la réussite de tout projet de redécoupage, et la côte mal taillée de la circonscription de Tournan est en elle-même insuffisante pour motiver une révision.

Les cas des départements du Val-d’Oise et de Paris ne sont pas ici abordés, car ces départements n’ont pas fait l’objet de travaux de terrain spécifiques. On signale simplement que la diversité de la taille des circonscriptions parisiennes épouse celle des arrondissements, les deux maillages se confondant. Le Val-d’Oise apparaît découpé en mailles de taille disparate, même si une logique démographique transparaît clairement, les trois communes les plus peuplées constituant chacune une maille mono-communale.

Pour conclure cette analyse relative à la taille des circonscriptions d’action sociale, on retient que la répartition des densités guide incontestablement le dessin de ces périmètres. A l’échelon régional, on observe ainsi clairement deux modèles, pour lesquels la question de la taille des mailles se pose différemment. En petite couronne, on distingue d’un côté les circonscriptions d’action sociale communales, de l’autre les circonscriptions pluri- communales, toujours limitées à un petit nombre de communes. En grande couronne au contraire, les circonscriptions pluri-communales sont la règle, dessinées sur la base de logiques de polarisation, intégrant éventuellement les répartitions spatiales des situations de précarité sociale (Yvelines). On suppose que les mailles politiques existantes contribuent également à déterminer les tracés, comme l’a fortement suggéré l’étude des rapports établis par les conseils généraux de la Seine-et-Marne et des Yvelines (respectivement 1992a et 1996).

2. Circonscriptions d’action sociale et cantons : l’influence d’un