• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1: Le terme « pédo » : le critère arbitraire de l’âge

B) Une liberté sexuelle limitée dans son contenu

Le droit reconnaît de manière générale au mineur la possibilité d’avoir des relations sexuelles, s’il a l’âge de la majorité sexuelle et s’il a donné valablement son consentement. Toutefois, il ne peut, en aucune manière, faire ou regarder de la pornographie, ni se prostituer. Le droit met en place d’autres limites dans les actes sexuels qu’il érige en infraction pénale. C’est ainsi qu’« en principe, coucher avec un adolescent qui a plus de quinze ans ne saurait constituer un délit. Mais attention : qu’on ne s’avise pas de tenter quelque chose de plus imaginatif que le simple coït »243. En effet, les articles 227-22244 et 227-28-3245 du C.pén., dont les corollaires sont les articles 151 et suivants du C.crim., incriminent le fait de proposer ou de favoriser ou de tenter une corruption de mineur ou d’obtenir des faveurs sexuelles de ces derniers, qui possèdent la majorité sexuelle. C’est ainsi que les relations sexuelles avec des personnes de moins dix-huit ans, correspondant à la majorité civile, doivent respecter un certain cadre, un code de conduite, dicté par la moralité dominante de la société. « Autrement dit, en matière de sexualité, ce n’est pas

243 M. IACUB et P. MANIGLIER, préc., note 14, p. 220 : « Qu’on n’essaie surtout pas d’éveiller chez le jeune le frisson des choses un peu bizarres, qui ne sont pourtant pas interdites aux majeurs, comme le sexe à plusieurs ou les ligotages par lesquels certains se plaisent à pimenter leur vie amoureuse. Car le simple le fait de le suggérer est passible de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende, sous le chef de « corruption de mineur » ».

244 « Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. Ces peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque le mineur est âgé de moins de quinze ans ou lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communications électroniques ou que les faits sont commis dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux. Les mêmes peines sont notamment applicables au fait, commis par un majeur, d’organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 1 000 000 Euros d’amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée ».

245 « Le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu’elle commette à l’encontre d’un mineur l’un des crimes ou délits visés aux articles 222-22 à 222-31, 225-5 à 225-11, 227-22, 227-23 et 227-25 à 227-28 est puni, lorsque cette infraction n’a été ni commise ni tentée, de trois ans d’emprisonnement et 45 000 Euros d’amende si cette infraction constitue un délit, et de sept ans d’emprisonnement et 100 000 Euros d’amende si elle constitue un crime ».

l’État de droit qui nous gouverne mais la moralité dominante »246. Les mineurs se retrouvent contraints, selon la morale dominante, à ne pratiquer qu’une certaine sexualité et rien d’autres au nom de leur protection. Le législateur leur donne la majorité sexuelle, mais seulement pour des actes sexuels déterminés car tout le reste n’est seulement possible qu’entre adultes consentants. Les auteurs Marcela Iacub et Patrice Maniglier illustrent très bien ce fait en énonçant qu’« [i]l s’agit donc de protéger les jeunes contre une certaine pédagogie sexuelle, de les protéger de cette société dans laquelle – estiment ceux qui pensent à leur bien-être et à leur hygiène morale – la corruption des adultes est devenue « inquiétante ». Bref, d’instruire une morale sexuelle autoritaire par le biais de la jeunesse »247.

Tout un arsenal juridique a été mis en place pour réglementer cette sexualité des mineurs par le droit criminel canadien et français et plus particulièrement, influencer le comportement des adultes face à ces derniers. Un élan trop pressant pour obtenir des faveurs sexuelles d’une personne de moins de dix-huit ans et l’infraction peut être constituée. Le mineur est entendu par le législateur comme la victime potentielle d’un adulte, considéré seul responsable et coupable, en raison de son état de vulnérabilité. C’est ainsi qu’il n’est pas permis à un majeur « d’éveiller les pulsions sexuelles [d’une] adolescente »248 ou de faire visionner à des mineurs des films ou cassettes à caractère pornographique249. Toutefois, les mineurs entre eux, du moins pour le droit pénal français,

et à partir de la majorité sexuelle pour le droit criminel canadien, peuvent découvrir la sexualité et toutes ces formes tant que les consentements sont mutuels. Finalement, ce qui est pénalement répréhensible est la découverte de la sexualité avec une personne majeure et le fait que certains comportements ne peuvent d’aucune manière être possible pour une personne vulnérable, dont le discernement n’est pas encore bien élaboré250. D’ailleurs, en droit canadien, il existe une distinction entre les types d’actes sexuels fondés sur l’âge.

246 Propos de Daniel BORRILLO, « Peut-on fouetter son partenaire s’il le demande? », (mars 2007) 7 Philosophie 50 : « Qu’est-ce donc alors qui justifie l’ingérence de l’État et la sanction brutale avec laquelle il intervient? Une certaine vision morale de la bonne sexualité ».

247 M. IACUB et P. MANIGLIER, préc., note 14, p. 222. 248 C.cass.crim., 1er fév. 1995, Bull.crim., n°43.

249 CA Paris, 12 fév. 1991, Juris-Data n°1991-020862; CA Besançon, 2 juin 1992, Juris-Data n°1992-044888 : cela constitue le délit d’incitation de mineur à la débauche.

250 Les auteurs Marcela IACUB et Patrice MANIGLIER précisent que « toute une série de comportements, comme le sexe en groupe, les jeux sadomasochistes, l’exhibitionnisme et le voyeurisme, la masturbation, y compris l’homosexualité dans certaines circonstances, sont autorisés entre adultes, mais interdits dès qu’un mineur de moins de dix-huit ans est en cause. Mais à travers cette protection des jeunes, notre société dit bien

Il ne faut pas non plus oublier le cas de la pornographie qui est interdite pour tout mineur. Il est donc impossible pour toutes personnes de fixer l’image sexuelle d’un individu de moins de dix-huit. Pourtant, il est reconnu depuis des années que les adolescents peuvent avoir une relation sexuelle consentante avec un adulte. Mais, il n’est toujours pas admis de représenter par quelques moyens que cela soit, cette activité sexuelle. En effet, elle serait alors qualifiée de pédopornographie, aussi bien en droit pénal français que canadien.

Le Code criminel canadien établit une exception relative aux relations sexuelles anales à l’article 159. Ce texte énonce que ces relations sont criminalisées, sauf pour celles ayant lieu dans l’intimité par les époux consentants ou par deux personnes âgées d’au moins dix- huit ans251. L’âge du consentement à des activités sexuelles n’est donc pas uniforme en raison de la présence de cette discrimination basée sur le type d’activité sexuelle. En d’autres termes, un adolescent peut avoir une relation sexuelle avec une autre personne, si et seulement si, elle correspond à un certain standard sexuel, à savoir une relation non anale. La jurisprudence canadienne décide, en général, que cette disposition est contraire à l’article 15 de la Charte canadienne252, mais il arrive qu’elle énonce l’inverse. Par exemple,

la Cour du Québec a conclu, dans l’affaire R. c. Roy253, que cette disposition n’était pas discriminatoire, puisqu’elle ne faisait pas de différence de traitement entre les personnes hétérosexuelles et homosexuelles dans son application et, que l’absence de consentement d’un mineur ne violait pas la Charte canadienne. Or, en appel254, les juges en ont décidé

tout autrement, puisqu’ils ont considéré que l’article en cause faisait une distinction discriminatoire entre la catégorie des adolescents de quatorze à dix-huit ans homosexuels et

aux adultes eux-mêmes qu’il y a certains actes qu’elle ne fait que tolérer » (préc., note 14, p. 224) (italiques tels que dans le texte initial).

251 C.crim., art. 159 (3) : « Les règles suivantes s’appliquent au paragraphe (2) : a) un acte est réputé ne pas avoir été commis dans l’intimité s’il est commis dans un endroit public ou si plus de deux personnes y prennent part ou y assistent; b) une personne est réputée ne pas consentir à commettre un acte dans les cas suivants : (i) le consentement est extorqué par la force, la menace ou la crainte de lésions corporelles, ou est obtenu au moyen de déclarations fausses ou trompeuses quant à la nature ou à la qualité de l’acte, (ii) le tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable qu’il ne pouvait y avoir consentement de la part de cette personne du fait de son incapacité mentale ».

252 Charte canadienne, préc., note 52, art. 15 : « (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. (2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques ».

253 R. c. Roy, [1995] R.J.Q. 282 (C.Q.).

les autres qui peuvent valablement consentir à des relations sexuelles. L’article 159 a, par conséquent, été jugé inconstitutionnel par le tribunal255.

Le droit pénal français, par contre, après une réforme, ne fait aucune discrimination selon les types d’actes sexuels256 en accord avec les articles 8 et 14 combinés de la Conv.EDH257. Ils sont tous soumis au même âge, à savoir quinze ans.

La personne de moins de dix-huit ans, à savoir le mineur ou l’enfant, est soumise à un régime juridique de protection hors du droit commun fondé sur la moralité dominante de la société du moment. En effet, ses spécificités physiques et psychologiques en font un individu vulnérable qui est traité par les législateurs canadiens et français de manière différente et souvent avec une pointe de moralité. Le problème majeur que rencontre la réglementation du réseau Internet, est le manque d’harmonisation de la définition du terme « mineur » et celui de son régime juridique. En effet, il existe une pléthore de majorités différentes, aussi bien au niveau civil qu’au niveau criminel. En règle générale, les législateurs reconnaissent une liberté sexuelle à certains mineurs, mais elle est encadrée, notamment en ce qui concerne les relations sexuelles avec un majeur. En effet, ce qui est inacceptable, est l’exploitation sexuelle et le fait de profiter d’un individu vulnérable. Néanmoins, le droit de la sexualité n’est pas toujours très rationnel notamment quand l’élément « mineur » vient s’y ajouter. La morale commence alors à apparaître et plus spécialement lorsque la pornographie vient s’y greffer. En effet, la pédopornographie entretient des liens avec, d’une part, la notion de « mineur », et d’autre part, celle de « pornographie » qui est une notion à contenu variable.

255 Dans le même sens : R. v. M. (C.), (1995) 23 O.R. (3d) 629, 27 W.C.B. (2d) 337, 98 C.C.C. (3d) 481 (C.A.); Halm c. Canada (Minister of Employment and Immigration), (1995) 26 W.C.B. (2d) 445 (C.F.); Voir : C. LUSSIER, préc., note 207, p. 111 et suiv.

256 D. BORRILLO, « Liberté érotique et « exception sexuelle », préc., note 231, p. 51 : « Depuis 1982, l’âge de la majorité sexuelle est le même pour les actes hétérosexuels et homosexuels »; « En effet, avant la loi n°82-683 du 4 août 1982, l’article 331, al.2, de l’ancien Code pénal incriminait les rapports homosexuels librement consentis entre un majeur et un mineur âgé de 15 à 18 ans, alors que, pour les mêmes âges, les rapports hétérosexuels, eux, ne l’étaient pas » (Damien ROETS, « L’influence des droits européens sur le droit pénal français de la sexualité », dans Olivier DUBOS et Jean-Pierre MARGUENAUD (dir.), Sexe, sexualité et droits européens : enjeux politiques et scientifiques des libertés individuelles, Paris, Éd. A. Pedone, 2007, p. 103-114, à la page 108).

Outline

Documents relatifs