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Chapitre 2: La « pornographie » : une notion à contenu variable

A) Les règles communes

Il existe une multitude de définitions selon les pays et les organismes qui reprennent de manière générale certains points. Nous prendrons comme définition de base, celle contenue dans la Convention sur la cybercriminalité427 puisque le Canada et la France l’ont signée et qu’elle impose aux États signataires de traduire dans leur ordre interne ses dispositions428. Ce texte définit la pédopornographie, dans son article 9, de la façon suivante :

« 2. Aux fins du paragraphe 1 ci-dessus, la « pornographie enfantine » comprend toute matière pornographique représentant de manière visuelle :

a. un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite;

b. une personne qui apparaît comme un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite;

c. des images réalistes représentant un mineur se livrant à un comportement sexuellement explicite. »

Il est évident que les termes qui sont au cœur de cette définition sont « comportement sexuellement explicite » et « mineur ». Autrement dit, « pornographie » et « mineur » composent la pédopornographie. La définition donnée par l’article 2 c) du Protocole

facultatif à la Convention internationale aux droits de l’enfant concernant la vente

427 Convention sur la cybercriminalité, préc., note 56. 428 M. JORET-BOHE, préc., note 70, p. 27.

d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants429

reprend quasiment les mêmes termes, mais elle est plus précise dans ce qu’il faut entendre par pédopornographie. En effet, ce texte à vocation répressive considère que c’est « toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d’un enfant s’adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d’un enfant, à des fins principalement sexuelles ». Par conséquent, la pédopornographie comprend aussi bien les « activités sexuelles explicites », ce qui se rapproche de l’expression « comportements sexuellement explicites », mais également les représentations suggestives d’organes sexuels d’une personne de moins de dix-huit ans. Cette distinction est également visible dans les définitions données par Interpol430, l’article 163.1 (1) du C.crim.431, l’article 20 de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels432 et l’article premier de la Décision-cadre

du 2004/68/JAI433 qui s’est inspirée du Protocole facultatif à la Convention internationale aux droits de l’enfant. En effet, tous font la différence entre, d’une part, les

« comportements sexuels explicites » ou « l’activité sexuelle explicite » et, d’autre part, les « organes sexuels ». En effet, comme nous l’avons précisé, un simple nu n’est pas considéré comme de la pornographie, car ce n’est pas un comportement sexuel explicite, sauf lorsqu’il présente un caractère lascif ou suggestif, il peut devenir pornographique. C’est pour cette raison que la distinction a été mise en place pour préciser le champ d’application de l’incrimination. Toutefois, ce type d’image évoque souvent un comportement sexuel du simple fait qu’elle est lascive ou suggestive.

429 Protocole facultatif à la Convention internationale aux droits de l’enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, préc., note 394.

430 « Représentation visuelle de l’exploitation sexuelle d’un enfant, qui met l’accent sur le comportement sexuel de l’enfant ou sur des organes génitaux » (en ligne : <www.interpol.int>); T. PANEPINTO, préc., note 55, p. 20; M.A. HEALY, préc., note 55, p. 2;M. NGALIKPIMA (dir.), préc., note 35, p. 15.

431 « 1) Au présent article, « pornographie juvénile » s’entend, selon le cas : a) de toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autre, réalisée ou non par des moyens mécaniques ou électroniques : (…) (ii) soit dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel, d’organes sexuels ou de la région anale d’une personne âgée de moins de dix-huit ans ».

432 « 2 Aux fins du présent article, l’expression « pornographie enfantine » désigne tout matériel représentant de manière visuelle un enfant se livrant à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé, ou toute représentation des organes sexuels d’un enfant à des fins principalement sexuelles » (préc., note 392).

433 « [T]out matériel pornographique représentant de manière visuelle : i) un enfant réel participant à un comportement sexuellement explicite ou s’y livrant, y compris l’exhibition lascive des parties génitales ou de la région pubienne d’un enfant » (Décision-cadre 2004/68/JAI, préc., note 87).

En outre, il paraît y avoir une certaine entente sur le choix des personnes qui peuvent en être victime. En effet, la Convention sur la cybercriminalité434 concerne aussi bien les

personnes mineures que celles qui apparaissent comme telles. Cela rejoint le dernier alinéa de l’article 227-23 du C.pén. qui reprend cette distinction435 inspirée de la Décision-cadre

du 2004/68/JAI436, ainsi que l’article 163.1 (1) du C.crim. explicité par l’arrêt R. c. Sharpe437. C’est ainsi que la pédopornographie est, de manière générale, de la pornographie, c’est-à-dire tout comportement sexuellement explicite, impliquant des mineurs, soit, en principe, toute personne de moins de dix-huit ans438 ou qui paraissent comme telle. Il s’agit d’une définition large qui amorce l’harmonisation des droits nationaux.

Toutefois, le droit canadien, dans sa définition de la pédopornographie à l’article 163.1 (1) du C.crim., met l’accent sur les actes à incriminés439 et s’avère encore plus précis dans le matériel à incriminer. En effet, est considéré également comme de la pédopornographie, « 2. la représentation dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel, d’organes sexuels ou de la région anale d’une personne âgée de moins de 18 ans (sous-al. 163.1 (1)a) (ii)) »440. Pour en rajouter, la pédopornographie comprend les activités sexuelles explicites et les organes sexuels, mais aussi la région anale d’un mineur. Le droit canadien se révèle plus détaillé que les autres définitions. Ce caractère s’explique notamment par le biais de la tradition juridique à laquelle est soumise le Canada. En effet, la première raison qui limite l’entente entre les pays est cette dichotomie entre les pays de

common law et civilistes. C’est pour cette raison que la définition du Code criminel canadien est plus détaillée et précise que celle des textes européens ou internationaux.

434 Convention sur la cybercriminalité, préc., note 56.

435 « Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d’une personne dont l’aspect physique est celui d’un mineur, sauf s’il est établi que cette personne était âgée de dix- huit ans au jour de la fixation ou de l’enregistrement de son image ».

436 « ii) une personne réelle qui paraît être un enfant participant ou se livrant au comportement visé au point i), ou iii) des images réalistes d’un enfant qui n’existe pas participant ou se livrant au comportement visé au point i) » (Décision-cadre 2004/68/JAI, préc., note 87, art.1er).

437 « 1. la représentation où figure une personne âgée de moins de 18 ans ou présentée comme telle et se livrant ou présentée comme se livrant à une activité sexuelle explicite (sous-al. 163.1(1)a)(i)) » (R. c. Sharpe, préc., note 30, § 35 et 36) ».

438 Convention sur la cybercriminalité, préc., note 56, art. 9, al.3 : « Aux fins du paragraphe 2 ci-dessus, le terme « mineur » désigne toute personne âgée de moins de 18 ans ».

439 Nous étudierons les actes incriminés plus loin dans notre développement (Infra, p. 216). 440 R. c. Sharpe, préc., note 30, § 36.

En outre, le terme « personne » contenu dans les dispositions de l’article 163.1 (1) du C.crim. a été interprété par les juges dans l’arrêt R. c. Sharpe441. Ils ont considérés que le mot faisait référence aussi bien aux personnes réelles que virtuelles, créées par images de synthèse442. En effet, les nouvelles technologies permettent la création ou la modification des images qui peuvent amener un certain réalisme. Ces images de synthèses ont vu le jour grâce à l’informatique ce qui a engendré de nouveaux comportements criminels. Le droit a alors dû le prendre en compte. Il en va de même pour la France qui, dans son article 227-23 du C.pén. par l’emploi des notions d’« image » et de « représentation d’un mineur », englobe ces deux types de matériel443. C’est ainsi que la pédopornographie, pour le droit canadien et français, est l’image ou la représentation de tous comportements sexuellement explicites impliquant une personne mineure ou représentée comme telle ou la représentation de ses organes sexuels ainsi que de sa région anale de manière sexuelle. Néanmoins, il faut apporter une précision, qui est, que tous les pays ne se sont pas accordés sur cette incrimination des personnes, aussi bien réelles que virtuelles. En effet, il existe encore quelques désaccords.

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