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Chapitre 1: Le terme « pédo » : le critère arbitraire de l’âge

A) Le contrôle des relations sexuelles avec des majeurs

En droit pénal français, comme en droit criminel canadien, le but poursuivi est la protection des mineurs dans les relations sexuelles engagées avec une autre personne, généralement un adulte, pour éviter toute exploitation sexuelle. Ce qui pose problème au fond est la sexualité entre un majeur et un mineur. C’est d’ailleurs la raison qui explique l’instauration d’une majorité sexuelle. En effet, le législateur veut éviter qu’un adulte profite de sa maturité pour exploiter ou abuser d’un adolescent. Par conséquent, les restrictions fondées sur l’âge sont émises dans le but de protéger le mineur. Toutefois, il existe un article dans le Code

criminel canadien qui interdit expressément l’exploitation sexuelle. Il s’agit de l’article 153

qui prévoit le cas de personnes adultes qui sont en situation d’autorité ou de confiance vis- à-vis d’un adolescent, lui-même en situation de dépendance ou dans une relation où il est exploité à des fins d’ordre sexuel235. Par contre, il est question de personnes en situation

234 Id., D. BORRILLO.

235 « (1) Commet une infraction toute personne qui est en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis d’un adolescent, à l’égard de laquelle l’adolescent est en situation de dépendance ou qui est dans une relation où elle exploite l’adolescent et qui, selon le cas : a) à des fins d’ordre sexuel, touche, directement ou indirectement, avec une partie de son corps ou avec un objet, une partie du corps de l’adolescent; b) à des fins

d’autorité à l’article 153.1 du même code pour les personnes majeures. Il semble donc a

priori acceptable d’exploiter sexuellement un adulte, mais aberrant lorsqu’elle est mineure,

ayant pourtant l’âge de la majorité sexuelle. En droit français, l’abus de position ou d’autorité est considéré comme une circonstance aggravante dans de nombreuses infractions236. Cela ne concerne pas seulement les mineurs, ce qui semble plus rationnelle juridiquement. En effet, l’exploitation sexuelle, qu’elle soit faite à un mineur ou à un majeur, devrait être jugée de la même manière, avec pour circonstance aggravante la minorité de l’autre personne.

Dans ces conditions, l’âge importe peu puisque ce qui compte, c’est le fait que la personne soit consentante et que l’autre personne ne profite pas de la faiblesse du mineur237. La simple présence d’un abus d’autorité, de confiance ou d’exploitation sexuelle suffit à qualifier l’acte d’infraction238. Alors pourquoi faire une distinction fondée sur l’âge pour protéger les mineurs? Il est clair qu’il faut un âge limite pour les relations avec les majeurs, mais rien ne justifie de faire une différence de traitement entre les mineurs, comme en droit canadien. Les infractions à caractère sexuel devraient leur être appliquées comme pour les majeurs, et peu importe les différences d’âges mises en place en droit canadien. C’est pour cette raison qu’il serait judicieux, comme le soutient le professeur Ann Stalker, d’insérer à l’article 265 (3) du C.crim.239 le critère de l’exploitation à la liste des facteurs qui vicient le consentement. Puisque ce qui est inacceptable, c’est seulement le fait qu’une personne exploite une autre personne sexuellement et, peu importe l’âge de ces dernières240. Il n’est,

par conséquent, « pas nécessaire de se baser sur une distinction fondée sur l’âge » 241.

d’ordre sexuel, invite, engage ou incite un adolescent à la toucher, à se toucher ou à toucher un tiers, directement ou indirectement, avec une partie du corps ou avec un objet ».

236 Par exemple : C. pén., art. 222-24; 222-28; 227-26; 227-27 et 222-31-1.

237 « La loi doit être axée sur l’activité et non pas l’âge des personnes impliquées. Si l’exploitation et les abus sont illégaux et criminels, l’âge importe peu » (Propos de M. Richard MARCEAU, dans CHAMBRE DES COMMUNES, Initiatives parlementaires concernant l’âge du consentement, préc., note 212).

238 C.crim., art. 151 et suiv.; R. c. Hann, (1992) 15 C.R. (4th) 355 (C.A.T.-N.); R. c. G.(T.F.), (1992) 11 C.R. (4th) 221 (C.A. Ont.); R. c. Audet, [1996] 2 R.C.S. 171, (1996) 48 C.R. (4th) 11 : le simple fait d’être en position d’autorité ou de confiance avec une mineure suffit pour qualifier l’acte d’infraction; La Reine c. S.L., 2005 CanLII 23956 (QC C.Q.); 2005 AZ-50322382 (C.Q.).

239 « (3) Pour l’application du présent article, ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison : a) soit de l’emploi de la force envers le plaignant ou une autre personne; b) soit des menaces d’emploi de la force ou de la crainte de cet emploi envers le plaignant ou une autre personne; c) soit de la fraude; d) soit de l’exercice de l’autorité ».

240 Ann STALKER, « LeGallant : Law Reform and the Charter », (1987) 54 C.R. (3d) 61. 241 C. LUSSIER, préc., note 207, p. 107 et suiv.

Le législateur canadien a préféré insérer un article qui permet au juge d’analyser la relation sexuelle de l’adolescent avec un majeur. Il s’agit de l’article 153 (1.2) C.crim. qui énonce,

« [l]e juge peut déduire de la nature de la relation entre la personne et l’adolescent et des circonstances qui l’entourent, notamment des éléments ci-après, que celle-ci est dans une relation où elle exploite l’adolescent :

a) l’âge de l’adolescent;

b) la différence d’âge entre la personne et l’adolescent; c) l’évolution de leur relation;

d) l’emprise ou l’influence de la personne sur l’adolescent. »

Cet article indique qu’il est possible pour un adulte, selon son âge et son lien avec l’adolescent, d’entretenir une relation sexuelle avec un adolescent. Les divers critères mis à la disposition du juge englobent une part importante de subjectivité. Il doit se fonder sur la nature et les circonstances de la relation en s’intéressant « à la conduite du prévenu à l’égard du jeune et non au fait que le jeune ou la victime aurait ou non consenti à cette conduite »242. Il est clair que l’aspect moraliste va sûrement resurgir, surtout lorsque nous avons à faire à des mineurs et que l’objectif principal de la loi est de les protéger. Toutefois, ces dispositions reflètent bien notre société contemporaine, puisque les personnes mineures d’aujourd’hui pratiquent des actes sexuels de plus en plus jeunes et parfois, avec des personnes plus vieilles qu’elles. Toutefois, le mineur est systématiquement la victime dans cette relation et la personne majeure le prévenu. Or, de nos jours, de nombreux jeunes deviennent entreprenants sexuellement et plus spécialement, sur le réseau Internet ce qui pose certains problèmes. Ce texte n’a pas de corollaire en droit français. En outre, ces dispositions pourraient, si la majorité sexuelle n’était que relative comme pour le droit français, être applicables pour déterminer la légalité des relations sexuelles entre mineurs, puisque ce qui nous préoccupe vraiment est l’exploitation sexuelle de toutes les personnes, dans son sens le plus large possible.

Par conséquent, les adolescents possèdent le droit de consentir à des actes sexuels émis par des adultes, mais selon les conditions prévues par la loi. Cette dernière prévoit également

242 CHAMBRE DES COMMUNES, Initiatives ministérielles relative à Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d’autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve (Projet de loi C-2), Compte rendu officiel, 38e législature, 1ère session, 8 oct. 2004, en ligne : Parlement du Canada <http://www.parl.gc.ca/>, (consulté le 23 sept. 2009), p. 36; CHAMBRE DES COMMUNES, Discours du parrain à la deuxième lecture du Projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d’autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada, préc., note 212. Le tribunal doit s’intéresser à la conduite de la personne majeure, du prévenu, à l’égard du jeune, la victime et, non plus au consentement.

les gestes jugés acceptables qu’un adulte peut proposer ou faire à une personne mineure. La liberté sexuelle accordée aux adolescents est donc bien encadrée.

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