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Chapitre 2: La « pornographie » : une notion à contenu variable

A) Les critères objectifs de la pornographie

Le terme « pornographique » représente un concept social qui est imprégné par les valeurs de chacun. Il est donc difficile de trouver une définition qui soit objective. Toutefois, nous allons essayer de dégager certains critères découlant du droit criminel canadien et français. Il s’agit d’un comportement sexuellement explicite (1) représenté dans un contexte à dominance sexuel (2).

1) Un comportement sexuellement explicite

Le droit criminel canadien et français, même en l’absence de définition légale, sont néanmoins en accord sur le fait que la pornographie représente un « comportement sexuellement explicite »346. Il s’agit donc de définir ce terme d’une manière descriptive en

se référant seulement à du matériel sexuellement explicite347. La Convention sur la

cybercriminalité348 est une bonne illustration du manque d’entente sur la notion de

pornographie, puisqu’elle n’en donne pas et laisse chaque pays l’interpréter selon ses propres normes de droit interne349. Autrement dit, selon leur conception nationale de la sexualité. Toutefois, des éléments de réponse sont présents dans son Rapport explicatif en ce qui concerne l’article relatif à la pédopornographie350 qui a tendance, au contraire, à

346 L’auteur Philippe BENSIMON définit la pornographie comme « une représentation explicite du comportement sexuel d'une ou de plusieurs personnes à des fins mercantiles (le contraire serait sans aucun intérêt pour tous ceux qui la produisent), il est intéressant de noter que toute représentation sexuelle explicite ne relève pas nécessairement d'un contexte pornographique » (préc., note 229, p. 44). Par contre, Alain GIAMI considère que « la pornographie n’est pas considérée comme une représentation, comme un fiction de la sexualité, mais bien comme une forme d’activité sexuelle elle-même » (« Pornographie (I, 1) : Que représente la pornographie? », préc., note 173, p. 49).

347 Voir : Karina BARBE, La consommation de pornographie chez des adolescents et les attitudes envers les jeunes filles et la sexualité, les comportements de violence dans les fréquentations ainsi que les comportements de harcèlement sexuel, Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté des sciences sociales,

Université Laval, 2001, en ligne : ProQuest

<http://proquest.umi.com/pqdweb?did=766163331&sid=1&Fmt=2&clientId=48948&RQT=309&VName=P QD>, (consulté le 23 sept. 2009), p. 4.

348 Convention sur la cybercriminalité, préc., note 56.

349 « [L]’expression « matière pornographique » figurant au paragraphe 2 doit être interprétée conformément aux normes de droit interne concernant la classification du matériel comme obscène, incompatible avec les mœurs publiques ou ayant à un autre titre un effet pervers. Il s’ensuit que le matériel présentant un intérêt artistique, médical, scientifique, etc., pourra être considéré comme n’étant pas pornographique » (COMITÉ DES MINISTRES DU CONSEIL DE L'EUROPE, Rapport explicatif de la Convention sur la cybercriminalité (STE n° 185), 8 nov. 2001, § 99, en ligne : <http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/185.htm>, (consulté le 23 sept. 2009)).

réunir les pays. En effet, l’expression « comportement sexuellement explicite » est définie par ce texte. C’est ainsi qu’elle

« désigne au moins l’un ou l’autre des comportements réels ou simulés suivants : a) relations sexuelles – y compris génito-génitales, oro- génitales, ano-génitales ou oro-anales – entre mineurs ou entre un mineur et un adulte, du même sexe ou de sexes opposés; b) zoophilie; c) masturbation; d) violences sado-masochistes dans un contexte sexuel; e) exhibition lascive des parties génitales ou de la région pubienne d’un mineur. Le fait que le comportement représenté soit réel ou simulé n’entre pas en ligne de compte. » 351

Par conséquent, il s’agit de l’ensemble des activités sexuelles, de manière très large, qu’elles soient simulées ou non. En effet, ce dernier caractère n’a pas besoin d’être réel ou non pour être considéré comme sexuel. Cela rejoint l’expression « activité sexuelle explicite » de l’article 163.1 (1) du C.crim. relatif à la pédopornographie. Elle comprend, selon l’arrêt R. c. Sharpe, un large éventail d’activités, comme les « actes, considérés objectivement, se situant à l’extrémité de l’éventail des activités sexuelles, à savoir les actes comportant la nudité ou des activités sexuelles intimes, représentés de manière détaillée et non équivoque » 352. Ainsi, tous les comportements sexuels explicites entre personnes de même sexe ou de sexe opposés, avec ou sans objets ou animaux, représentent de la pornographie. C’est ainsi que la distinction avec l’érotisme n’a plus vraiment de raison d’être, puisque toutes activités mettant en scène de la sexualité seraient de la pornographie. En considérant tous les comportements en rapport avec la sexualité comme de la pornographie, cela rejoint le sens étymologique du mot « pornographie ». En effet, il vient du grec et il est composé du substantif « pornê », signifiant des prostituées qui vendaient leur corps, et du verbe « graphien », signifiant l’acte d’écrire ou de représenter. Il s’agit

351 Cette description est très similaire à celle contenu dans le texte de la loi américaine luttant contre la pédopornographie, la Prosecutorial Remedies and Other Tools to end the Exploitation of Children Today Act (Protect Act 2003) (texte en ligne: <http://judiciary.senate.gov/special/S151CONF.pdf>, (consulté le 23 sept. 2009)): section 504, § 1466A « (a) IN GENERAL.—Any person who, in a circumstance described in subsection (d), knowingly produces, distributes, receives, or possesses with intent to distribute, a visual depiction of any kind, including a drawing, cartoon, sculpture, or painting, that— ‘‘(1)(A) depicts a minor engaging in sexually explicit conduct; and (B) is obscene; or (2)(A) depicts an image that is, or appears to be, of a minor engaging in graphic bestiality, sadistic or masochistic abuse, or sexual intercourse, including genital-genital, oral-genital, anal-genital, or oral-anal, whether between persons of the same or opposite sex; and (B) lacks serious literary, artistic, political, or scientific value; or attempts or conspires to do so, shall be subject to the penalties provided in section 2252A(b)(1), including the penalties provided for cases involving a prior conviction ».

ainsi de « la représentation de femmes qui vendent leur corps pour de l’argent »353. Le rapport avec la sexualité est clairement mentionné.

Toutefois, certains auteurs soutiennent que la pornographie est « une représentation explicite du comportement sexuel d’une ou de plusieurs personnes à des fins mercantiles (le contraire serait sans aucun intérêt pour tous ceux qui la produisent), il est intéressant de noter que toute représentation sexuelle explicite ne relève pas nécessairement d’un contexte pornographique »354. Or, comme nous l’avons mentionné, toute représentation sexuelle explicite est de la pornographie ou de l’érotisme, selon les auteurs, mais, dans tous les cas, cela reste un comportement sexuellement explicite. Peut-être que la solution, comme le souligne certains auteurs, seraient d’enlever du langage juridique le terme pornographie pour éviter certaines ambiguïtés355.

Par conséquent, le champ d’application de la pornographie est plus vaste, car il regroupe toutes les choses sexuelles. Dans ces conditions, toutes représentations d’organes sexuels féminins ou masculins constituent de la pornographie, ainsi que la partie anale d’une personne. Il en va de même de toutes pénétrations de n’importe quelle forme, naturelle ou avec un objet, et de toutes représentations lascives ou suggestives, car elles ont un certain caractère sexuel et qu’elles sont souvent dans un contexte lui-même relié à la sexualité. D’où, l’importance du second critère.

2) Dans un contexte à dominance sexuelle

Pour qu’un document ou une image soit qualifié de « pornographique », il faut qu’ils représentent des choses sexuelles, mais également que le contexte soit à dominance sexuelle. Cette expression « contexte à dominance sexuelle » rejoint, sur certains aspects, celles qui sont utilisées en droit criminel canadien, à savoir le « but sexuel » et la « caractéristique dominante », contenues dans l’article 163.1 (1) du C.crim. En effet, ces deux notions ont été interprétées par les tribunaux dans de nombreuses décisions, dont la plus connue est l’affaire R. c. Sharpe. Les juges en ont déduit qu’

353 R. OGIEN, préc., note 225, p. 23; N. CAMPAGNA, préc., note 61, p. 39-41. 354 P. BENSIMON, préc., note 229, p. 44.

« [i]l s’agit de déterminer si une personne raisonnable qui considérerait la représentation de manière objective et en contexte conclurait que sa « caractéristique dominante » est la représentation des organes sexuels ou de la région anale de l’enfant. Il en va de même de l’expression « dans un but sexuel », qui s’entend (…) de ce qui est raisonnablement perçu comme visant à stimuler sexuellement certaines personnes. »356

Autrement dit, « il n’y a représentation pornographique que dans la mesure où le fait de susciter l’excitation est envisagé comme une finalité explicite de ces représentations »357. En effet, cette condition permet de distinguer certaines images ou comportements qui pourraient être considérés comme de la pornographie du fait de la présence d’éléments sexuels. Par exemple, certains contacts sexuels, même si à connotation sexuelle, peuvent être anodins, comme les attouchements, les baisers et les étreintes358. Dans ce cas précis, ils ne rentrent pas dans le champ d’application. Par contre, dès que le contexte est à dominance sexuelle, ces contacts peuvent devenir pornographiques359.

Cette condition n’est, toutefois, pas une condition nécessaire et suffisante. En effet, une image représentant des organes sexuels restent pornographiques de manière objective, mais c’est le contexte à dominance sexuelle qui viendra en quelque sorte appuyer ce caractère pornographique. C’est ainsi, pour reprendre l’exemple du tableau de Gustave Courbet, « L’Origine du Monde », que tous les comportements sexuellement explicites, tels que des organes sexuels féminins, sont objectivement pornographiques, mais que le contexte n’est pas à dominance sexuelle, ce qui lui confère ce droit d’être exposé dans un Musée et ainsi d’obtenir le titre d’« œuvre d’art ».

Il faut donc faire une différence entre les nus. En effet, un nu sera considéré comme pornographique s’il se trouve, par exemple, dans un répertoire dont la dominance est la représentation de choses sexuelles ou qu’il possède une légende à caractère pornographique360. En d’autres termes, les représentations des organes sexuels ou de la

356 R. c. Sharpe, préc., note 30, § 50.

357 M.M. MARZANO-PARISOLI, préc., note 306, p. 94. 358 R. c. Sharpe, préc., note 30, § 49.

359 Id.; Par exemple, « la disposition pourrait s’appliquer à une bande vidéo dans laquelle les seins nus d’une adolescente sont caressés, mais seulement si l’activité est représentée de manière détaillée et revêt indéniablement un caractère sexuel ».

360 Id., § 51: « Placer la photo dans un album de photos à caractère sexuel et ajouter une légende à connotation sexuelle est susceptible d’en modifier le sens et de faire en sorte qu’un observateur objectif et raisonnable considérera que sa caractéristique ou fin dominante est indéniablement sexuelle » (R. c. Hurtubise, préc., note 317; R. c. Fontaine, préc., note 317).

région anale du mineur doivent être faites dans un but sexuel qui doit être la caractéristique dominante de la représentation. Dans ces conditions, le critère du « contexte » prend toute son importance. Il faut qu’il soit propice à la sexualité et à tout ce qui s’y rapporte de près ou de loin. Un simple nu n’est pas, a priori, de la pornographie, sauf lorsqu’il se trouve dans un « contexte à dominance sexuelle ». En effet, la nudité, celle qui ne fait que représenter le corps dans son ensemble sans poses lascives ou suggestives, ne constitue pas, en principe, un comportement sexuellement explicite. Il en sera différemment dès que le caractère sexuel apparaîtra. Il est donc nécessaire que ce caractère sexuel soit la caractéristique dominante de la représentation pour ne pas incriminer certaines d’entre-elles qui n’auraient pas de but sexuel. Une part importante de subjectivité est présente, puisque chaque personne aurait une interprétation différente en ce qui concerne ces représentations.

D’ailleurs, de nos jours, le corps a tendance à être utilisé pour toutes sortes de produits de consommation. Les campagnes publicitaires peuvent parfois avoir recours à des représentations sexualisées du corps du mineur361. En effet, ils sont représentés dans des poses explicitement sexuelles pouvant être considérées, pour certains, comme pornographiques. Le sexe est devenu un moyen pour vendre des produits et, fait indiscutablement partie de la vie quotidienne. Il est alors important de faire certaines distinctions importantes, car de nombreuses publicités, jeux vidéo ou autres représentations pourraient être considérées comme de la pédopornographie.

En résumé, la pornographie, de manière objective et descriptive, est la représentation d’un comportement sexuellement explicite qui se déroule, la plupart du temps, dans un contexte à dominance sexuelle. Or, il faut à présent faire une autre distinction, à savoir que toute pornographie n’est pas légale en raison de certains comportements considérés par la société et le législateur comme inacceptables et, dont la sanction est la censure juridique.

361 « La pornographie en ligne n’est qu’un aspect d’un problème plus large, celui d’une société où une représentation sexualisée des jeunes sert de plus en plus à vendre tout et n’importe quoi, des parfums aux vêtements » (RÉSEAU ÉDUCATION-MÉDIAS, Connaître les dangers – Pornographie, dossier Pour les enseignants : la toile et les jeunes : naviguer en toute sécurité, en ligne : <http://www.media- awareness.ca/francais/enseignants/toile_enseignants/toute_securite_enseignants/dangers_pornographie.cfm>, (consulté le 23 sept. 2009)).

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