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Chapitre 1: Le terme « pédo » : le critère arbitraire de l’âge

B) Des aménagements législatifs ou jurisprudentiels : une cacophonie de capacité

1) Un âge différent selon les actes

Comme nous l’avons déjà mentionné, il existe un certain nombre d’âges différents au sein de la catégorie des mineurs qui entraîne, soit une responsabilité, soit une extension de ses droits137. Selon « un seuil prédéterminé, basé sur un âge à partir duquel l’enfant est présumé

Session extraordinaire des Nations Unies consacrée aux enfants de mai 2002, préc., note 124, p. 6). Voir : Loi sur la protection de la jeunesse (préc., note 67) qui expose les droits de l’enfant aux articles 2.2 et suiv. 134 C.c.Q., art. 33 : « Les décisions concernant l’enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits. Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation ».

135 R. JOYAL, préc., note 132, p. 90. 136 C. BERNARD, préc., note 104, p. 3. 137 Supra, p. 22.

posséder la capacité nécessaire pour accomplir certains actes »138, il est admis que la personne mineure exerce quelques uns de ses droits civils, notamment dans les cas prévus par la loi ou la jurisprudence. Cet âge diffère d’un pays à l’autre. Au Québec, il est de quatorze ans ou de seize ans selon les actes à effectuer, et seulement de seize ans pour la France, mais avec des tolérances importantes. Il s’agit en général de l’âge de l’émancipation, seize ans, qui permet d’accroître la capacité du mineur (a). Des les autres cas, il s’agit juste d’un âge qui permet de faire un certain type d’actes qui sont prévus ou tolérés par le droit (b).

a) L’âge de l’émancipation : une pleine capacité

En droit québécois, il existe deux sortes d’émancipations. La première est dite pleine et correspond à celle prévue par le droit civil français. Elle a pour but de donner les mêmes droits civils que ceux prévus pour un majeur139. La personne mineure n’est alors plus soumise à l’autorité parentale140, puisqu’elle est assimilée à une personne adulte. Par contre,

la seconde est dite simple. Elle est plus restrictive. En effet, la personne mineure possède un statut intermédiaire, à savoir qu’elle n’est plus assujettie à l’autorité parentale141, mais elle « ne met pas fin à la minorité »142. Elle peut, toutefois, faire plus d’actes juridiques que les simples mineurs du fait de son émancipation, même simple.

b) L’âge des actes de la vie courante : une incapacité partielle

Le mineur n’est pas totalement incapable. Il est seulement soumis à une incapacité partielle puisque le législateur et, parfois les tribunaux, lui confèrent la faculté de passer certains

138 C. BERNARD, préc., note 104, p. 3.

139 C.c.Q., art. 176 : « La pleine émancipation rend le mineur capable, comme s’il était majeur, d’exercer ses droits civils »; C.civ.fr., art. 481 (nouveau 413-6) : « Le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile. Il doit néanmoins, pour se marier ou se donner en adoption, observer les mêmes règles que s’il n’était point émancipé ».

140 C.civ.fr., art. 482 (nouveau 413-7) : « Le mineur émancipé cesse d’être sous l’autorité de ses père et mère. Ceux-ci ne sont pas responsables de plein droit, en leur seule qualité de père ou de mère, du dommage qu’il pourra causer à autrui postérieurement à son émancipation ».

141 C.c.Q., art. 171 : « Le mineur émancipé peut établir son propre domicile; il cesse d’être sous l’autorité de ses père et mère ».

142 C.c.Q., art. 170 : « L’émancipation ne met pas fin à la minorité et ne confère pas tous les droits résultant de la majorité, mais elle libère le mineur de l’obligation d’être représenté pour l’exercice de ses droits civils».

actes juridiques143. C’est ainsi que l’article 156 du C.c.Q. prévoit que « [l]e mineur de quatorze ans et plus est réputé majeur pour tous les actes relatifs à son emploi, ou à l’exercice de son art ou de sa profession ». En d’autres termes, à partir de cet âge, le mineur a une certaine capacité pour prendre des engagements qui sont en rapport seulement avec les domaines cités144. Dans les autres cas, il ne peut pas valablement passer un acte juridique.

Il en va de même pour les autres mineurs, puisque l’article 157 du même texte, dont son corollaire est l’article 389-3 dans le C.civ.fr.145, énonce que « [l]e mineur peut, compte tenu de son âge et de son discernement, contracter seul pour satisfaire ses besoins ordinaires et usuels ». En outre, il peut également gérer « le produit de son travail et les allocations qui lui sont versées pour combler ses besoins ordinaires et usuels »146. Il est clair que le législateur accorde au mineur un certain nombre de droits qui sont définis, soit par la loi147, soit par la jurisprudence. C’est ainsi qu’il a été considéré, par les tribunaux, comme un « besoin ordinaire et usuel », le fait de signer un bail résidentiel pour un mineur de dix-sept ans148, de faire partie de plein droit d’un syndicat professionnel pour un mineur âgé de seize ans et plus, sinon il devra se faire représenter par son tuteur légal149 et de souscrire une promesse unilatérale de somme d’argent pour éteindre une dette150. Par contre, selon le

droit français, il ne peut pas acheter une voiture car cela ne correspond pas à un acte de la vie courante151, ni ouvrir un compte bancaire152 ou passer une convention relative aux droits

143 C.c.Q., art. 155 : « Le mineur exerce ses droits civils dans la seule mesure prévue par la loi ». 144 Banque de Montréal c. Ravi Jaipuria et une autre, [1981] C.S. 321.

145 « L’administrateur légal représentera le mineur dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes ».

146 C.c.Q., art. 220.

147 Par exemple, au Québec : Loi sur les banques, art.437 (droit d’ouvrir un compte en banque); Loi sur l’aide financière aux étudiants, art.17 (le droit de contracter un emprunt à titre d’étudiant). En France : dès l’âge de douze ans, possibilité d’ouverture d’un Livret jeune (Loi du 12 avril 1996, art. 28) et droit d’y déposer des sommes sans intervention du représentant légal (Code monétaire et financier, art. L221-24); Dès l’âge de quatorze ans, le droit de travailler pendant la moitié des vacances scolaires (Code du travail, art. L.211-1, al. 4); Dès l’âge de seize ans, le droit de conduite un tracteur agricole ou forestier (Code de la route, art. R221- 20), de conduire une voiture dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite (la conduite accompagnée) (Code de la route, art. R 211-5), d’acheter ou de recevoir des boissons alcoolisées de seconde catégorie (vin, bière, cidre) dans les débits de boisson et tous commerces ou lieux publics (Code de la santé publique, art. L3342-1).

148 Solnica c. Alleyn, [1994] J.L. 200 (R.L.); Immeubles Le Particulier Inc. c. Gourdeau, [1996] J.L. 141 (R.D.L.).

149 Union des artistes c. Société Radio-Canada, [1980] C.S. 1009, J.E. 80-977. 150 TI Montmorillon, 19 mai 1982, J.C.P.1984.II.20219, note Montanier. 151 C.cass. civ., 9 mai 1972, Bull.civ. I, n°122; R.1971-1972, p. 13.

de la personnalité, comme le droit à l’image153. Dans ce cas, un parallèle peut s’effectuer avec la sexualité et notamment sa représentation. En effet, elle est soumise au droit à l’image. Elle ne fait donc pas partie des actes de la vie quotidienne.

En outre, avec l’essor des nouvelles technologies de l’information, le mineur est plus souvent sollicité pour l’achat de divers objets comme les téléphones cellulaires154, l’achat d’un ordinateur, de musique sur le réseau Internet155 ou le paiement d’un abonnement à Internet. Ces actes juridiques sont considérés comme faisant partie des actes courants de la vie quotidienne par la jurisprudence qui essaie de s’adapter aux évolutions sociales. C’est ainsi que les juges français considèrent qu’une convention conclue par un mineur, dès lors qu’il a assez de discernement, est valable, si et seulement si, elle a été conclue à des conditions normales avec une valeur pécuniaire faible, qu’elle est autorisée par l’usage et qu’elle est couramment effectuée par un de ses pairs agissant seul156. Cela leur laisse ainsi

une certaine autonomie décuplée par l’arrivée d’Internet qui leur concède encore plus de liberté, alors que les contrôles sont de plus en plus difficiles. Or, les deux codes civils, français et québécois, ne prennent pas en compte cette évolution et ils laissent toute la responsabilité aux parents lorsque des dommages ont été engendrés par leurs progénitures, même en l’absence de faute. Il est donc difficile de trouver le juste milieu entre les droits accordés aux mineurs et l’autorité parentale.

2) La conciliation avec l’autorité parentale : la responsabilité civile et

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