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Chapitre 2: La « pornographie » : une notion à contenu variable

B) Les comportements justifiant la censure juridique

2) La protection des personnes vulnérables

Le but premier de cette protection est indéniablement celui de protéger les personnes vulnérables370 de certains comportements sexuels, aussi bien en tant qu’acteur (a) qu’en tant que spectateur (b).

a) Contre l’exploitation de la faiblesse

En règle générale, ce groupe représente les mineurs qui, comme nous l’avons déjà fait remarquer dans nos développements précédents, « ont besoin de protection, plus que toute autre catégorie de personne »371. C’est ainsi que les comportements sexuellement explicites peuvent avoir des effets négatifs sur leur développement physique ou psychique. En effet, ils ne possèdent pas, en principe, les caractéristiques nécessaires pour pratiquer une quelconque activité sexuelle. Tout dépend de l’âge et de la maturité du mineur, puisque certains peuvent avoir la majorité sexuelle.

Dans tous les cas, le législateur a pour mission de protéger les personnes qui sont dans l’incapacité de consentir à des actes sexuels et encore plus, lorsqu’il s’agit d’exploitation

2009), p. 45 et 46). Toutefois, le Conseil d’État est venu apporter une précision à savoir que constitue un message pornographique et d’incitation à la violence, un film montrant une succession de scène de grande violence et de scènes de sexe non simulées. (CE 30 juin 2000, préc., note 311).

370 Le terme « vulnérabilité » « est plutôt récent, puisqu’il est né avec notre modernité, plus précisément autour du XIXe siècle » (Bjarne MELKEVIK, Considérations juridico-philosophiques, Québec, Les presses de l’Université Laval, 2005, p. 5-7).

sexuelle. Le droit vient ainsi protéger les personnes vulnérables qui sont dans l’impossibilité de se protéger toutes seules et sont plus faibles pour refuser toutes implications dans une activité sexuellement explicite. Par conséquent, ce qui n’est pas acceptable, c’est l’exploitation des faiblesses d’une personne, notamment lorsqu’elle est sexuelle, puisqu’elle ne peut, en aucun cas, donner un consentement éclairé et sain372, tel est, d’ailleurs le cas, en ce qui concerne les documents mettant en scène sexuellement des mineurs. Ces derniers sont interdits aussi bien par le droit criminel canadien que français, comme nous le verrons de manière plus détaillée dans notre étude.

b) Contre la diffusion de comportements sexuellement explicites

En outre, l’interdiction concerne également le fait de diffuser des comportements sexuellement explicites devant ces personnes vulnérables, les mineurs, en raison de leur manque de maturité et cette possibilité de les perturber par ces comportements373. Autrement dit, la publicité de certains contenus peut être nuisible ou préjudiciable aux mineurs qui pourraient être troublés dans leur imagination374. C’est ainsi que depuis des

années, la pornographie est considérée comme inadaptée à la jeunesse375 qui doit en être protégée, comme elle l’est également contre toutes sortes de violences376. C’est pour cette raison que l’article 227-24 du C.pén. interdit que la pornographie et la violence, mais aussi les messages portant atteinte à la dignité humaine, ne soient susceptibles d’être vus ou

372 Un problème se pose quant au principe de l’autonomie personnelle reconnue par le droit à l’égard de cette protection contre l’exploitation de la vulnérabilité. En effet, nous verrons qu’au nom de cette dernière, le législateur suivi par les juges, peuvent décider de ne pas tenir compte du consentement de la personne, libre sexuellement, aux motifs qu’elle présente une certaine vulnérabilité qui se traduit par « la tentation de tronquer « autonomie » contre « sécurité » sous forme d’hétéronomie » » (B. MELKEVIK, préc., note 370, p. 9-11).

373 Voir : Laurent GUYÉNOT, Le livre de l’industrie rose: De la pornographie à la criminalité sexuelle, Paris, Auzas Éditeurs Imago, 2000.

374 O. LEROUX, préc., note 299, 18 : « La notion de « publicité » doit être entendue ici dans son sens large : tout moyen permettant de porter l’offre à la connaissance d’autrui tombe sous le coup de l’incrimination, sans distinction quant au support de publicité utilisé ».

375 Par exemple, les publications destinées à la jeunesse ont toujours été contrôlées (France: Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, J.O. 19 juil. 1949, en ligne : <http://www.legifrance.gouv.fr>, (consulté le 23 sept. 2009), (ci-après « Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 »)). 376 J. THORAVAL (dir.), préc., note 112, p. 43 et suiv. ; Christian FÉRAL-SCHUHL, Le Cyberdroit, le droit à l’épreuve de l’Internet, 4éme éd., Paris, Dalloz, 2006, chapitre 135; E. DREYER, préc., note 311, p. 414- 420; ECPAT International, La violence contre les enfants dans le cyberespace, Une contribution à l’Étude mondiale des Nations Unies sur la violence à l’égard des enfants, Bangkok, sept. 2005, en ligne : <http://www.ecpat.net/EI/Publications/ICT/Cyberspace_FRE.pdf>, (consulté le 23 sept. 2009) ; C. BRISSET, préc., note 369.

perçus par des mineurs, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support377. En d’autres termes, ces messages représentent un danger potentiel pour ces personnes, notamment lorsque les nouveaux médias, comme le réseau Internet, sont utilisés comme moyen de diffusion378. En effet, en droit français, il est érigé en circonstance aggravante lorsqu’il sert à la commission de certaines infractions, comme celle de la corruption de mineur379, du proxénétisme380 ou de la diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique381.

Ces divers types de messages sont considérés comme étant particulièrement choquants pour les personnes mineures382. Toutefois, aucune étude ne l’a véritablement prouvé. En effet, elles ont tendance à se contredire383. Il est difficile de savoir quels sont les réels effets de la pornographie sur le comportement des mineurs, à part celui d’imiter les faits et gestes des personnes majeures384. Ils reproduisent les actes sexuels qu’ils perçoivent sur les différents supports. C’est ainsi que tout le matériel pornographique trouvable sur Internet devient en quelque sorte le « professeur » en éducation sexuelle de ces jeunes. D’ailleurs, ils pensent que la pornographie représente la réalité des comportements sexuels à adopter dans une relation sexuelle385. C’est ainsi que le réseau est devenu un moyen pour ces derniers d’exprimer leurs désirs sexuels en reproduisant les comportements sexuels. Il ne faut pas oublier que l’apprentissage chez l’adolescent s’effectue par l’imitation de l’adulte, son modèle386. C’est pour cette raison que même en l’absence de lien de cause à effet entre la

377 Son corollaire en droit criminel canadien pourrait être l’art. 163 C.crim.. En effet, ce texte incrimine les la corruption des moeurs. Voir : E. DREYER, préc., note 311, p. 433 et suiv.

378 MINISTÈRE DE LA JUSTICE DE LA FRANCE, Exposé des motifs du projet de Loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, Paris, Juin 2001, en ligne : <http://www.justice.gouv.fr>, (consulté le 23 sept. 2009).

379 C.pén., art. 227-22. 380 C.pén., art. 225-7. 381 C.pén., art. 227-23.

382 Ruwen OGIEN, dans son ouvrage Penser la pornographie (préc., note 225, p. 128 et suiv.), essaie de démontrer le contraire et demande s’il ne serait pas mieux d’apprendre aux mineurs à les supporter.

383 Id., p. 133–139; « L’ennui est qu’aucune étude sérieuse n’a jamais réussi à montrer, ni en France ni à l’étranger, le moindre lien de causalité entre l’exposition des jeunes à ces films et des comportements dangereux, voire de simples « dommages psychiques » (M. IACUB et P. MANIGLIER, préc., note 14, p. 228-229). Voir : E. DREYER, préc., note 311, p. 413.

384 M. MARZANO et C. ROZIER, préc., note 12, p. 99 et suiv; ECPAT International, préc., note 376, p.26 ; K. BARBE, préc., note 347.

385 Voir : M. MARZANO et E. JEZ, préc., note 17, p. 88.

386 Le problème est que les films pornographiques ont tendance à montrer la domination masculine dans la relation sexuelle. Or, les adolescents recherchent un modèle, afin de pouvoir s’y identifier. Ils ont ainsi une fausse image de la sexualité où l’idée de performance est beaucoup plus présente. Voir : M. MARZANO et C. ROZIER, préc., note 12.

pornographie et du danger sur le développement physique et psychique du mineur, le législateur a choisi de faire de la prévention pour limiter ce genre de matériel387. Il est donc clair qu’il s’agit de préserver, avant toute chose, la moralité des personnes mineures de certains contenus, notamment à caractère sexuel388.

Le critère de la diffusion devient important car, selon le public, les documents seront interdits. Le juge se fonde désormais principalement sur « l’effet que peut avoir l’image sur le spectateur, et plus particulièrement la jeunesse »389. En d’autres termes, il s’agit de protéger le regard du mineur de certains contenus jugés inadaptés pour sa personne et qui pourrait frapper son imagination. Il s’agit, en quelque sorte, de le protéger d’actes immoraux. La notion de « pornographie » semble donc être « une notion à géométrie variable dépendant du sujet impliqué (…) mais qui (…) fait entrer la matière dans une zone très subjective »390.

Section2: L’association de « pédo » et « pornographie » : un consensus possible

Dans le contexte d’Internet, cette absence d’entente sur la signification du terme « pornographie », aussi bien au niveau national qu’international, entraîne un certain flou juridique qui profite plus spécialement aux auteurs de l’infraction de pédopornographie. Cette dernière fait référence indéniablement au premier terme, à la différence qu’elle ne s’applique qu’au matériel mettant en scène sexuellement des mineurs. Il s’agit donc de protéger les personnes jugées incapables et vulnérables. Un paradoxe apparaît, à savoir que le terme « pédopornographie » possède une définition consensuelle, contrairement à celui de « pornographie ». Or, les deux termes sont indéniablement reliés. C’est pour cette raison que nous pouvons déduire la définition de l’une par rapport à l’autre. Néanmoins, la notion de « pédopornographie » n’est pas aussi claire et précise qu’elle n’y paraît. En effet, il existe une certaine interchangeabilité des notions qui entraîne une réelle confusion (I),

387 « Personne ne nie la nécessité d’assurer la protection de l’enfance et de l’adolescence parce qu’il s’agit de moments de l’existence où la personne se construit, où les repères ne sont pas encore assurés, un âge qui est une passe dangereuse » (E. DREYER, préc., note 311, p. 41).

388 O. LEROUX, préc., note 299, p. 17. 389 C.cass.crim, 5 fév. 1974, préc., note 302.

même si un début d’harmonisation voit le jour, puisque l’objectif premier, la protection des mineurs, est partagé et légitime (II).

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