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Chapitre 1: Le déclin de l’ordre public de direction au profit d’un nouvel ordre public

B) La distinction fondamentale : le parallèle avec l’ordre public

2) La dignité personnelle : une protection subjective

La dignité peut aussi être personnelle. L’être humain dispose de cette dernière du seul fait d’être une personne. Concrètement, il s’agit de la protection de l’individu en tant que personne et non plus en tant qu’être appartenant à l’humanité tout entière. Comme pour la dignité universelle, elle s’attache à la personne humaine mais plus comme un attribut de sa personnalité juridique. Il s’agit ainsi d’un droit de la personnalité580 , un « bien juridique »581 à protéger. Ce droit subjectif, dégagé par la loi et la jurisprudence582, permet de respecter la liberté de chaque individu. En effet, il est reconnu que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » et « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité »583. Par conséquent, la dignité personnelle permet la protection des droits subjectifs des individus, comme le droit à l’égalité, à la liberté et à la sécurité.

576 COUR DE CASSATION, « Droit pénal spécial », dans L’innovation technologique, Rapport annuel 2005,

La Documentation française, en ligne :

<http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_documentation_2/publications_cour_26/em_rapp ort_annuel_em_36/rapport_2005_582/>, (consulté le 23 sept. 2009).

577 CA Caen, 8 sept. 1999, préc., note 398; C.cass.crim., 12 oct. 2005, Bull.crim, 2005, n°258.

578 CA Paris, 28 mai 1996, D.1996, p. 617, obs. B. Edelman. Dans cette affaire, les juges utilisent simultanément la dignité fondamentale et la dignité personnelle pour justifier leur décision.

579 P. PEDROT, « La dignité de la personne humaine à l’épreuve des technologies biomédicales », préc., note 495, p. 64.

580 Voir : B. LAVAUD-LEGENDRE, préc., note 295, p. 127-136. 581 J.-F. SEUVIC, préc., note 513, p. 364.

582 Voir : B. LAVAUD-LEGENDRE, préc., note 295, p. 127-136.

583 Déclaration universelle des droits de l’homme, préc., note 534, préambule et art. 1er; Charte québécoise, préc., note 103, préambule; Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, préc., note 531.

Ces divers droits garantissent à la personne une certaine part de liberté individuelle qui est protégée au titre de la dignité, mais personnelle, car elle ne vise que des intérêts particuliers contrairement à la dignité universelle qui protège des intérêts collectifs. C’est ainsi qu’en droit canadien, la notion de dignité est « devenue le concept clef servant à la définition du droit à l’égalité que protège l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés »584. En effet, l’objet principal de ce texte « est d’empêcher qu’il y ait atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles par l’imposition de désavantages, de stéréotypes et de préjugés politiques ou sociaux »585. Cela rejoint les dispositions françaises de l’article 225-1 et suivants du C.pén.586 qui traitent de la discrimination. En effet, il s’agit d’infractions qui portent atteinte à la dignité personnelle de la personne. Le législateur français l’a clairement énoncé pour cette incrimination qui viole l’article premier de la Déclaration universelle des

droits de l’homme587 et les articles 8 et 14 de la Conv.EDH588. Ce droit à l’égalité est donc

également présent en droit français, même s’il se fait plus discret qu’en droit canadien.

Le droit à l’égalité de l’article 15 de la Charte canadienne589 interdit les différences de traitements entre les personnes ou les groupes, notamment lorsqu’il traduit une application stéréotypée de présumer caractéristique personnelle. C’est ainsi que la Cour suprême du Canada a défini la dignité, de manière non exhaustive. Elle signifie

« qu’une personne ou un groupe ressent du respect et de l’estime de soi. Elle relève de l’intégrité physique et psychologique et de la prise en

584 H. BRUN et G. TREMBLAY, préc., note 532, p. 935; Charte canadienne, préc., note 52.

585 Id., H. BRUN et G. TREMBLAY, p. 1103; Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, 1999 CanLII 675, § 51 ; M. c. H., [1999] 2 R.C.S. 3, 1999 CanLII 686, § 47 ; Corbière c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203 , 1999 CanLII 687, § 5 ; Henri BRUN et Pierre BRUN, Chartes des droits de la personne : législation, jurisprudence et doctrine, 13e éd., Montréal, éd. Wilson et Lafleur, 2000, p. 440.

586 C.pén., art. 225-1 : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

587 Déclaration universelle des droits de l’homme, préc., note 534.

588 Conv.EDH, préc., note 57, art. 8 (1) : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance »; art. 14 : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ».

589 Charte canadienne, préc., note 52 : « (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques ». (Mis en gras par nos soins).

main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n’ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne. (…) La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne. »590

La dignité permet, ainsi, d’éviter tout effet dévalorisant ou désavantageux sur une personne ou un groupe de personnes. En effet, tous les individus, mineurs ou non, sont jugés dignes de respect et de considération en raison de leur qualité d’être humain591. En effet, « la garantie d’égalité reconnaît et défend la dignité humaine innée de chacun »592 sans considération pour l’âge. Ce sont donc les caractéristiques personnelles de chaque personne qui seront protégées contre toute atteinte à la dignité personnelle. Ce droit à l’égalité permet également d’« améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait (…) de leur sexe, [ou] de leur âge »593. C’est ainsi que notre société contemporaine fondée sur la démocratie, la dignité, la liberté et l’égalité, impose le même traitement aux mineurs, même si elle reconnaît, par l’élaboration de lois protectrices, qu’il faut les protéger plus en raison de leur vulnérabilité et de leur manque de capacité pour prendre certaines décisions les concernant. Néanmoins, ils se retrouvent souvent traités comme des adultes miniatures, surtout les adolescents qui possèdent une certaine capacité d’exercice sans que les parents, titulaires de l’autorité parentale, interviennent594. Or, la sexualité conserve, encore de nos jours, un statut particulier fondé sur de nombreux tabous sexuels malgré l’engouement pour la dignité, la liberté et l’égalité qui pourraient valablement permettre d’accepter que les adolescents fassent leur propre pornographie; dans le sens, faire la représentation de leurs comportements sexuels explicites sur n’importe quel support et par

590 Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), préc., note 585, § 53; Lovelace c. Ontario, [2000] 1 R.C.S. 950, 2000 CSC 37, [2000] 1 R.C.S. 950, § 54 ; Corbière c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), préc., note 585, § 59 ; M. c. H., préc., note 585, § 261 ; Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, 1977 CanLII 366, § 66 ; Daniel PROULX, « Les droits à l’égalité revus et corrigés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Law : un pas en avant ou un pas en arrière ? » (2001) 61 Revue du Barreau 185 -279, aux pages 236, 266 et 267.

591 Id., Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), § 102 ; Id., Corbière c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), § 5.

592 Id., Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), § 48 ; Id., Corbière c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), § 11 : « la discrimination et la violation de la présomption d’égalité de dignité et de valeur de chaque être humain ».

593 Charte canadienne, préc., note 52, art. 15 (2) : « Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques ».

n’importe quel moyen, du moment qu’ils respectent les lois telles que prévues pour les adultes. Il est clair qu’ils doivent être protégés mais dans quelle mesure? Cette distinction de traitement laisse toutefois supposer que le message du législateur, canadien comme français, semble être celui de tolérer la liberté sexuelle des personnes majeures et que certains comportements sexuels, comme la pornographie, pourtant acceptée dans la plupart des pays, n’est en fait qu’une atteinte à la dignité de la personne, une sorte de violence faite à la personne, voire allant à l’encontre de la morale. En effet, en l’interdisant complètement aux adolescents, même en espace privé, alors qu’ils possèdent la majorité sexuelle et, en laissant une certaine liberté sexuelle aux adultes, cela laisse présager que les adolescents ne possèdent pas de liberté sexuelle ou du moins différente de celle des personnes majeures car plus encadrée595.

Ce droit à l’égalité est souvent invoqué par de nombreux groupes minoritaires, tels que les homosexuels qui veulent faire reconnaître leur différence sexuelle au niveau légal596. En effet, « les tenants de la promotion des intérêts de « minorités sexuelles » préfèrent l’égalité, sans aucun doute plus offensive et fédératrice »597 que la liberté sexuelle. Or, ce droit peut amener l’acceptation de certains groupes sexuels qui, aujourd’hui pourtant, seraient considérés comme inappropriés. Il s’agit des « minorités sexuelles » pédophiles. Ces derniers pourraient revendiquer leur différence sexuelle au même titre que les autres et demander une reconnaissance sexuelle sur le fondement de cet article 15 de la Charte

canadienne598. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, certaines personnalités en France se

sont clairement prononcées pour la légalisation des relations sexuelles avec des mineurs599 sachant qu’aujourd’hui, cela serait considéré comme malvenu. Le développement de ce droit à l’égalité, qui traduit un certain individualisme fondé sur le « droit à », peut avoir des

595 Id., p. 46.

596 Joseph PINI, « La liberté sexuelle est-elle un droit fondamentale? Éléments de réflexion », dans J. PINI et autres, préc., note 201, p. 11, aux pages 40 et 41.

597 Id., p. 39 et 40; Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), préc., note 287. 598 Charte canadienne, préc., note 52. D’ailleurs, un groupe de pédophiles s’est crée aux Pays-Bas et ils ont même un logo officiel. Ils revendiquent leur différence sexuelle en se décrivant « comme « une minorité sexuelle opprimée », victimes de « l’inquisition du XXIe siècle » (Katia GAGNON, « Les pédophiles ont leur logo », (août 2006) La presse Montréal A4.).

599 Une pétition « Lettre ouverte sur la révision de la loi sur les délits sexuels concernant les mineurs » fût adressée au Parlement en 1977 par de nombreux intellectuels français tels que Michel Foucault, Jean Danet, Guy Hocquenghem, Françoise Dolto, Jacques Derrida, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Ce texte demandait la dépénalisation de toutes relations sexuelles consenties entre un adulte et un mineur n’ayant pas l’âge de la majorité. Voir : Wikipédia sur « Pétitions françaises contre la majorité sexuelle », en ligne : <http://fr.wikipedia.org> ; J. PINI, « La liberté sexuelle est-elle un droit fondamentale? Éléments de réflexion », préc., note 596, p. 23.

répercussions importantes sur la société, même si nous verrons plus loin que la protection des mineurs représente, en quelque sorte, le nouveau tronc commun de l’humanité600.

La Charte québécoise prévoit, dans son article 4, que « toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation »601. Il s’agit d’attributs fondamentaux de l’être humain qui lui sont personnels602. Ce texte permet d’équilibrer les différentes libertés individuelles avec le respect de ces dispositions. C’est ainsi qu’il limite la liberté d’opinion et d’expression, mais également celle de la presse603. Paradoxalement, il protège aussi ces différents droits. En effet, « la common law offre un juste équilibre entre les valeurs jumelles de réputation et de liberté d’expression »604. La Charte canadienne ne mentionne pas expressément ce droit à la réputation contrairement à la Charte québécoise, mais la Cour suprême du Canada a reconnu que « la bonne réputation de l’individu représente et reflète sa dignité inhérente, concept qui sous-tend tous les droits garantis par la Charte »605. En outre, il est étroitement lié au droit à la vie privée, qui est « fondée sur l’autonomie morale et physique de la personne et est essentielle à son bien-être »606.

Par conséquent, le critère de la « dignité de la personne humaine » implique le droit à une autonomie personnelle suffisante pour vivre sa propre vie et pour prendre les décisions qui nous sont chères pour notre propre personne sans l’intervention d’une entité extérieure, telle que l’État607. L’individu, en raison de sa dignité personnelle ou innée, possède un large

pouvoir d’autonomie que l’État est obligé de respecter, puisque « le droit à la liberté est lié à la notion de dignité humaine »608. Il est donc indéniable que le critère de la dignité de la personne humaine permet la protection et la limitation des droits subjectifs liés à l’être

600 Infra, p. 338.

601 Charte québécoise, préc., note 103.

602 H. BRUN et P. BRUN, préc., note 585, p. 681 ; H. BRUN et G. TREMBLAY, préc., note 532, p. 1071. 603 Dubois c. Société St-Jean-Baptiste de Montréal, (1983) C.A. 247, AZ-84021290; Hervieux-Payette c. Société St-Jean-Baptiste de Montréal, (1998) R.J.Q. 131 (C.S.) (en appel); Société Radio-Canada c. Radio Sept-îles Inc., (1994) R.J.Q. 1811 (C.A.), 1994 CanLII 5883; Fenech c. Groupe Quebecor Inc., (1999) R.R.A. 182; J.E. 99-455; CE, 30 août 2006, préc., note 568; C.cass., 2 civ., 4 nov. 2004, Juris-Data n°2004-025441, Comm.com.électr. fév. 2005, n°2, comm. 33, A. Lepage; C.cass, 1ère civ., 20 déc. 2000, J.C.P.G 2001.II.10488, concl. J. Sainte-Rose et note J. Ravanas.

604 Hill c. Église de scientologie de Toronto, préc., note 532. 605 Id., § 107 et 120.

606 Id., § 121; R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, à la page 427.

607 B.(R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315; R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30, 1988 CanLII 90; Godbout c. Longueil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844 , 1997 CanLII 335; Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général[1993] 3 R.C.S. 519, 1993 CanLII 75.

humain. C’est ainsi que cette autonomie personnelle autorise l’individu de disposer librement de son corps ou de sa personne comme bon lui semble dans la limite du respect de sa dignité personnelle609. Autrement dit, la liberté sexuelle semble être a priori au cœur de la dignité610. D’ailleurs, les pratiques sadomasochistes ont été considérées comme contraire à la dignité de la personne humaine, mais pris dans son sens moral premier611. En effet, les juges, dans ce cas, imposent une certaine norme de comportement sexuel à laquelle il est impossible de déroger sous peine d’aller à l’encontre de sa propre dignité. C’est le cas de la pornographie et de la pédopornographie qui portent atteinte à la dignité personnelle des victimes car elles méconnaissent la personne prise dans son individualité, même si certains comportements, tels que ceux qui sont dégradants et déshumanisants, peu importe le caractère sexuel, sont incontestablement contraire à la dignité universelle de la personne humaine.

La pédopornographie, incriminée par les articles 227-23 du C.pén. et 163.1 du C.crim., remet en cause des intérêts particuliers à savoir ceux des mineurs qui se voient subir un traitement négatif, pouvant avoir certaines répercussions sur leur développement physique et psychique. Autrement dit, il s’agit de protéger une catégorie particulière de personne atteinte dans sa dignité personnelle. En effet, les actes pédopornographiques ne portent pas atteinte à la dignité universelle dans le sens qu’elle ne nie pas l’humanité de ces mineurs612. Elle ne fait que protéger ces derniers en tant que personne vulnérable. Elle ne remet nullement en cause leur appartenance à l’humanité. Toutefois, aucune référence explicite

609 O. CAYLA, préc., note 555, p. 98 : « cette stratégie qualificatoire est généralement motivée par la considération pour la « dignité de la personne humaine », devenue aujourd’hui référence ultime et automatique de tout discours juridique, ou plus exactement pour l’un des usages contemporains du concept, qui permet d’opposer à un individu l’obligation de respecter sa propre dignité, dans le but de limiter sa liberté dans l’exercice de la disposition de soi »; K.A. et A.D. c. Belgique (au principal), n°42758/98 et 45558/99, , 17

février 2005, en ligne :

<http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=K.A.%20%7C% 20et%20%7C%20A.D.%20%7C%20belgique&sessionid=30882264&skin=hudoc-fr>, (consulté le 23 sept. 2009), § 83-85.

610 R. KOERING-JOULIN, préc., note 548, p. 77.

611 O. CAYLA, préc., note 555, p. 98 : « Par le plaisir qu’il éprouve, la masochiste commet donc la faute cardinale d’un attentat contre sa propre humanité ». Cela laisse supposer une certaine confusion avec la dignité fondamentale car le sadomasochisme instrumentalise l’être humain, ce qui est incontestablement contraire à la dignité fondamentale, car cela remet en cause l’être humaine en tant que tel mais, comme pour la pornographie, il ne s’agit que d’une atteinte à la dignité personnelle de la victime. Voir : Michela MARZANO, Penser le corps, Paris, PUF, 2002, p. 104 : « Cependant, en niant l’existence incarnée d’autrui, le sadique ne peut se retrouver que seul dans une contemplation d’un corps-chair inanimé. En même temps, la masochiste, qui peut toujours être considéré comme un sadique envers lui-même, comme le disait Freud, a le désir de se regarder et de se contempler en tant que corps-instrument ».

n’est faite dans les deux textes à cette dignité des mineurs613. Seuls les tribunaux ou la doctrine mettent en exergue celle-ci de manière plus concrète614.

Le critère de « la dignité de la personne humaine » a une double fonction, à savoir celui de protéger la dignité personnelle contre toutes atteintes, mais également celui de limiter la liberté des individus, notamment des mineurs, au nom de cette dignité. Ce critère permet donc une chose et son contraire, ce qui le rend si complexe. En outre, il faut faire une remarque sur le fait que la France et le Canada ont une manière d’employer ce critère de la « dignité » différente sur certains points. En effet, la tradition civiliste française se différencie nettement de la tradition canadienne de common law. Dans la première, le critère de la dignité est plus souvent utilisé comme moyen pour limiter des libertés individuelles, alors que la seconde tradition l’emploie plus spécialement pour contrôler les atteintes faites à ces libertés615. Avec l’influence de plus en plus marquée du droit européen sur le droit français, cette distinction commence à s’estomper616. En effet, les intérêts particuliers ont pris une place relativement importante dans le droit au nom de la dignité personnelle. D’ailleurs, les valeurs collectives, autrefois importantes pour l’élaboration de notre droit, se retrouvent remises en cause par l’évolution de la société actuelle devenue pluraliste et individualiste. Cette pluralité des mœurs, des comportements et des religions, ont un certain impact sur le droit, qui ne peut plus prendre de référent moral universel et commun. C’est ainsi que le référent de la « dignité de la personne humaine » permet de prendre en compte toutes les conceptions en ne s’intéressant qu’à la « personne », même si au final, c’est la majorité, à savoir la morale dominante, qui va l’emporter. Il est clair que cet engouement peut engendrer certaines dérives juridiques, telles que la « valorisation extrême de l’individu » 617 où « chacun déterminerait sa propre dignité comme il

613 D’ailleurs, l’auteur Renée KOERING-JOULIN (préc., note 548, p. 81) considére que le Code pénal français n’est pas très cohérent en ce qui concerne les infraction portant atteintes à la dignité personnelle du mineur. En effet, il ne comprend pas le silence du législateur sur la dignité du mineur dans les différentes infractions, telles que celles des art. 227-22-227-23 et 227-24 C.pén. qui sont répertoriées dans les infractions

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