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L A DÉFINITION DE « PÉDOPORNOGRAPHIE » : LES PRÉMICES D ’ UNE

Pour étudier la législation relative à la pédopornographie, il faut tout d’abord s’intéresser à sa signification qui n’est pas forcément très claire. Il existe plusieurs raisons à ce flou terminologique. La première concerne le fait que cette notion est un concept social qui a tendance à évoluer dans le temps et dans l’espace. Les experts du Congrès international de Stockholm relatif à l’exploitation sexuelle des enfants d’août 1996 ont très bien soulevé cette difficulté en énonçant que « les normes appliquées au sein de chaque société et de chaque pays sont extrêmement subjectives et subordonnées à différentes convictions morales, culturelles, sexuelles, sociales et religieuses qui ne se traduisent pas aisément dans les lois. Même en nous limitant à une définition légale de la pornographie infantile, ce concept est difficile à cerner »55. Or, le réseau Internet représente un vecteur, où il existe un formidable panorama de ces diverses conceptions qui diffèrent d’un pays à l’autre, voire au sein même de l’Europe ou du Canada. Autrement dit, c’est un réseau international qui reflète les pensées et les cultures des divers pays; chacune d’elles se retrouvant confrontées les unes aux autres. Les États ont ainsi du mal à mettre en place une définition consensuelle, malgré l’élaboration d’un nombre impressionnant de textes internationaux. Ces derniers sont une bonne illustration de la volonté de coopération des États au phénomène international de la pédopornographie, mais également, du manque d’entente sur certains points, en raison de la présence de nombreuses réserves dans les dispositions56. La seconde

55 « La définition légale de l’enfant et de la pornographie infantile diffère fortement d’un pays à l’autre » (Toni PANEPINTO, La pornographie infantile sur le réseau Internet, travail de fin d’études, Liège, École Liégeoise de criminologie Jean Constant, Université de Liège, 2000, p. 19); « The question of what constitutes child pornography is extraordinarily complex. Standards that are applied in each society or country are highly subjective and are contingent upon differing moral, cultural, sexual, social, and religious beliefs that do not readily translate into law. Even if we confine ourselves to a legal definition of child pornography, the concept is elusive. Legal definitions of both "child" and "child pornography" differ globally and may differ even among legal jurisdictions within the same country » (Margaret A. HEALY, Child pornography : an international Perspective, Working document for the World Congress against Commercial Sexual Exploitation of Children, Stockholm, august 1996, p. 1, en ligne : <http://www.crime- research.org/articles/536>, (consulté le 23 sept. 2009)); CONGRÈS MONDIAL CONTRE L’EXPLOITATION SEXUELLE COMMERCIALE DES ENFANTS, La pornographie enfantine, Yokohama, 2001, en ligne : <http://www.csecworldcongress.org/fr/index.htm>, (consulté le 23 sept. 2009), p. 11.

56 Pour exemple, nous pouvons citer la Convention sur la cybercriminalité, (23.XI.2001, Budapest, S.T.E n°185, en ligne : <http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/185.htm>, (consulté le 23 sept. 2009))

raison est que l’expression de « pédopornographie » renvoie à deux autres termes, eux- mêmes, nébuleux en droit, le « mineur » et la « pornographie ». Rapidement un problème survient. En effet, il ne faut pas oublier que le droit criminel possède des principes généraux spécifiques, comme le principe de la légalité des délits et des peines57, ou ceux de justice fondamentale de l’article 7 de la Charte canadienne58. Le principe de la légalité, si fidèle aux auteurs des Lumières, comme Montesquieu59 ou Cesare Beccaria60, implique qu’il ne peut y avoir de délits ou de peine sans un texte de loi qui soit clair et précis. Or, les dispositions relatives aux mineurs et, plus spécialement à la sexualité, sont parfois

qui, malgré une définition relative à la pédopornographie, possède de nombreuses réserves qui permettent aux États un certain choix dans l’application et l’élaboration des incriminations.

57 « Nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege »; Charte canadienne, préc., note 52, art. 11; C.crim., art. 6, 1) et 9; C.pén., art. 4, 111-3 et 111-4; Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ligne : <http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4- octobre-1958/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789.5076.html>, (consulté le 23 sept. 2009), art. VIII; Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, S.T.E. nº5, (1955) 213 R.T.N.U. 221, en ligne : <http://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20213/volume-213-I-2889-French.pdf>, (consulté le 23 sept. 2009), (ci-après « Conv.EDH »), art. 7 al. 1; Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 déc. 1948, A.G. Rés. 217 A (III), Doc. N.U. A/810 (1948), art. 11, al. 2. Pour plus d’informations sur ce principe de la légalité, voir : C.const., 16 juil. 1971, décision Liberté d’association, n° 71-44 DC, en ligne : <http://www.conseil-constitutionnel.fr/>, (consulté le 23 sept. 2009); C.const., 18 janv. 1985, nº 84-183 DC, Loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, en ligne : <http://www.conseil- constitutionnel.fr/>, (consulté le 23 sept. 2009); Cantoni c. France (au principal), n°17862/91, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, en ligne : <http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=cantoni&session id=30741099&skin=hudoc-fr>, (consulté le 23 sept. 2009); C.cass.crim., 13 juin 1884, Paoli, S. 1886.1.239, note Villey; C.cass.crim., 30 mars 1944, Luze et Devaux, D.1945.246, note H. Desbois; C.cass.crim., 21 janv. 1965, Olive, Bull.crim., n° 22; C.cass.crim., 5 oct. 1967, Le Guern, Bull.crim., n° 242; C.cass.crim., 20 fév. 2001, nº98-23471, en ligne : <http://www.legifrance.gouv.fr>, (consulté le 23 sept. 2009); R. c. Daigle, [1986] R.J.Q. 1599 (C.S.P.); R. c. Hastings, (1947) 90 C.C.C. 150 (N.B.S.C. App. Div.); R. c. McLaughlin, [1980] 2 R.C.S. 331, 1980 CanLII 212; R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711, 1992 CanLII 53; R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761, 1994 CanLII 34; Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1028, 1995 CanLII 111; R. c. Hinchey, [1996] 3 R.C.S. 1128, 1996 CanLII 157; Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute), [1999] 2 R.C.S. 625, 1999 CanLII 694; Jean-Marie CARBASSE, Introduction historique au droit pénal, coll. Droit fondamental, Paris, PUF, 1990, p. 305 et 318; G. CÔTÉ-HARPER, P. RAINVILLE et J. TURGEON, préc., note 49, p. 81-83; J. FORTIN et L. VIAU, préc., note 8, p. 23 et suiv.; Philippe CONTE et Patrick MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, Paris, A. Colin, 7e éd., 2004, p. 66 à 90.

58 Charte canadienne, préc., note 52, art.7 : « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Voir : Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486; 1985 CanLII 81 (C.S.C.).

59 « Dans les États despotiques, il n’y a point de loi; le juge est lui-même sa règle. Dans les États monarchiques, il y a une loi : là où elle est précise, le juge la suit; là où elle ne l’est pas, il en cherche l’esprit. Dans le gouvernent républicain, il est de nature de la Constitution que les juges suivent la lettre de la loi » (Charles de Secondat MONTESQUIEU, baron de, De l’esprit des lois (1758), Bibliothèque numérique, Coll. « Les auteur(e)s classiques », Université du Québec à Chicoutimi, en ligne : <http://classiques.uqac.ca/classiques/montesquieu/de_esprit_des_lois/partie_1/de_esprit_des_lois_1.html>, VI, 3).

60 Cesare BECCARIA, Traité des délits et des peines, nouvelle traduction française précédée de la Célébration du bi-centenaire de la publication organisée le 18 juin 1969 par la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris par l’Institut de criminologie de la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris et par l’Institut de droit comparé de l’Université de Paris, Paris, Cujas, 1966.

imprécises, voire confuses. En effet, tout repose sur un critère, celui de l’âge, qui change selon les situations et le domaine de manière totalement arbitraire, ce qui peut clairement complexifier le régime juridique (Chapitre 1). En outre, la notion de « pornographie » suscite, depuis des années, une certaine polémique, aussi bien sur sa définition que sur sa réglementation61 (Chapitre 2).

61 Voir : Norbert CAMPAGNA, La pornographie, l’éthique et le droit, Paris, Harmattan, 1998; M. NGALIKPIMA (dir.), préc., note 35, p. 178 et 192.

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