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Le lien entre le niveau d’échelle locale et notre problématique ne s’explique pas par un seul intérêt pour l’étude du tourisme et pour celle de la dynamique de développement économique qu’il contribue à structurer. Il s’agit en effet, non seulement de s’intéresser aux pratiques spatiales des touristes, aux activités économiques qui leur sont liées et à leur localisation dans la ville, mais aussi d’essayer de comprendre les modalités et de degré de l’insertion du tourisme dans la vie locale.

L’étude de terrain à l’échelle locale possède ainsi un intérêt propre qui réside dans l’observation et l’appréhension des phénomènes en cours « dont il importe de reconstituer la genèse » (Ferréol G. & Deubel P., 1993 :40). Gilles Ferréol et Philippe Deubel parlent aussi de « logique de la découverte » pour caractériser cette démarche. Notre problématique est sous-tendue par cette idée d’étudier l’actualité en cours, le territoire en mouvement.

Cette recherche est avant tout inscrite en adéquation avec la période actuelle qui, dans le cas qui nous intéresse, débute avec le départ des Britanniques et la création de l’Union indienne en 1947 et, pour Udaipur plus spécifiquement, avec la dissolution du royaume

dont elle était la capitale et son intégration au sein de l’Etat du Rajasthan, en 1948. Le tourisme dans sa forme moderne est un produit de l’Inde indépendante.

Bien que ce positionnement par rapport au temps du territoire soit précis, la nature de notre objet nous a conduit, alors que le travail de recherche était débuté, à avoir recours à des événements historiques, plus précisément à mettre en lumière la manière dont l’histoire locale et régionale était produite par la société. Cette prise en compte de dimensions historiques plus anciennes étant nécessaire tout d’abord, pour progresser dans la connaissance de ce territoire, ensuite, car l’histoire, par la mémoire occupe, nous le verrons, une part importante des processus territoriaux actuels d’Udaipur.

L’intérêt de prendre en compte une certaine épaisseur de temps dans l’étude des processus territoriaux nous est ainsi apparu alors que le passé du territoire est au cœur du processus touristique, exprimé au travers de la mobilisation du patrimoine et par les formes les plus diverses de production d’une mémoire sociale fortement idéalisée par et pour le tourisme.

« On ne peut rien dire si l’on ne prend pas un minimum « d’épaisseur de temps », qui permet d’apprécier le sens des mouvements et variations dans le complexe espace-temps, qui « donne du sens » comme dirait Augustin Berque. ».

(Brunet R., Ferras R. & Théry H., 1992 :477)

« La compréhension d’un espace passe par la connaissance de son histoire, ce qui à l’évidence, ne demande pas d’en retracer la chronologie des événements qui se sont succédé sur son étendue, mais de savoir ce qui est nécessaire d’extraire comme information de son histoire pour comprendre pourquoi ceci se passe là, et pas ailleurs et à ce moment-là… ».

(Dollfus O., 1990 :139).

La démarche visant à explorer la mémoire du territoire, permettant de comprendre les processus à l’œuvre dans les territoires, nécessite une méthode de sélection qui n’est autre qu’« un appel aux mémoires du territoire » (Dollfus O., 1990 :Ibid.). Olivier Dollfus, se rappelant d’une leçon de géographie effectuée avec François Durand-Dastès (FDD), écrit, citant ce dernier, que « deux mémoires entrent en jeu pour (in)former les espaces ; il (FDD) donne à l’une le nom de « mémoire du temps des hommes », à l’autre « mémoires du temps de la nature » (Dollfus O., op. cit.). Notre travail s’inspire de cette réflexion, puisant dans ces deux types de mémoires, toutes deux mobilisées de manière centrale dans le processus de mise en tourisme d’Udaipur, autant que dans le fonctionnement actuel de l’économie touristique :

« La nature dans ses éléments, leurs répartitions et leurs interactions, recèle une quantité quasi infinie de données correspondant à autant d’individus et d’objets ou de parties d’objets. Ces objets ne se transforment en information que lorsque, par la connaissance empirique ou scientifique, on est capable de les nommer, de les associer les unes aux autres ou de les mettre en relations, et de les classer. Les connaissances empiriques sont acquises par l’observation au cours du temps de phénomènes répétitifs ou de relations entre différents éléments produisant tel ou tel effet. La connaissance empirique, c’est de l’accumulation d’observations raisonnées et triées sur la durée. Elle est le résultat des expériences tirées des histoires. Tout groupe qui produit un espace et qui, ce faisant, met en rapport des lieux entre eux pour

répondre à certains objectifs, le dote d’une histoire, même si elle est parfois gommée dans la mémoire des hommes ; l’oubli, c’est aussi de l’histoire. C’est une histoire territorialisée dans des lieux. Elle incorpore, avec les événements qui se conservent et se transmettent dans la mémoire des hommes, les infrastructures et les aménagements qu’ils ont créés. Tout ceci constitue les héritages sur lesquels on vit, que l’on entretient et que l’on transforme au fil du temps. […] ».

(Dollfus O., 1990 :139).

Ainsi l’analyse a-t-elle consisté en partie à procéder à ce processus sélectif visant à rassembler les éléments extraits de la nature qui ont un sens pour l’explication du phénomène étudié, qui appellent « la mémoire que certains hommes ont des lieux » (Ibid.).

Il s’agit d’envisager cette recherche à partir des liens entre territoire et mémoire, mobilisant pour cela la notion d’héritage, préalablement précisée. Notre démarche propose donc d’observer le processus touristique dans sa dimension temporelle, seule manière de le mettre en perspective avec les événements majeurs et l’évolution du territoire, de la production d’un territoire organisé depuis le modèle royal à celle d’un territoire indien géré par un gouvernement démocratique.

La mobilisation de certains éléments de la mémoire du territoire n’empêche en rien de placer le discours dans le cadre d’une réflexion prospective. D’ailleurs, l’un des intérêts majeurs de ce type de réflexion en géographie est « d’amener à penser les systèmes de production d’espace dans toute leur dynamique. ». L’approche consiste donc « à formuler des hypothèses, à prendre des risques, et même le risque d’être convaincu d’erreur (Pierre Bourdieu), si commodément rare, dans les sciences « non réfutables ». » (Brunet, Ferras & Théry, 1992 :147). Ces positionnements éclaircis, il convient maintenant de préciser notre méthodologie d’enquête.

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