• Aucun résultat trouvé

Le temple de Jagdish (Jagdish mandir) : figure centrale du religieux dans la cité

Chapitre 3 De la royauté à la mondialisation :

Udaipur, espace intermédiaire

Introduction

Ce chapitre envisage Udaipur à partir de sa localisation, définie par Jacques Lévy comme l’« association entre une réalité (un état) et une position (relative) dans […] un espace » (Lévy J., in Lévy J. & Lussault M., (eds.) 2003 : 574). La localisation d’un espace est essentielle à étudier pour rendre compte de sa singularité : « son accessibilité et son inscription dans des systèmes de communications, « dans des mailles, des réseaux et des champs » (Brunet R., Ferras R. & Théry H., 1992 : 304).

Les mémoires territoriales, analysées dans les deux premiers chapitres, doivent ainsi être évaluées à l’aune des mutations socio-économiques de l’Inde, du Rajasthan, et de la ville elle-même : il s’agit ici de définir la ville comme un « objet local » qui rend compte « en même temps de ce qui dans une situation est général, universalisable, comparable, de ce qui est spécifique, totalement singulier » (Bourdin A., 2000 : 13).

La localisation d’Udaipur est fortement marquée par des contraintes imposées par la géographie régionale. Celles-ci révèlent un isolement géographique relatif, dont les fondateurs de la ville ont d’abord tiré avantage pour assurer leur sécurité, mais qui joue un rôle très différent dans le contexte actuel. En effet, les caractéristiques du site et sa position dans sa région naturelle rendent son accès et sa desserte difficiles et constituent un frein possible au développement économique.

Ces mêmes caractères peuvent aussi être observés à l’échelle du Rajasthan qui, tant du point de vue de ses caractères physiques que de celui de son niveau de développement économique, est défini parmi les « marges » du territoire indien (Durand-Dastès F., 1992). Cependant, parler de « marge » pour décrire le Rajasthan ne semble aujourd’hui caractériser cet espace que très partiellement, eu égard à la position de cet État entre les régions métropolitaines de Delhi et Mumbai, figures centrales de la mondialisation et du dynamisme économique du pays.

Dès la construction d’Udaipur, la situation de conflits qui marque la région a une influence certaine sur son développement et sur les liens que cette ville va nouer avec l’extérieur. Par la suite, la période britannique puis, plusieurs décennies plus tard, l’Indépendance et la création de l’Union indienne (1947), se sont traduites par une série de changements structurels qui participent pleinement de la construction du territoire local, en ce qu’elles viennent progressivement remettre en cause le système royal et le destituer au profit d’un dispositif gouvernemental relevant de l’État indien.

Ce chapitre propose de décrire les étapes de l’évolution politique d’Udaipur, dans la perspective de comprendre leurs influences sur le fonctionnement du territoire et en quoi elles ont participé à influer sur les dynamiques actuelles.

Ces processus historiques doivent ensuite être appréhendés en lien avec ce qui définit aujourd’hui l’Union indienne, notamment la récente ouverture économique du pays et sa participation croissante aux échanges mondiaux dans le cadre de réformes visant à la libéralisation de son économie, mouvement qui semble avoir été engagé dans le cadre de choix délibérément prudents. La politique de réformes mise en place depuis la fin des années 1980 par le parti du Congrès, politique aujourd’hui poursuivie par le même Gouvernement et dirigé depuis avril 2004 par Manmohan Singh, reste marquée par une volonté politique toujours tenace de limiter les risques inhérents à une ouverture trop rapide.

Dans ce contexte, il est question de considérer le degré et la nature de « l’ouverture » du système local et de questionner les dynamiques co-agissantes participant de la production physique et sociale du territoire local.

1. Contraintes de localisation

1.1 Udaipur face aux rugosités

154

de la géographie régionale

La prégnance des formes collinaires et l’encaissement du site, décrits dans le chapitre 1, permettent d’envisager les contraintes auxquelles ont été soumis les pouvoirs successifs chargés d’établir des réseaux d’infrastructures autour d’Udaipur.

Le lac Pichola, qui précède la construction de la cité, constitue un obstacle à l’expansion de la ville vers l’ouest.

Fateh Sagar – sagar signifie lac, rappelons-le – joue un rôle similaire à une phase plus

avancée du développement urbain, alors qu’un second noyau vient s’ajouter à celui jusqu’alors concentré sur la colline du palais royal, développé en direction de l’est et du nord. Sur l’ensemble du territoire municipal, les collines ont joué un rôle tout aussi déterminant.

Ainsi, alors que la partie ouest du site de la ville est très peu ouverte parce qu’obstruée par les lacs et par les formes du relief, l’est, définissant une large étendue plane, a permis l’extension urbaine, structurée autour des principaux axes de circulation.

Le document 17 est extrait d’une carte datant du XVIIe siècle. Son auteur, inconnu,

exprime la place importante du relief dans l’environnement régional, et met tout particulièrement en évidence - non sans caricature - le cirque que forme le site d’Udaipur. Si cette représentation cartographique ne respecte aucune règle d’échelle et de proportions, elle est néanmoins tout particulièrement expressive de la prégnance du relief autour d’Udaipur et d’un enfermement spatial qu’il s’agit maintenant de mettre en perspective au travers de l’étude des principaux éléments qui définissent Udaipur et ses dynamiques socio-économiques. Aujourd’hui inscrite dans l’État du Rajasthan et dans un pays en mouvement, les caractères relatifs à sa localisation sont tout à fait primordiaux à envisager pour comprendre le territoire actuel.

154 Le dictionnaire Les mots de la Géographie définit le terme de rugosité comme « tout ce qui freine la circulation, qui

« accroît » les distances, et même qui marque la différence des lieux, s’opposant ainsi à l’espace plan de certaines théories économiques » (Brunet R., Ferras R. & Théry H., (dir.) 1992 : 441).

C 2004 - N. Bautes passages (nal) villes formes du relief Source : Abstract topographical Map Rajasthan & Gujarat, Auteur inconnu (XVIIe siècle).

In : Swartzberg Joseph E. (Harley B. & Woodard D. (eds). - Cartography in the Traditional Islamic

1.2 La faiblesse des infrastructures de transport : un élément contribuant

à l’isolement de la ville

La construction d’un réseau de communication autour d’Udaipur s’est opérée en plusieurs étapes au cours de son histoire récente. Après avoir longtemps été réduit à quelques routes mal desservies et à une ligne ferroviaire reliant seulement les principales villes du royaume (quasi-exclusivement Chittaurgarh), le réseau local comprend aujourd’hui de trois modes de transports : le train, la route et, depuis Delhi ou Mumbai, l’avion. Malgré ces équipements, la ville reste quelque peu isolée, non en raison des distances qui la séparent des plus grandes villes, ni du manque de liaisons, mais bien en raison des temps de trajet très importants, comme le montre le tableau suivant :

Distance Durée moyenne du trajet en autobus Durée du trajet en train Ajmer 274 km 8 h 9 h Bikaner 506 km 13 h 16 h Bundi 233 km 6 h 9 h Chittor 112 km 3 h 4 h Jaipur 347 km 10 h 12 h Jodhpur 260 km 10 h 12 h Kota 270 km 6 h 8 h Delhi 664 km 16 h 15 h 30 Mumbai 797 km 17 h 15 h Ahmedabad 252 km 6 h 9 h

Document 18 - Temps de trajet entre les principales villes reliées à Udaipur.

Outline

Documents relatifs