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L’appropriation des composantes naturelles de l’espace.

Méthodologie de l’enquête : observation, questionnaire et entretiens

Chapitre 1 L’appropriation des composantes naturelles de l’espace.

Collines, lacs et forêts dans la production du territoire

Introduction

Ce premier chapitre a pour objet d’appréhender de quelle manière les formes naturelles de l’espace d’Udaipur sont parties prenantes du processus de production territoriale. Elles en sont des « composantes agissantes » (Vant A., 1986 :104) empreintes d’une dualité entre leur existence propre d’une part et leur considération au sein d’un espace social d’autre part. À ce titre, elles sont inscrites dans un système de représentations.

De la description des formes naturelles apparaît l’interaction entre les éléments naturels de l’environnement et les sphères qui relèvent de l’humain, c’est-à-dire du social et du culturel (Chamussy H., 1996 :3). C’est dans cette perspective que seront appréhendés l’eau et les ouvrages qui y sont liés, comme rencontre entre naturel et culturel. De même, l’espace forestier n’est pas totalement naturel. Il est ici considéré dans sa matérialité et dans son inscription au sein d’un processus social de reconnaissance, d’appropriation et de production d’un territoire spécifique. La forêt, comme l’eau et les formes du relief physique sont ainsi, dans le cadre de cette étude, des éléments naturels avant tout inscrits dans le champ du culturel.

Cette acception s’appuie sur une définition de la nature qui mérite d’être précisée. Elle est empruntée à plusieurs auteurs, depuis Pierre Moscovici qui en 1968 se positionnait sur l’idée que « les sociétés édifient les états de nature qui correspondent à leurs schèmes culturels et à leurs logiques sociales à un moment historique donné » (Moscovici P., 1968, cité par Lévy J. et Lussault M., 2003 : 655). Dès lors, la nature est « l’ensemble des phénomènes, des connaissances, des discours et des pratiques résultant d’un processus sélectif d’incorporation des processus physiques et biologiques par la société » (Lussault M., in Lévy J. et Lussault M., 2003 : 654). Il convient de souligner que « la construction sociale de la nature permet à la société, en retour, de s’auto construire, puisqu’elle trouve là des instruments, des savoirs et des idéologies qui assurent de tracer des lignes de partage (mouvantes au cours du temps) entre les humains et les non-humains, entre les phénomènes sociaux et ceux qui n’en seraient pas. Bref, toute nature est artificielle, toujours-déjà humanisée. […] Le seul « impact » de l’homme sur la nature, c’est la redéfinition du périmètre et du contenu phénoménal de celle-ci et de ce qu’elle signifie pour un groupe humain » (Lévy J. et Lussault M., op.cit : 659).

Ceci nous conduit à préciser la définition du terme de culture sur laquelle s’appuie notre travail. Elle est proposée par Joël Bonnemaison :

« […] la culture tend aujourd’hui à être comprise comme un autre versant du réel, un système de représentation symbolique (…), et si l’on va au bout du raisonnement, comme une « vision du monde » qui a sa cohérence et ses propres effets sur la relation des sociétés à l’espace. La culture est, pour les géographes, riche de significations, car elle se tient comme un type de réponse au plan idéologique et spirituel au problème d’exister collectivement dans un certain environnement naturel, dans un espace, et dans une conjoncture historique et économique remise en cause à chaque génération. De ce fait, le culturel apparaît comme la face cachée de la réalité : il est à la fois héritage et projet, et dans les deux cas, confrontation à une réalité historique qui parfois l’occulte […] ou au contraire le révèle […]» (Bonnemaison J, 1981 : 250).

Le choix de cette définition, parmi tant d’autres, témoigne de notre souci de considérer les dimensions matérielles et idéelles de l’espace dans une même approche. À l’instar de ce que nous souhaitons démontrer ici, elle permet d’insister sur l’idée qu’espace et société doivent être appréhendés dans la perspective de comprendre quelles intentions, quelles représentations et quelles ambitions sont à l’origine de la production territoriale. Selon cette acception, il n’y a pas, comme le suggère Jean Rémy (Rémy J., cité par Bonnemaison J., 1981 :9) d’univocité dans les effets de telle ou telle structure spatiale qui, chaque fois, doit être envisagée « dans la combinatoire complexe qui la lie à la structure sociale dont elle n’est en définitive qu’une des dimensions » (Ibid.). Il s’agit d’analyser ces deux dimensions du territoire, l’une naturelle, matérielle et l’autre relevant d’une création symbolique fortement influencée par le contexte culturel, confortant l’identité d’un peuple ou d’un groupe social. La lecture des éléments qui composent l’espace naturel est donc complétée par une lecture des « géosymboles » et des représentations qui permettent en partie de rendre compte de la manière dont l’espace est appréhendé par les sociétés (Berque A., 1996). Nous soumettrons les formes naturelles de l’espace géographique étudié à une description critique appuyée et précise. On exploitera cette description pour Udaipur et son site, pour se familiariser avec cet espace, ses formes, ses limites et les significations qui lui sont associées.

Cette démarche est une manière de « mettre en espace », dans laquelle il s’agit de « passer d’une appréciation sensible et individuelle d’une réalité présente (objet, espace, toile, configuration spatiale…), qu’on peut appeler référent, […] à un équivalent abstrait, distancié et commun, par la médiatisation linguistique » (Lévy-Piarroux Y., 1996 : 137). La description a pour but d’identifier chacune des formes du territoire « qui concernent aussi bien le naturel que l’humain » (Chamussy H., 1996 : 5). Ces domaines ont des frontières floues, tout comme les éléments eux-mêmes, si bien qu’il s’agit de les penser comme étant inter liés, interconnectés (Ibid.). La description proposée dans ce chapitre est donc une écriture orientée nourrissant l’analyse des composantes du processus territorial. Elle a pour objet de révéler la capacité de l’espace « à convertir en signes, en formes, en structures, bref, en agencements matériels - à la fois infinis dans le détail de leur facture et assez simples et limités en nombre, considérés d’un point de vue général - et idéels - via les récits et les figures qui mettent en scène les idéologies spatiales - l’ordre et les logiques de l’urbain » (Grataloup C., 1996 : 27).

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