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4 Udaipur, un territoire intermédiaire soumis aux dynamiques de l’Inde contemporaine

4.1 L’Union indienne dans la mondialisation contemporaine

4.1.1 Une intégration graduelle

L’analyse de la participation de l’Inde à la mondialisation contemporaine s’inscrit dans l’étude de la situation dans laquelle elle se trouve à l’Indépendance, et dans celle des orientations politiques prises les gouvernements successifs, depuis le premier Gouvernement indépendant. Des choix idéologiques précis en matière de développement du pays caractérisent la position indienne dès la création de l’Union.

L’Inde actuelle est fortement marquée par son passé colonial. En 1947, le pays était profondément stigmatisé par la pauvreté et par les violences provoquées par la partition avec le Pakistan. Le siècle précédent avait vu l’enrayement d’un développement économique possible, le pouvoir Britannique organisant le pays dans l’unique perspective de construire un marché destiné à ses propres industriels.

L’Inde de 1947 possédait néanmoins de nombreux atouts directement hérités de la présence britannique. A l’inverse d’autres pays sous domination extérieure, le contrôle économique des Britanniques s’est effectué au travers de la mise en place d’un réseau de structures et d’infrastructures sur lesquels l’Inde indépendante peut, dans un premier temps, appuyer son effort de construction territoriale. Des structures politiques, administratives et financières, un solide système éducatif mais aussi un secteur industriel dynamique rendu possible par un vaste réseau d’infrastructures de transport, comptent parmi les principales réalisations de la période britannique qui permettent de fonder les bases d’une croissance économique.

Les premiers mouvements en faveur d’une politique d’aménagement du territoire s’effectuent à partir d’un modèle largement planifié, fondé sur la prise en charge du développement par le Gouvernement Central de New Delhi, dont le credo est d’intégrer le pays et de l’équilibrer, par l’application du principe d’autosuffisance (self-reliance) et par une protection du marché national. Cette politique résulte d’un choix fort, initié par Jawarhalal Nehru, qui définit un « Socialisme à l’indienne », situé entre le modèle capitaliste et le socialisme soviétique, longtemps qualifié de « troisième voie ». Ce choix politique s’inscrit dans un mouvement nationaliste plus général défini plusieurs décennies auparavant par quelques intellectuels, traduit par les idées de swadeshi188 dans le domaine

188 Le concept de swadeshi s’inscrit directement dans les principes de développement autocentré, définis par les politiques

gouvernementales de l’Inde indépendante, bien qu’étant apparu au début du siècle dans des discours politiques appelant l’ostracisme des produits non-indiens. Le terme est dérivé du sanskrit sva et desh, littéralement « propre pays ». Une grande diversité d’ouvrages traite de cet aspect de manière centrale. Voir notamment Boquerat G., in Landy F., (dir)., 2002.

de l’économie, et de Hind swaraj, initié par la pensée du Mahatma Gandhi189. Ces

mouvements reposent tous sur la même volonté affirmée d’assurer l’indépendance du pays, l’autonomie économique étant la première étape, illustrée par la maxime « Be

Indian, buy Indian ».

La politique de planification, notamment le 1er plan quinquennal (1951-1956) vise à

stabiliser une économie perturbée par les effets de la Seconde Guerre mondiale et par le partage de l’Empire des Indes. L’ensemble des mesures prises durant cette période est un réel succès : l’Union indienne connaît une première phase de démarrage.

Malgré un protectionnisme supposé limiter les effets des fluctuations de l’économie internationale, la dépendance vis-à-vis du pétrole expose le pays à une crise économique liée aux deux chocs pétroliers, à laquelle s’accompagne une crise politique, si bien que l’Etat d’urgence est déclaré le 25 juin 1975. L’agriculture d’abord, puis l’industrie connaissent de médiocres performances, et le pays s’enlise peu à peu.

Pour sortir de cette situation, il s’agit de faire appel à des avances de fonds étrangers qui obligent en contrepartie le Gouvernement à repenser son modèle de développement et à engager un processus de réformes visant à la lente libéralisation du marché intérieur. Les années 1980 à 1984 marquent ainsi un assouplissement dans le système économique indien. Malgré les efforts des responsables du Parti du Congrès, en particulier d’Indira Gandhi puis de son fils Rajiv, les réformes ne se poursuivront pas totalement. Elles se sont avérées positives dans de nombreux secteurs : l’industrie se modernise, les transferts de technologie se développent : autant de témoins qui ouvrent vers une nouvelle ère pour la politique économique de l’Inde et sa participation aux échanges mondiaux.

La fin des années 1980 est marquée par un retour à une réglementation forte : lourdes formalités administratives envers les potentiels investisseurs extérieurs, fussent-ils indiens non-résidents (NRI) ou étrangers, renforcement des barrières douanières, règlements et contrôles dans le secteur privé limitent de manière drastique les échanges. Les lenteurs deviennent de plus en plus coûteuses : outre l’augmentation de la corruption, conséquence de nombreux blocages administratifs, la période est marquée par une baisse de la production, une fuite de devises et des déficits budgétaires. La crise touche le pays, si bien que de nouvelles et profondes réformes s’imposent.

Après plus de cinquante ans d’une politique à dominante protectionniste, la participation indienne au commerce mondial est passée de 1,78 % (1950) à 0,53 % (1991)190. Le Gouvernement du Premier Ministre Narashima Rao (parti du Congrès), par l’intermédiaire de son Ministre des Finances Manmohan Singh et sous la pression des organisations internationales191, accélère les réformes économiques et remet en cause le modèle de développement - la voie indienne -, initié par le premier Premier Ministre de l’Union Jawarhalal Nehru dès le début de son arrivée au pouvoir. Le discours qui accompagne cette remise en question ne s’inscrit pas dans la rupture mais dans la lignée des objectifs poursuivis par Nehru, croissance et justice sociale, par des moyens différents. Le Gouvernement du VIIIe Plan met donc en place une politique de libéralisation, qui

passe par une déréglementation et une ouverture du marché national. L’élément clé de ce nouveau processus de réformes est l’amélioration de l’environnement fiscal et financier : diverses subventions sont supprimées (dans le domaine agricole ou au niveau des exportations). Les crédits de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International

189 Gilles Boquérat montre le lien entre politique et économique qui a prévalu au sein du gouvernement indépendant. 190 Economic Survey 1996-97, Economic Division, Ministry of Finance, Government of India, New Delhi, p.88, cité par

Boquerat, G. op. cit. p.27.

participent à arrêter la fuite de devises et à limiter ses conséquences. L’industrie et l’ensemble du secteur privé bénéficient d’un ensemble de mesures en vue d’une ouverture : la suppression du système de licences pour la création des industries et pour leur extension participe à donner un élan à la libre entreprise.

Cette politique contribue à créer un cadre favorable pour les investisseurs privés, étrangers et indiens, si bien que les flux d’investissements directs extérieurs augmentent progressivement. D’autres éléments sont favorables à ce dynamisme, parmi lesquels un abaissement des tarifs douaniers et un choix de dévaluer la roupie afin qu’elle puisse être convertible192 et intégrée aux marchés financiers internationaux. En 1994, après une forte opposition entre les responsables gouvernementaux, l’Inde adhère à l’O.M.C., acceptant ainsi les grands principes et les contraintes imposés par cette organisation, notamment dans le domaine de la propriété intellectuelle, industrielle et dans le secteur agroalimentaire.

Cependant, la prudence est encore de mise dans la politique menée par les gouvernements qui se succèdent depuis le début des années 1990, tous conscients de la fragilité du pays dans les rapports de force mondiaux. La libéralisation est un processus mené de manière graduelle, comme cela avait été prévu dès 1991, date à laquelle le Times

of India remarquait : « l’Inde est sur le point de rejoindre l’économie mondiale, mais à son

propre rythme et sur ses propres termes. » (Times of India, cité par Zins M-J., 1992 : 78).

4.1.2 Les traits de la mondialisation en Inde : une ouverture partielle et une

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