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Ulysse ou le thème du retour

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1.2.1. L’absurde : tragique de la condition ou pathologie ?

2.1.1.7 Ulysse ou le thème du retour

Ce thème du retour n’est pas sans évoquer le mythe d’Ulysse68 auquel Camus fait également référence. Dans une première version de L’Homme révolté, Camus écrit :

Le goût de la terre, les souvenirs de la chère Ithaque emplissent alors sa bouche. Il refuse l'immortalité, renonce au rêve et à l'impossible et prend à nouveau la mer. Il choisit contre la divinité, la patrie de chair, le lit d'une femme […] Ulysse revient vers la terre où l'on meurt. La pensée frugale et ironique, la générosité de l'homme qui sait, le soutiendront. Athéna, de nouveau, lui apparaitra dans Ithaque et le voici devant les prétendants, qui tend l'arc pour refaire ses preuves, conquérir ce qu'il possède déjà, la maigre moisson de ses champs, le bref amour de cette terre. A cette heure où nait enfin un homme, il faut laisser l'époque et ses fureurs adolescentes. L'arc est tendu, le faisceau des muscles se tord à la limite des forces, le bois noir crie d'un bout à l'autre, tandis que vibre la triple corde. Au sommet de la plus haute tension, va jaillir l'élan d'une droite flèche, du trait le plus dur et le plus libre69.

Ulysse, roi d’Ithaque, est connu pour sa métis « intelligence rusée ». Dans l’Odyssée, Homère chante son périple au retour de Troie. Si Ulysse intéresse Camus

68 A son retour chez lui, à Ithaque, après un long périple, Ulysse, pour prouver son identité et sauver sa femme des prétendants, doit tendre son arc (seul Ulysse en est capable) : « Tous l’observèrent [Ulysse] fixement tandis qu’il prenait l’arc et l’examinait. Puis, avec une aisance facile, comme un musicien fixe une corde à sa lyre, il plia l’arc et le courba. Il mit une flèche sur la corde tendue et tira, et sans bouger de son siège, il la fit traverser les douze cercles. », Edith Hamilton, « Les aventures d’Odysseus » in : La mythologie : Ses dieux, ses héros, ses légendes, op. cit., p. 280. 69 « Appendices de L’Homme révolté » in : OC III, p. 1259.

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c’est parce qu’il reste fidèle à la terre et aux hommes, « Ulysse peut choisir chez Calypso entre l’immortalité et la terre de la patrie. Il choisit la terre et la mort avec elle »70. Le personnage homérique a toutes les qualités du révolté que Camus ne cesse de prôner au fil des pages de L’Homme révolté. L’exergue d’Hölderlin place d’ailleurs d’emblée l’essai sous le signe de cet attachement profond à la terre :

Et ouvertement je vouai mon cœur à la terre grave et souffrante, et souvent, dans la nuit sacrée, je lui promis de l'aimer fidèlement jusqu'à la mort, sans peur, avec son lourd fardeau de fatalité, et de ne mépriser aucune de ses énigmes. Ainsi, je me liai à elle d'un lien mortel71.

Le thème du retour est également très présent dans Le Premier Homme. Ce roman est considéré comme un roman du retour : retour à l’enfance, retour aux racines, retour aux origines dans la perspective de la recherche du père dont l’absence est douloureuse. La recherche du père est un échec. Un échec que Maurice Weyembergh assimile à « l’histoire de la colonisation de l’Algérie et [de] sa tragédie »72 Il n’est pas de « premier homme » dont Jacques/Camus pourrait suivre les traces. « A 35 ans le fils va voir sur la tombe de son père et s’aperçoit que celui-ci est mort à 30 ans »73. Camus ajoute : « En réalité chacun de nous, y compris moi, est d’une certaine façon le premier homme, l’Adam de sa propre histoire. »74

Chaque homme est tenu de tracer seul son chemin, d’apprendre de ses expériences et d’affronter son destin avec lucidité.

2.1.1.8 Déterminisme et libre arbitre

Pour Koestler, les mythes expriment « la contradiction entre l’omnipotence divine et les efforts de l’homme »75. Aussi, écrit-il : « Eve eats the fruit of knowledge of good and evil against the will of the Lord ; Prometheus steals the fire

70 « L’Exil d’Hélène », L’Eté in : OC III, p. 600. 71 L’Homme révolté in : OC III, p. 61.

72 Maurice Weyembergh, Albert Camus ou la mémoire des origines, op. cit., p. 12. 73 « Cahier VII » in : OC IV, p. 1117.

74 Cité par Antoine de Gaudemart, Libération, 14 avril 1994. 75 YC, trad. p. 338.

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mythes anciens. « Destiny versus freedom […] is an eternal duality in man’s mental structure »77. Koestler définit le déterminisme comme un « besoin d’être protégé par un ordre universel »78 et le libre arbitre comme un ensemble « d’élans vers l’action »79. Pour l’écrivain hongrois, le déterminisme ou la croyance primitive en un dieu tout-puissant l’emporte sur la volonté et la possibilité d’action.

Thus each Promethean attempt ends in defeat, punishment or humiliation ; the Augean stableis never cleaned, the Danaïd’s vessel never filled, Sisyphus’ labours are eternally in vain : the desire for protection is stronger than the self-confidence of making the right choice80.

Il suffirait, selon Koestler, que la race humaine fût biologiquement moins vulnérable pour que « …each battle would end with Promethean victory over the gods and the race would grow up free, self confident, without priest, leaders and kings »81. Koestler poursuit en prenant l’exemple d’Œdipe qui tout en l’ignorant accomplit son destin. « The fates know that of his free choice he would never slay his father and marry his mother, so they trick him into itunder false pretences. His "freedom" is contained in their calculus and hence not worth much »82. Camus, en revanche, loue la clairvoyance d’Œdipe qui, en dépit du tragique de la situation, juge que tout est bien. « Œdipe sait qu'il n'est pas innocent. Il est coupable malgré lui, il fait aussi partie du destin. Il se plaint, mais ne prononce pas les paroles

76 YC, p. 230 ; trad. p. 338 : « Eve mange le fruit de la connaissance du bien et du mal contre la volonté du Seigneur ; Prométhée dérobe le feu aux dieux, Jacob combat avec l’ange, la Tour de Babel est construite et détruite. »

77 YC, p. 228 ; trad. p. 335 : « Destinée contre Liberté […] est une dualité éternelle de structure dans l’esprit humain. »

78 YC, trad. p. 336. 79 YC, trad. p. 337.

80 YC, p. 230 ; trad. p. 338-339 : « Ainsi chaque tentative de Prométhée se termine-t-elle par la défaite, par le châtiment, ou par l’humiliation ; les écuries d’Augias ne sont jamais nettoyées, le tonneau des Danaïdes n’est jamais rempli, la peine de Sisyphe est éternellement vaine ; l’homme a plus besoin de protection qu’il n’a de confiance dans la justesse de son choix. »

81 YC, p. 230 ; trad. p. 339 : « …toutes les batailles se termineraient par le triomphe de Prométhée sur les dieux et la race des hommes grandirait libre et sûre d’elle-même, sans prêtres ni chefs ni rois. »

82 YC p. 231 ; trad. p. 339 : « Les Destinées savent que, libre de ses actes, il n’aurait jamais tué son père ni épousé sa mère, aussi le font-elles tomber dans le piège de fausses apparences. Sa "liberté" est incluse dans leurs calculs et n’a donc guère de valeurs. »

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irréparables »83. Il célèbre ainsi la culture et la civilisation grecques auxquelles il tient tant. « La réflexion grecque, cette pensée aux deux visages, laisse presque toujours courir en contre-chant, derrière ses mélodies les plus désespérées, la parole éternelle d'Œdipe qui, aveugle et misérable, reconnaîtra que tout est bien »84.

La pensée de Camus rejoint parfois celle de Koestler aussi bien sur le plan esthétique que sur le plan thématique. « Ainsi tous les mythes de Camus se raccordent-ils dans sa quête de la justice […] Les mythes ont, en effet, le langage poétique de la morale et de la politique »85. Les mythes auxquels les deux auteurs font référence, loin d’être des fioritures de style, traduisent leur intérêt profond pour la condition des hommes, pour leur souffrance, leur solitude, leur goût de la justice, leur passion de vivre et leur quête du bonheur.

83 L’Homme révolté in : OC III, p. 84. 84 Ibid.

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« Le symbole donne à penser. »86

e symbole est, à l’origine, « un objet coupé en deux, dont deux hôtes conservaient chacun une moitié qu’ils transmettaient à leurs enfants, ces deux parties rapprochées […] servaient à faire reconnaître les porteurs et à prouver les relations d’hospitalité contractées antérieurement »87. Il est, selon Paul Ricœur, « toute structure de signification où un sens direct, primaire, littéral désigne par surcroît un autre sens indirect, secondaire, figuré, qui ne peut être appréhendé qu’à travers le premier »88. Les œuvres de Camus et de Koestler foisonnent en symboles. « Loin de caractériser la raison abstraite, le symbole est propre à la manière intuitive et sensitive d'appréhender les choses »89. Notre volonté sera de sonder les mystères de l’écriture de Camus90 et de Koestler. Loin d’être exhaustive, l’étude qui suit s’efforcera d’analyser quelques images symboliques afin de mettre en lumière les correspondances et les divergences esthétiques des deux auteurs. Il nous sera également donné, d’une part, de nous intéresser à la portée significative de ces symboles car « interpréter un symbole, c'est évidemment se demander de quoi il est symbole »91, et, d’autre part, d’expliquer certains moments clés des œuvres en déchiffrant les différents symboles qu’ils mettent en scène, toujours par rapport à cet intérêt voué à l’homme et à sa condition.

86 Paul Ricœur ; « Cette sentence qui m’enchante dit deux choses : le symbole donne ; mais ce qu’il donne, c’est à penser, de quoi penser. », « Le symbole donne à penser » in Esprit, 27/7-8, 1959. 87 Dictionnaire grec-français d’A. Bailly, Paris, Hachette, 1963, p. 1821.

88 Paul Ricœur, Le Conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969, p. 16. 89 Tzvetan Todorov, Théories du symbole, Paris, Seuil, 1977, p. 236.

90 Camus avait souhaité que l’on s’intéresse à la « part obscure » de son œuvre. « Que croyez-vous que les critiques français aient négligé dans votre œuvre ? » lançait-on à Camus en 1959. « La part obscure, ce qu’il y a d’aveugle et d’instinctif en moi, répondait-il. La critique française s’intéresse d’abord aux idées. », Cité par Olivier Todd in : Albert Camus. Une Vie, op. cit., p. 15.

91 Dominique Jameux, « Symbole », Encyclopoedia Universalis [en ligne], URL / http ://www.universalis.fr/encyclopedie/symbole/ (Dernière consultation le 12 janvier 2016).

190 2.1.2.1 La lune

L’astre lunaire illustre la quête d’absolu de Caligula. A plusieurs reprises, il exprime son désir de posséder la lune comme un appel à l’impossible. La lune est un symbole romantique disant le désir de l’inaccessible. Selon le Dictionnaire des symboles, elle

est aussi le premier mort. Pendant trois nuits, chaque mois lunaire, elle est comme morte, elle a disparu… Puis elle reparaît et grandit en éclat. De même, les morts sont censés acquérir une nouvelle modalité d’existence. La lune est pour l’homme le symbole de ce passage de la vie à la mort et de la mort à la vie92.

Caligula est obsédé par la lune comme il est obsédé par l’idée de la mort qui rend les hommes malheureux. « Et lorsque tout sera aplani, l'impossible enfin sur terre, la lune dans mes mains, alors, peut-être, moi-même je serai transformé et le monde avec moi, alors enfin les hommes ne mourront pas et ils seront heureux »93. L’ « impossible sur terre » serait le signe de la grâce descendue des cieux sur la terre ̶ sur laquelle il ne faut cependant pas compter. Caligula se lasse de courir après la lune et prend « le visage bête et incompréhensible des dieux »94 pour accomplir lui-même son destin. Posséder la lune lui permettrait de dépasser cette condition mortelle. De plus, « [c]e que la Lune révèle à l’homme […] ce n’est pas seulement que la Mort est indissolublement liée à la Vie, mais aussi, et surtout, que la Mort n’est pas définitive, qu’elle est toujours suivie d’une nouvelle naissance »95. La lune symbolise également « le principe féminin »96. D’ailleurs, dans la version de 1941 de Caligula, la lune est explicitement associée à Drusilla. « Si j’avais eu la lune, ou Drusilla »97, dit l’empereur. Ce dernier évoque l’astre comme s’il s’agissait d’une femme : « Depuis le temps que je la regardais et que je la caressais

92 Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles : Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, op. cit., p. 590.

93 Caligula in : OC I, p. 339. 94 Ibid., p. 363.

95 Mircea Eliade, Le Sacré et le Profane, traduit de l'allemand de Das Heilige und das Profane, Paris, Gallimard, 1965.

96 Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles : Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, op. cit., p. 590.

97 Cité par Sophie Bastien in : Caligula Et Camus: Interférences Transhistoriques, Volume 64, Rodopi, 2006, note 116, p. 129.

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mon lit, s'y est coulée et m'a inondé de ses sourires et de son éclat »99. A l’instar d’Albert Mingelgrün, il nous est possible d’évoquer une « inspiration féminisatrice [une] tension fortement sexuée »100. Caligula est épris de la lune comme un amoureux est épris du corps de sa bien-aimée. « Posséder la lune, "Maîtresse des maîtresses", revient à posséder la Nature entière, à se fondre en elle : acte d’amour typiquement dionysiaque, qui explicite le fond de la quête de la lune »101. Cette érotisation de la lune rappelle l’union de Dionysos avec Ariane102 : l’union de la folie et de la lune. Or la démence de Caligula n’est qu’illusoire, elle témoigne, paradoxalement, de toute la lucidité dont fait preuve le personnage. Sa « folie » semble organisée et il est décidé à pousser sa logique jusqu’au bout.

Le symbolisme lunaire renvoie, selon Isabelle Cielens, à un exil métaphysique et explique le « comportement insensé mais logique de Caligula »103, d’où, peut-être, son besoin de remplacer les divinités.

2.1.2.2 Le miroir

Dans cette pièce et à côté du symbole de la lune, siège l’image du miroir,

bien plus qu’un simple accessoire du décor, [c’]est un actant, c’est-à-dire qu’il est partie prenante dans le déroulement de la pièce, passant peu à peu du rôle et du rang d’interlocuteur et de protagoniste de Caligula, à celui de support et de réceptacle même de son être104.

98 Caligula in : OC I, p. 364. 99 Ibid., p. 365.

100 Albert Mingelgrün, « Caligula ou comment s’écrit la maladie de la lune », L’Information Littéraire, Vol. 43, n° 4, 1991, p. 16.

101 Anne-Marie Amiot citée par Géraldine F. Montgomery in Noces pour femme seule: le féminin et le sacré dans l'œuvre d'Albert Camus, New-York, Rodopi, 2004, p. 220.

102 « Ariane était à l’origine une divinité lunaire. Les épisodes qui suivent la rencontre d’Ariane et de Dionysos parachèvent sa dimension mystique : enlèvement, hiérogamie, triomphe et déification de l’héroïne, qui siège désormais dans le ciel aux côtés de son époux », Nathalie Mahé, Le mythe de Bacchus, Paris, Fayard, 1992, p. 25.

103 Isabelle Cielens, Trois fonctions de l’exil dans les œuvres de fiction d’Albert Camus : initiation, révolte, conflit d’identité, op. cit., p. 68.

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Le symbole du miroir peut traduire, d’une part, le désir d’une introspection ou d’une autocritique, et, d’autre part, évoque le narcissisme. Caligula fait petit à petit le vide autour de lui. Il ne lui reste plus que son reflet dans le miroir auquel il s’adresse directement : « […] c'est toi que je rencontre, toujours toi en face de moi, et je suis pour toi plein de haine »105. Un dédoublement de la personnalité s’opère alors. Caligula fait de son reflet son interlocuteur et le prend à témoin : « Tu le vois bien »106.

« Que reflète le miroir ? La vérité, la sincérité, le contenu du cœur et de la conscience »107. Aussi, Caligula ouvre son cœur à ce miroir et se laisse submerger par l’émotion. En témoignent des expressions telles que : « se pressant contre le miroir »108, « S'agenouillant et pleurant »109, « il tend les mains vers le miroir en pleurant »110. Dans les Carnets de Camus, on peut lire : « L'absurde, c'est l'homme tragique devant un miroir (Caligula). Il n'est donc pas seul. Il y a le germe d'une satisfaction ou d'une complaisance. Maintenant, il faut supprimer le miroir »111. Supprimer le miroir signifie le dépassement de l’absurde. Mais le dépassement de l’absurde ne peut se passer de la solidarité des hommes. Caligula, lui, brise le miroir et anéantit son image pour mourir seul sans autre référence que lui-même. Le miroir comme outil de contemplation rappelle également l’attachement du despote à son apparence physique. Dans L’Homme révolté, il est question de l’interaction dandy/miroir. Le miroir est ici la représentation symbolique du public et l’expression de l’égotisme du personnage romantique. La provocation du dandy transparait à travers les moyens esthétiques et singuliers dont il use en vue de créer sa propre unité. S’obstinant dans la négation, il n’est crédible qu’en tant que personnage exposé aux yeux d’un public. Celui-ci faisant office de miroir dans lequel l’image du dandy se reflète, « les autres sont le miroir »112. « Vivre et mourir

105 Caligula in : OC I, p. 388. 106 Ibid., p. 387.

107 Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles : Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, op. cit., p. 637.

108 Caligula in : OC I, p. 387. 109 Ibid., p. 388.

110 Ibid.

111 « Cahier IV » in : OC II, p. 995. 112 L’Homme révolté in : OC III, p. 105.

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Dans l’œuvre de Koestler, cet objet s’apparente, d’une part, à une érotisation du corps, et, d’autre part, à une analyse introspective, une remise en question. Nue, face au miroir, Heydie se regarde, trouvant sa nudité « imparfaite »113. « The main trouble of course were her legs —heavy and rather shapeless. They seemed to contadict the slim shoulders and slender waistline »114. Comme Caligula, elle s’adresse à son reflet. Elle se plaint de ne pas parvenir à affirmer sa personnalité et de systématiquement jouer le rôle que les autres lui imposent. Sa cage de verre qui émerge dans le réseau des symboles-clés dans The Age of Longing, l’empêche certainement de s’extravertir et de s’épanouir pleinement.

2.1.2.3 La cage de verre

La cage est le symbole de l’emprisonnement alors que le verre est signe de fragilité et de transparence. L’alliance de ces deux éléments semble être, dans l’œuvre koestlérienne, le symbole d’une incapacité à dévoiler et à exprimer ses sentiments. « In his thoughts, the Colonel called Hydie sentimentally hisdark nymph, while Hydie thought of her father as the "perplexed Liberal" ; but such was their mutual shyness that even the idea of pronouncing these words made each of them blush in their separate glass cages »115. Heydie voudrait se libérer de cette cage et briser toutes les autres cages :

Here was another man living in his own portable glass cage. Most people she knew did. Each one inside a kind of invisible telephone box. They did mot talk to you directly but through a wire. Their voices came through distorted and mostly they talked to the wrong number, even when they lay in bed with you.

113 AL trad. p. 52.

114 AL, p. 46 ; trad. p. 52 : « Ses jambes étaient trop lourdes, elles semblaient contredire les minces épaules, la taille fine. »

115 AL, p. 43 ; trad. p. 48 : « Dans ses pensées, le colonel appelait sentimentalement Heydie sa nymphe brune, tandis que Heydie avait surnommé son père le bon libéral navré ; mais leur timidité mutuelle était telle que la seule idée de prononcer ses mots les faisait chacun rougir dans sa cage de verre. »

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And yet her craving to smash the glass between the cages had come back again116.

Cette référence à la cage de verre n’est pas sans évoquer la timidité maladive de l’auteur. « Chez lui le produit le plus pénible de l’immaturité affective fut la timidité »117. La cage de verre est évoquée au sein d’Arrival end Departure. Elle rend compte de la solitude de Peter qu’il ne brise que très rarement pour communiquer avec ceux qui l’entourent118.

Cependant, il arrive que cette cage de verre fonde. En contemplant la statue