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La peine capitale : une expérience intime pour Koestler et Camus

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1.1.1. Réflexions sur la peine capitale 14

1.1.1.4 La peine capitale : une expérience intime pour Koestler et Camus

Au-delà du combat éthique et politique en vue d’abolir la peine capitale, il s’agit aussi bien pour Camus que pour Koestler d’une expérience intime.

Arthur Koestler a intimement vécu l’expérience des condamnés à mort. C’est dans son Testament Espagnol54 qu’il narre l’histoire de sa déréliction dans l’attente d’une exécution imminente.

Le 8 Février 1937, Malaga55 tombe aux mains des franquistes. Koestler, alors correspondant du News Chronicle56 en Espagne, est arrêté par les phalangistes de Franco. Transféré dans une prison de Séville, après un séjour de cinq jours au poste de police à Malaga où il fut témoin de violences policières, on lui attribue le statut d’ « incommunicado »57. Dans l’isolement, il apprend qu’il est condamné à mort. Chaque nuit, croyant son tour venu, il tend l’oreille. Le grincement des portes, la sonnette du prêtre, les cris effrayés, les pleurs étouffés, les appels à la « Madre », l’odeur de la mort et puis soudain le calme morbide créent autour de lui une atmosphère angoissante voire cauchemardesque58. Trois mois durant, il souffrira ces circonstances, attendant, en huis clos, son exécution. « Trois mois, ma pensée a tourné comme une toupie autour de son axe imaginaire : la mort. Je la croyais

53 Réflexions sur la guillotine in : OC IV, p. 148.

54 Autobiographie d’Arthur Koestler parue en anglais sous le titre de Spanish Testament en 1937, révisée et rebaptisée en 1954 par Koestler Dialogue with Death « Dialogue avec la mort ». Pour plus de détails voir l’Introduction de Phil Casoar au Dialogue avec la mort in : Arthur Koester. Œuvres Autobigraphiques, Phil Casoar (Dir.), Paris, Coll. Bouquin, Ed. Robert Laffont, 1994, p. 783-784. 55 Ville espagnole située à l’ouest de la Méditerranée à cent kilomètres à l’est du Détroit de Gibraltar. 56 Journal quotidien britannique. Il cesse de paraître en 1960.

57 Statut qui signifie qu’il est isolé des autres prisonniers.

58 « Chaque nuit nous mettions nos vies dans la balance et chaque nuit il en manquait. […] nous entendions le bruit strident de la sonnette de la nuit. C’était le prêtre avec le peloton d’exécution. […] Alors commençaient l’ouverture de la porte, le tintement de la clochette du sanctus, la prière du prêtre, les appels au secours et les Madre ! », Arthur Koestler, Dialogue avec la mort, traduit de l’anglais par Simone Lamblin in : Arthur Koestler. Œuvres Autobiographiques, Phil Casoar (Dir.), op. cit., p. 918.

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proche quand elle était à des lieues, je dormais et riais en rêve tandis qu’elle venait prendre mon voisin »59.

La citation d’André Malraux est mise en épigraphe de son témoignage : « Une vie ne vaut rien. Mais rien ne vaut une vie »60. Une vie ne vaut rien dans le sens où les régimes politiques ont fait fi de la vie humaine en perpétrant guerres et génocides. « Dans l’équation sociale, la valeur d’une seule vie est nulle ; dans l’équation cosmique, elle est infinie »61. La vie humaine perd de sa valeur face aux philosophies et idéologies qui gouvernent le monde politique du XXe siècle. Cependant « rien ne vaut une vie » est à comprendre dans le sens où il n’est rien de plus précieux qu’une vie humaine. L’on saisit alors la portée de ce Testament dont Koestler dit lui-même qu’on pourrait l’appeler « Variations sur la mort » ou plutôt « Sur la peur de mourir »62. Sa condamnation l’aura marqué au fer rouge. Au-dessus de ses réminiscences nocturnes, plane l’odeur de la mort. On l’entraîne et on le tue dans l’indifférence générale. « Il y a un rêve qui m’assaille à intervalles presque réguliers : il fait nuit et on est en train de m’assassiner dans une sorte de taillis ou de fourré ; à quelques dix mètres de distance se trouve une route passagère. Je crie au secours, mais personne ne m’entend ; la foule passe en continuant de bavarder »63. Cette peur de mourir partagée avec des milliers d’autres condamnés aura ancré en lui cette passion qu’il vouera au combat abolitionniste. Le même cauchemar hante les nuits de Jacques, personnage central du Premier Homme et alter ego d’Albert Camus. « Et, sa vie durant, ces images l’avaient poursuivi jusque dans ses nuits où de loin en loin, mais régulièrement, revenait un cauchemar privilégié, varié dans ses formes, mais dont le thème était unique : on venait le chercher, lui, Jacques, pour l’exécuter »64.

59 Arthur Koestler, Un Testament Espagnol, traduit de l’angalis par Denise Van Moppès, Paris, Coll. Le Livre de Poche, Albin Michel, 1939, p. 260.

60 Citation tirée des Conquérants de Malraux.

61 Arthur Koestler, Hiéroglyphes, traduit de l’anglais par Denise Van Moppès in Arthur Koestler. Œuvres Autobiographiques, Phil Casoar (Dir.), op. cit., p. 655.

62 Arthur Koestler, « Introduction » in : Un Testament Espagnol, op. cit., p. 7. 63 YC, trad. p. 129.

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verdict bouleversa toute l’Angleterre. Alcoolique et maltraitée par son amant David Blakely, elle aurait néanmoins pu bénéficier de circonstances atténuantes au sein d’un autre système législatif quoique ses cheveux blonds peroxydés aient fait mauvaise impression et bien qu’elle ait reconnu de plein gré la préméditation. Au lendemain de l’exécution, le 14 Juillet 1955, on peut lire dans son agenda « Lancement de la croisade contre la peine capitale »66. Il mènera cette croisade, car il est toujours question de croisades, aux côtés de Victor Gollancz67 et du chapelain de la cathédrale Saint-Paul de Londres, le révérend Canon John Collins68

et se jettera avec passion dans ce combat qui lui tenait tout particulièrement à cœur. Cynthia69 raconte :

Il était comme possédé et le sujet n’était jamais loin de son esprit. Si nous allions dans un pub boire un verre, il entamait une discussion avec le patron – c’était peut-être sa manière de prendre le pouls de la nation. Tous les tenanciers de pub étaient favorables à la peine capitale, allant en cela dans le sens de ce que voulait Arthur, qui présentait alors une défense diaboliquement construite et objective de l’abolition. Il ne réussit jamais à convertir un seul irréductible, mais il ne perdit jamais espoir. Même à la fin d’une journée l’obsession continuait à le poursuivre70.

C’est ainsi qu’il entreprit d’écrire ses Réflexions sur la potence (Reflections on Hanging) dont une première version fut adressée à Gollancz le 3 octobre 1955. C’est sous le pseudonyme de Vigil que ces Réflexions furent publiées en feuilleton

65 Jugée coupable du meurtre de son amant David Blakely, Ruth Ellis fut la dernière femme exécutée au Royaume-Uni à l’aube du 13 juillet 1955. Elle fut pendue au sein de la Prison d’Holloway par le bourreau Albert Pierrepoint.

66 Cynthia Koestler, L’Etranger du square traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra in : Arthur Koestler Œuvres Autobiographiques, op. cit., p. 1332.

67 1893-1967 : éditeur britannique socialiste. Activiste dans le domaine humanitaire, il obtint en 1960 le Prix de la Paix du marché allemand du livre (Friedenspreis des Deutschen Buchhandels) lors de la foire de Francfort.

68 1905-1982 : prêtre qui participa activement à plusieurs²mouvements politiques radicaux au Royaume-Uni. Fondateur de l’organisation Christian Action en vue d’une réconciliation avec l’Allemagne. En 1951, il recueillit des fonds pour défendre des militants anti-apartheid accusés de trahison en Afrique du Sud. Il fut également l’un des fondateurs de la Campagne pour le désarmement nucléaire et membre de The Anglican Pacifist Fellowship aux côtés du révérend Sidney Hinkes.

69 Dernière épouse d’Arthur Koestler.

70 Rapporté par Michel Laval in : L’Homme sans concessions, Arthur Koestler et son siècle, Paris, Calmann-Lévy, 2005, p. 607/608.

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dans l’Observer à partir du 21 janvier 1956 pour paraître enfin fin avril 1956. Le sentiment de solidarité qui l’unit aux hommes et sa volonté de mettre un terme au « cauchemar » 71 des condamnés à mort dans leur cellule alimentent cet engagement. « L’objet de mon livre, écrit-il, est d’abord celui d’épargner à une douzaine de pauvres diables de passer chaque année par les terreurs et les souffrances d’une expérience identique à celle que j’ai faite »72. Koestler consacre un passage où il détaille avec minutie les préparatifs liés à l’exécution. Nous ne pouvions faire l’impasse sur cet extrait poignant qui rend compte de ce que le condamné, tel une marionnette aux mains du bourreau, endure :

The horror of the operation remains even if there is no struggle or dementedness in the condemned cell. The preparations on the previous day when executioner and assistant discreetly take the measure and weight of the victim to determine the length of the drop ; the dress rehearsal of dropping a stuffed sack of the same weight to make sure that the estimated length of rope will neither strangle the victim too slowly nor tear his head off ; the jolly domino game in the condemned cell while the preparations go on and the hour draws nearer ; the stratagems to make him sit with his back to the door through which the executioner will enter ; the brisk, businesslike opening of that door, the pinioning of the hands behind the back and the walking or dragging him in solemn processsion to the execution shed and on to the white chalk mark on the trap ; the tying of his legs while two officers stand at his sides on planks thrown across the trap, to hold him up ; the fixing of the white cap and the noose with its sliding brass ring…73

Ce passage évoque un fragment analogue de Camus encore plus pathétique que nous ne pouvions taire :

71 Par référence à la partie non traduite de Reflections on Hanging et qui s’intitule « The end of the nightmare » ; « La fin du cauchemar ».

72 Propos rapportés par Jacques Léauté dans « Le combat contre la peine de mort » in : Cahier Koestler, op. cit., p. 347.

73 RH, p. 141 ; « L'horreur de l'opération demeure même s'il n'y a pas de lutte ou de démence dans la cellule du condamné. Les préparatifs de la veille où le bourreau et l'assistant prennent discrètement la mesure et le poids de la victime pour déterminer la longueur de la corde ; la répétition générale de la chute d'un sac rempli du même poids pour s'assurer que la longueur estimée de la corde n'étranglera pas la victime trop lentement ou ne déchirera pas sa tête ; le joyeux jeu de dominos dans la cellule du condamné tandis que les préparatifs se poursuivent et que l'heure se rapproche ; les stratagèmes pour le faire s'asseoir le dos à la porte par laquelle le bourreau entrera ; l'ouverture rapide de cette porte, les mains derrière le dos et la marche en procession solennelle jusqu’au hangar de l’exécution et à la marque de craie blanche sur le piège ; l'attelage de ses jambes tandis que deux officiers se tiennent à ses côtés sur des planches jetées à travers le piège, pour le tenir debout ; la fixation du chapeau blanc et du nœud coulissant. »

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matin, nous nous glissions dans votre cellule, ayant quitté nos chaussures pour mieux vous surprendre dans le sommeil qui vous écrasera, après l'angoisse de la nuit. Nous nous jetterons sur vous, lierons vos poignets dans votre dos, couperons aux ciseaux le col de votre chemise et vos cheveux s'il y a lieu. Dans un souci de perfectionnement, nous ligoterons vos bras au moyen d'une courroie, afin que vous soyez contraint de vous tenir voûté et d'offrir ainsi une nuque bien dégagée. Nous vous porterons ensuite, un aide vous soutenant à chaque bras, vos pieds traînant en arrière à travers les couloirs. Puis, sous un ciel de nuit, l'un des exécuteurs vous empoignera enfin par le fond du pantalon et vous jettera horizontalement sur une planche, pendant qu'un autre assurera votre tête dans une lunette et qu'un troisième fera tomber, d'une hauteur de deux mètres vingt, un couperet de soixante kilos qui tranchera votre cou comme un rasoir74.

Il est question de l’angoisse subie par le condamné. Cette peur « dévastatrice, dégradante »75 dans l’attente du dénouement mortel surpasse la peur de la mort. Le champ lexical usité par Camus crée une atmosphère insoutenable. Les expressions telles « terrible…mort…épouvante…violence mortelle…horreur…folie…torture…les affres du désespoir animal…peur…acide…angoisse »76 traduisent l’affliction de l’homme, qui sachant qu’il va mourir sous le joug du bourreau, espère jusqu’à la dernière minute être gracié. Une première mort l’accable et l’anéantit77. On détruit son moral, on bafoue sa dignité, on piétine son intégrité et on finit par briser son corps. Tels sont les ravages de la peine de mort.

Pour appréhender l’obsession de la guillotine chez Camus, il nous faut remonter peu avant la guerre de 1914. Un ouvrier agricole, coupable d’avoir assassiné une famille de fermiers et leurs enfants et ayant aggravé sa situation en volant ses victimes, se vit condamné à être décapité. Lucien Auguste Camus, le père d’Albert Camus, particulièrement révolté et indigné par ce « délire du sang »78, avait soutenu la peine infligée à ce criminel, la jugeant probablement « trop douce pour un pareil monstre »79. Il s’était donc décidé à assister au supplice et partit dans

74 Réflexions sur la guillotine in : OC IV, p. 132. 75 Ibid., p. 144.

76 Ibid., p. 144-145.

77 « En règle générale, l’homme est détruit par l’attente de la peine capitale bien avant de mourir. On lui inflige deux morts, dont la première est pire que l’autre, alors qu’il n’a tué qu’une fois. », Ibid., p. 148.

78 Ibid., p. 127. 79 Ibid.

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la nuit car il lui fallait traverser toute la ville pour arriver au lieu de l’exécution. Il revint profondément troublé, emmuré dans un mutisme effrayant, s’allongea sur son lit et vomit. Cet épisode relaté dans Réflexions sur la guillotine et dans l’œuvre inachevée de Camus, Le Premier Homme80, montre à quel point ce « rite primitif »81

est répugnant. Il met en exergue l’aversion et le dégoût que ce châtiment peut susciter.

Il faut croire que cet acte rituel est bien horrible pour arriver à vaincre l’indignation d’un homme simple et droit et pour qu’un châtiment qu’il estimait cent fois mérité n’ait eu finalement d’autre effet que de lui retourner le cœur. Quand la suprême justice donne seulement à vomir à l’honnête homme qu’elle est censée protéger, il paraît difficile de soutenir qu’elle est destinée, comme ce devrait être sa fonction, à apporter plus de paix et d’ordre dans la cité. Il éclate au contraire qu’elle n’est pas moins révoltante que le crime, et que ce nouveau meurtre, loin de réparer l’offense faite au corps social, ajoute une nouvelle souillure à la première82.

Cette scène fait écho aux souvenirs qui ressurgissent dans l’esprit de Meursault, enfermé dans sa cellule et condamné à mort. De L’Etranger à L’Homme révolté en passant par La Peste et Les Justes, l’échafaud et la guillotine hantent l’œuvre camusienne. Ainsi Camus consacre plusieurs pages de La Peste à l’histoire de Tarrou : cet homme dont le père, avocat général, avait, un jour, convié son fils à venir l’écouter. Ce jour-là, – comme sûrement bien d’autres - il avait demandé à ce que la tête de l’inculpé tombe. Tarrou avait suivi l’affaire jusqu’à son dénouement et la peine de mort se révéla à lui comme « le plus abject des assassinats »83. Comme Camus, Tarrou doit à son expérience personnelle son combat contre la peine de mort, sanction moralement et éthiquement inacceptable. Si la révolte de Meursault contre sa condamnation à mort était une révolte solitaire, elle devient révolte solidaire avec Tarrou.

80 « Le père de Jacques s’était levé dans la nuit et était parti pour assister à la punition exemplaire d’un crime qui, d’après la grand-mère, l’avait indigné. […] le père de Jacques était revenu livide, s’était couché, puis levé pour aller vomir plusieurs fois, et recouché. Il n’avait plus jamais voulu parler ensuite de ce qu’il avait vu. », Le Premier Homme in : OC IV, p. 789.

81 Réflexions sur la guillotine in : OC IV, p. 129. 82 Ibid., p. 128.

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C’est parce qu’ils ne concevaient pas le fait que l’on puisse répondre au meurtre par un meurtre justifié par les lois que Camus et Koestler sortirent du mutisme auquel ils s’étaient voués84. « Cassandra may have grown hoarse, but he continued to whisper when the cause was urgent »85. Le silence ne peut être observé lorsqu’il est question d’une vie humaine :

en tant qu’homme je crois que les aspects repoussants de notre condition, s’ils sont inévitables, doivent être seulement affrontés en silence. Mais lorsque le silence, ou les ruses du langage, contribuent à maintenir un abus qui doit être réformé ou un malheur qui peut être soulagé, il n’y a pas d’autre solution que de parler clair86.

Quand le meurtre est légitimé, le crime justifié et institutionnalisé, quand ceux qui sont censés sévir contre le crime, l’autorisent en toute légalité, le monde court à sa perte.

La cause est, à cet effet, urgente et révoltante à la hauteur de l’indignation viscérale des deux auteurs. Il s’agit de recouvrer une sérénité intérieure et d’accéder à un monde de paix. « I shall never achieve real peace of mind until hanging is abolished »87, déclare Koestler et Camus semble lui répondre : « Ni dans le cœur des individus ni dans les mœurs des sociétés, il n’y aura de paix durable tant que la

84 « Ayant fait vœu de silence public, Camus intervient sans arrêt, poussé, d’abord par sa haine de la peine de mort : il cherche l’efficacité, demandant l’élargissement de prisonniers ou leur transfert en France. », Olivier Todd, Albert Camus. Une Vie, Paris, Coll. Folio, Gallimard, 1996, p. 939 / « Arthur Koestler ne rompit qu’à deux reprises le silence qu’il avait décidé de s’imposer. La première occasion survint quelques semaines seulement après la parution de L’Ombre du dinosaure, quand il prit l’initiative, avec Victor Gollancz et le chapelain de la cathédrale Saint-Paul de Londres, le révérend Canon John Collins, de lancer une vaste campagne nationale pour l’abolition de la peine de mort en Grande-Bretagne. », Michel Laval, L’Homme sans concessions. Arthur Koestler et son siècle, op. cit., p. 605/ « Par ailleurs, Koestler n’a pas totalement renoncé à s’engager. Mais il ne veut plus lutter que pour des causes ponctuelles, moralement indiscutables, libres de toute référence à une idéologie politique globale, qu’il peut servir avec efficacité. L’exemple le plus représentatif va être celui de l’abolition de la peine de mort en Angleterre. », Roland Quilliot, Arthur Koestler. De la désillusion tragique au rêve d’une nouvelle synthèse, Paris, Librairie Philosophique Vrin, 1990, p. 69.

85 Michael Scammell, Koestler : The indispendable intellectual, Faber and Faber, 2010, p. 452 ; « Cassandre est peut-être devenu rauque, mais il continua à murmurer quand la cause était urgente ». 86 Réflexions sur la guillotine in : OC IV, p. 128.

87 RH, p. 7 ; trad. p. 37 : « Je ne pourrai jamais accéder intérieure tant que la peine de mort ne sera pas abolie. »

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mort ne sera pas mise hors la loi »88. L’écriture prend alors une tonalité subjective : « My intention was to write it in a cool and detached manner, but it came to naught ; indignation and pity kept seeping in »89. Koestler voit en l’échafaud un moyen archaïque par lequel l’homme semble assouvir sa pulsion destructrice. Camus rejoint la pensée de l’auteur hongrois et considère lui-même cette peine comme « anachronique »90. « On tue le criminel parce qu’on l’a fait pendant des siècles et, d’ailleurs, on le tue dans les formes qui ont été fixées à la fin du XVIIIe siècle »91.