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Depuis une trentaine d’années des restitutions culturelles volontaires entre États ont ainsi lieu

Section I. Les contradictions de la restitution

UNESCO 50 Depuis une trentaine d’années des restitutions culturelles volontaires entre États ont ainsi lieu

en dehors des instruments juridiques contraignants51. Elles peuvent intervenir entre pays occidentaux52, mais en général elles sont liées aux suites de la décolonisation. Dans ce cas,

48 Cf. art. 728 al. 1 du Code civil suisse. 49 Supra, p. 183.

50 Résolution des Nations Unies, 22 octobre 1991 (46/10), « Return of Cultural property to the Countries of

Origin. » Voir également Frédéric COULÉE, « Quelques remarques sur la restitution interétatique ... », art. cit., p. 380 et s. ; Patrick Joseph O’KEEFE et Lyndel Vivien PROTT, Law and the Cultural Heritage, vol. 3, Movement..., op. cit., Chap. 13 ; Philippe DALLAIS, « Opus nullius ? Leges restitutionis : dimensions ethnojuridiques du concept de restitution », art. cit., p. 14-23 ; et Darell A. POSEY et Graham DUTFIELD, Le marché mondial de la propriété intellectuelle : droit des communautés traditionnelles et indigènes, Ottawa, 1997, à propos notamment des droits des peuples autochtones à la restitution des biens culturels, intellectuels, spirituels mais également des restes humains.

51 Raymond GOY, « Le retour et la restitution des biens culturels à leur pays d’origine en cas d’appropriation

illégale », art. cit., p. 978. Également Frédéric COULÉE, « Quelques remarques sur la restitution interétatique ... », art. cit., p. 380 et s. A propos du contenu insuffisament contraignant de la Convention Unesco de 1970, voir Jean-Sylvestre BÉRGÉ, « La Convention d’Unidroit sur les biens culturels : remarques dynamiques des sources en droit international », art. cit., p. 223.

52 Voir le cas de la restitution de la couronne du Roi Etienne Ier à la Hongrie en 1978 par les États-Unis, qui

conservaient l’objet depuis la Seconde Guerre mondiale. A propos des biens culturels déplacés pendant la Seconde Guerre mondiale, le rôle de l’UNESCO doit être souligné, qui tend à faciliter la coopération internationale en posant des principes pour le règlement des conflits en la matière. Cf. Doc.UNESCO,CLT-99/CONF.203/2 (précité). Voir également Lyndel V. PROTT et Jan HLADIK, « The Role of UNESCO “Intergovernmental

même si les restitutions servent le plus souvent des intérêts politiques par l’entretien des relations diplomatiques, elles favorisent néanmoins le retour d’éléments patrimoniaux en exil depuis les périodes de domination coloniale. C’est ainsi par exemple que la Belgique a restitué des biens culturels au Zaïre53 et à l’Indonésie54, que l’Australie a fait de même avec la Papouasie Nouvelle-Guinée55, les Pays-Bas avec l’Indonésie56, le Royaume-Uni avec le Kenya57, ou encore l’Italie avec l’Éthiopie58 et la France avec l’Algérie59 ou le Laos60. En dehors du cadre de la décolonisation, un accord conclu entre la France et la Nouvelle- Calédonie a également favorisé certains retours culturels61. En France, à l’occasion des débats parlementaires du 30 avril 1982, le gouvernement a d’ailleurs pris position en faveur de la coopération internationale à mettre en œuvre pour faciliter le retour de certaines œuvres d’art à leur pays d’origine62. L’auteur de la question orale précisait : « parmi ces œuvres, certaines, par leur qualité intrinsèque ou leur charge affective, appartiennent incontestablement au patrimoine culturel de leur nation d’origine. Elles sont peu nombreuses mais elles sont particulièrement symboliques ». En réponse à M. Vivien le gouvernement français, par la voix

Committee for Promoting the Return of Cultural Property” in the Resolution of Disputes Concerning Cultural Property Removed in Consequence of the Second World War », dans Spoils of War, Paris, UNESCO,n° 4, août 1997, p. 59-61.

53 Huguette VAN GELUWE, « L’apport de la Belgique au patrimoine culturel zaïrois », Museum, 1979, vol. 21, n°

1, p. 15-17.

54 Il s’agit de la restitution de deux têtes de Bouddha provenant du temple de Borobudur. Cf. Michel HUTH,

« L’éternel retour », Connaissance des arts, février 1983, n° 372, p. 32.

55 James SPECHT, « L’Australian Museum et le retour de leurs artefacts aux États insulaires du Pacifique »,

Museum, 1979, vol. 31, n° 1, p. 29.

56 Peter POTT et Mohammed Amir SUTAARGA, « Retour d’objets culturels : arrangements conclus ou en cours de

conclusion (Pays-Bas – Indonésie) », Museum, 1979, vol. 31, n° 1, p. 38-42, spécialement p. 40 et s.

57 Il s’agit de la restitution en 1981 d’un crâne vieux de deux millions d’années.

58 Restitution en juin 1982 par le gouvernement italien, du trône de l’empereur Ménélik II, détenu en Italie

depuis quarante ans après les spoliations effectuées sur ordres de Mussolini. Cf. Richard PANKHURST, « Ethiopie : Pillage et restitution. », art. cit., p. 58-63.

59 Accord franco-algérien du 11 juillet 1968, cédant à l’Algérie 300 œuvres d’art ayant appartenu au Musée

d’Alger de 1930 à 1962. VoirRecueil Général des Traités de la France. Accords bilatéraux non publiés, 1958- 1974, Paris, La Documentation Française, 1977, vol. II, n° 680, p. 330 ; Travaux de l’Association Henri CAPITANT. La protection des biens culturels..., op. cit., p. 68-69 ;Journal Le Monde 4 décembre 1969, « Près de trois cents œuvres d’art ont été restituées par la France ».

60 Convention Lao-française du 6 février 1950 et procès-verbal de transfert de compétences du 20 juillet 1950. 61 Accord avec la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 (J.O.R.F., 27 mai 1998, p. 8039-8044). Le

document d’orientation précise que « l’État favorisera le retour en Nouvelle-Calédonie d’objets culturels Kanak qui se trouvent dans des musées ou des collections, en France métropolitaine ou dans d’autres pays. Les moyens juridiques dont dispose l’État pour la protection du patrimoine national seront mis en œuvre à cette fin. Des conventions seront passées avec ces institutions pour le retour de ces objets ou leur mise en valeur. » (Idem, p. 8041).

de Jack Ralite, Ministre de la Santé chargé des questions culturelles assurant l’intérim en l’absence de Jack Lang Ministre de la Culture, proposait pour ce type d’œuvre de répondre aux demandes de retour qui engageaient la France et d’encourager les négociations63. Mais il ne s’agit là que d’une prise de position d’envergure nationale qui limite ses effets à des accords bilatéraux64.

En marge des restitutions négociées par la voie diplomatique, il peut arriver que des États exercent directement une action en justice auprès des tribunaux du lieu de conservation actuel du bien, afin d’obtenir la restitution d’un objet volé et frauduleusement exporté65. Toutefois cette forme de récupération ne saurait s’appliquer à des situations prescriptibles, comme c’est le cas pour la plupart des affaires datant de la période coloniale. Certains auteurs proposent aussi un système d’arbitrage en cas de négociations bilatérales impossibles66. Néanmoins, même si des exemples de restitutions culturelles volontaires ou par décision de justice ne manquent pas, ces restitutions restent très ponctuelles et ne doivent pas dissimuler la réalité inverse, plus fréquente, de la rétention dans des collections publiques ou privées de biens culturels éloignés de leur espace d’origine.

Au-delà du volontariat, un certain nombre d’autres solutions permettent de contourner l’impossibilité de restituer un bien à son aire culturelle d’origine67. En cas de propriété

63 « La France ne conteste pas le principe des restitutions en cas d’appropriation illégale, mais elle entend y

procéder par voie de négociations bilatérales, lorsque le retour des biens culturels lui est demandé. » (Idem, p. 1527).

64 Toutefois à l’époque, parmi les solutions envisagées par le ministère de la culture, en dehors de la coopération

interétatique, la question de la ratification de la Convention UNESCO du 14 novembre 1970 se posait encore. Rappelons que l’autorisation de ratification par le Parlement n’eut lieu qu’avec la loi n° 84-541 du 4 juillet 1984, et que le dépôt de l’instrument n’est intervenu que le 7 janvier 1997 et la publication le 3 mai 1997 (J.O. , 3 mai 1997, p. 6680).

65 A l’occasion d’une décision rendue en 1981, un tribunal français a pu ainsi ordonner la restitution à l’Égypte

d’une statue volée d’Amon Min (Cf. La protection des biens culturels (Journées polonaises).Travaux de l’Association Henri Capitant, p. 69 et 63-64 pour un exemple iranien). Plus récemment, en 1993, le juge de la Cour fédérale de l’État de New York, sur demande du gouvernement grec, a décidé de restituer à la Grèce le trésor d’Aidonia, volé en 1977 sur le site archéologique homonyme, puis exporté aux États-Unis et présenté en vente publique.

66 Shyllon FOLARIN, « The Recovery of Cultural Objetcs by African States through the UNESCO and UNIDROIT

Conventions and the Role of Arbitration », sur http://www.unidroit.org/English/publications/review/articles/2000-2-shyllon-e.pdf; E. SIDORSKY, « The 1995 UNIDROIT Convention on Stollen or Illegally Exported Cultural Objects: The Role of International Arbitration », International Journal of Cultural Property, Mai 1996, n° 19, p. 32-33.

67 A ce propos voir Frédéric COULÉE, « Quelques remarques sur la restitution interétatique ... », art. cit., p. 388 et

s. ; Ridha FRAOUA, Le trafic illicite des biens culturels et leur restitution…, op. cit., p. 195-207 ; Raymond GOY, « Le retour et la restitution des biens culturels à leur pays d’origine en cas d’appropriation illégale », art. cit., p. 976-980.

publique des biens, le recours au prêt peut ainsi offrir l’avantage pour le pays détenteur de l’objet d’en conserver la propriété et de n’en céder que l’usage. Dans le même sens l’échange68 présente un intérêt certain en tant que « contrat par lequel des institutions scientifiques et culturelles au service du public, appartenant à deux ou plusieurs pays, se concèdent respectivement la propriété69 ou l’usage70, à moyen ou à long terme, d’objets, de spécimens ou d’ensembles de ceux-ci, contre d’autres objets, spécimens, ensembles de ceux- ci ou services en nature, à l’exclusion de toute intervention de numéraire, dans un but d’éducation, de science ou de culture »71. Pour Raymond Goy « l’échange en propriété est l’échange au sens strict, la cession réciproque de propriété. Le bien sort du patrimoine d’une institution et entre comme partie intégrante dans celui d’une autre. Ce contrat est non seulement synallagmatique, mais en quelque sorte croisé. Il met des obligations symétriques à la charge des deux parties [...]. Ce contrat est définitif. Il en a les avantages et la clarté. Il en a aussi les inconvénients, s’il porte sur des biens publics et inaliénables : il suppose une longue procédure de désaffectation, et rend problématique la réalisation de l’échange. Ainsi l’échange réalisé entre la France et la Japon en 1953 fut retardé par la nécessité d’obtenir en France les autorisations légales. »72 Le procédé est toutefois nettement favorisé par l’UNESCO

68Raymond GOY, « Les objets de Musée en droit international », art. cit., p. 28 s. De nombreux échanges ont eu

lieu ces dernières décennies, certains tout a fait légitimes qu’il s’agisse de respecter l’origine culturelle du bien ou de favoriser les relations culturelles via un échange d’objets, d’autres beaucoup plus contestables et souvent liés au fait du prince (Infra, p. 209 s).

69 Un échange en propriété a été organisé au cours des années 1953-1957, entre le musée Guimet à Paris et le

musée national de Tokyo. Cf. Janine AUBOYER, « Les échanges d’objets d’art au niveau gouvernemental », Museum, vol. 31/1, 1979, p. 44-48. Voir également, doc. UNESCO 20 C/24, Conférence générale. Vingtième session, Paris, 1978.

70 L’intérêt suscité par l’accord d’échange de prêt a récemment trouvé une application pratique dans l’affaire des

archives coréennes de la Bibliothèque Nationale de France, dont la République Coréenne a demandé officiellement la restitution en 1991. Les archives avaient été saisies en 1866 lors d’une expédition punitive menée par l’amiral Roze sur l’île Kanghwa, en réponse à des exactions commises sur des missionnaires français en Corée. Exhumées fortuitement en 1991, les archives risquaient de nuire aux relations diplomatiques entre la France et la Corée du sud. C’est pourquoi en 1993 le Président de la République, François Mitterrand, proposa la conclusion d’un accord pour réaliser un échange sous forme de prêts symétriques et renouvelables – toutefois auparavant, il avait déjà fait don d’un manuscrit de la Bibliothèque Nationale lors d’une visite à la Corée du sud (Infra, Chap. II, n. 161). En 1995 la Corée accepta les termes de l’échange, ce qui présentait comme avantage de préserver l’inaliénabilité des documents des deux cotés, tout en en cédant l’usage. Cf. J.O. Sénat, 26 août 1999, p. 2859, réponse du Ministre des Affaires étrangères à la question écrite n° 17745 posée par M. De Villepin. Pour plus de détails sur le régime des échanges en usage, cf. Raymond GOY, « Les objets de Musée en droit international », art. cit., p. 31.

71 Raymond GOY et Pierre DE VARINE-BOHAN, « Etude préliminaire sur les aspects techniques, juridiques et

administratifs de l’échange d’objets et spécimens originaux entre institutions de différents pays », dans Rapport soumis à l’UNESCO le 15 mars 1974. Actes de la Conférence générale, dix-neuvième session, Nairobi, 26 oct.-30 nov. 1976, p. 2.

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