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Atermoiements et formation d’un droit conventionnel de la protection du patrimoine culturel

C’est de Nicolas II que provient l’initiative de la transition. Monté sur le trône en 1894 et engagé dans la modernisation de la Russie, il souhaite que s’installe en Europe une coexistence pacifique. Le tsar organise à cet effet une Conférence de la Paix à La Haye dès le 18 mai 1894, en présence de 26 nations. L’objectif consiste à étudier les moyens nécessaires au maintien d’une paix générale et d’une réduction significative des armements excessifs. À l’issue des travaux qui se tiennent durant l’été 1899, trois conventions sont adoptées : la convention (I) sur le règlement pacifique des conflits internationaux ; la convention (II) concernant les lois et les coutumes de la guerre sur terre ; la convention (III) visant l'extension de la convention de Genève à la guerre maritime. La Conférence de la Paix a notamment en charge de réviser la Déclaration de Bruxelles de 1874, non ratifiée jusqu’alors. Finalement le texte de 1874 est adopté et intégré dans le cadre de la seconde Convention de 1899, à laquelle est annexé le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre137. Dans le cadre de son article 56, le règlement dispose que désormais :

« Les biens des communes, ceux des établissements consacrés aux cultes, à la charité et à l'instruction, aux arts et aux sciences, même appartenants à l'État, seront traités comme la propriété privée. »

Ce type de bien est dorénavant protégé en vertu du principe de l’inviolabilité de la propriété privée138. Par ailleurs, l’article 56 mentionne également que :

136Cf. remarques de S.E. NAHLIK, « La protection internationale des biens culturels... », art. cit., p. 65-163, ici

87-89.

137Conférence internationale de la Paix 1899, La Haye, Martinus NIJHOFF, 1907, p. 19 -28. Pour le texte de la

Convention, voir http://www.icrc.org/DIH.nsf/INTRO/150?OpenDocument

138 L’article 23 du règlement précise que, « outre les prohibitions établies par des conventions spéciales, il est

notamment "interdit" : [...] g. de détruire ou de saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre. »

« Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de semblables établissements, de monuments historiques, d'œuvres d'art et de science, est interdite et doit être poursuivie. »

Les dispositions contenues dans la Déclarations de Bruxelles sont donc reprises dans la seconde Convention de La Haye de 1899, dont seulement 25 États sont parties en juillet 1899. Si ces ratifications représentent une avancée essentielle dans le développement d’un droit international de la protection des biens culturels, la vocation universaliste initiale de la Conférence est néanmoins contrariée sur ce point. Par conséquent une seconde Conférence est organisée en 1907, à l’initiative là encore de Nicolas II, afin de corriger cette lacune et d’étendre les ratifications. La seconde Convention et le Règlement de 1899 sont révisés à cette occasion, dans le cadre des Conventions IV et IX de 1907139. Les dispositions spéciales concernant les biens culturels reprennent largement celles contenues dans le règlement de 1899, ce qui n’interdit pas quelques innovations140. Les bâtiments protégés sont ainsi censés être désignés par « des signes visibles spéciaux »141, comme cela était déjà mentionné dans la Déclaration de Bruxelles142. L’article 5 du règlement annexé à la Convention IX prévoit quant à lui certaines dispositions en cas de guerre maritime143.

Toutefois, le bilan obtenu à l'issue des conférences de La Haye reste mitigé. S. E. Nahlik montre notamment que la clause si omnes est maintenue, qui impose que les dispositions des actes signés le 18 octobre 1907 ne doivent être appliquées qu’entre les

139Deuxième Conférence internationale de la Paix, La Haye 15 juin - 18 octobre 1907, Actes et Documents, Vol.

I, La Haye, 1907, p. 626-637. Pour le texte de la Convention IV, v. http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/195 et celui de la Convention IX, voir http://www.icrc.org/dih.nsf/INTRO/220?OpenDocument. Cf. E. DAVID, Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 246.

140 Voir le Règlement annexé à la Convention IV de 1907, art. 56, qui reprend intégralement l’art. 56 du

règlement annexé à la Convention II de 1899.

141 « Dans les sièges et bombardements, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour épargner, autant

que possible, les édifices consacrés aux cultes, aux arts, aux sciences et à la bienfaisance, les monuments historiques, les hôpitaux et les lieux de rassemblement de malades et de blessés, à condition qu'ils ne soient pas employés en même temps à un but militaire. Le devoir des assiégés est de désigner ces édifices ou lieux de rassemblement par des signes visibles spéciaux qui seront notifiés d'avance à l'assiégeant. » (Règlement annexé à la Convention IV de 1907, art. 27.)

142Cf.supra, p. 30.

143 Art. 5 « Dans le bombardement par des forces navales, toutes les mesures nécessaires doivent être prises par

le commandant pour épargner, autant que possible, les édifices consacrés aux cultes, aux arts, aux sciences et à la bienfaisance, les monuments historiques, les hôpitaux et les lieux de rassemblement de malades ou de blessés, à condition qu'ils ne soient pas employés en même temps à un but militaire. Le devoir des habitants est de désigner ces monuments, ces édifices ou lieux de rassemblement, par des signes visibles, qui consisteront en grands panneaux rectangulaires rigides, partagés, suivant une des diagonales, en deux triangles de couleur, noire en haut et blanche en bas. »

puissances contractantes et seulement si tous les belligérants sont partis à la convention. Il note également que les conflits qui ne sont pas juridiquement qualifiés de « guerre », restent en dehors de toute réglementation144. Plus spécialement au regard des biens culturels, Jiri Toman remarque quant à lui que dans le cadre de l’art. 27 de la Convention IV, la protection n’est pas absolue mais limitée par une réserve de nécessité militaire et circonscrite à la zone immédiate de combat145.

En 1914 le dispositif de protection demeure encore trop sommaire pour être efficace. L’épreuve des faits le démontre cruellement par l’ampleur des destructions146 et, dans une moindre mesure, celle des spoliations147. Des villes entières sont dévastées, Reims, Arras, Soissons, Saint Quentin pour la France, Ypres et Louvain pour la Belgique ; elles payent dans le même temps un lourd tribut en chefs-d'œuvre d’architecture civile et religieuse.

À la suite du conflit, ce sont les traités de paix de l’entre-deux-guerres qui innovent en matière de protection du patrimoine culturel. Ils contribuent à distinguer les biens culturels des biens ordinaires, en dérogeant notamment au droit commun des biens et de la propriété tels que définit par le Code civil. Une série de solutions originales va ainsi résulter des discussions entre plénipotentiaires148. Pour autant, parce qu’il ne s’agit que d’instruments ad

hoc, les propositions protectrices adoptées sont jugées encore trop ambitieuses pour être

codifiées.

Plus concrètes sont les suggestions faites par la Société néerlandaise d’Archéologie dès avril 1918, notamment en réaction aux destructions149. À l’initiative de son président, J.C. Overvoorde, et par autorisation du ministre des affaires Étrangères des Pays-Bas, une Commission150 est chargée de rédiger un rapport en vue d’évaluer l’efficacité du règlement de

144 S. E. NAHLIK, « La protection internationale des biens culturels... », art. cit., p. 65-163, ici 94. 145 Jiri TOMAN, La protection des biens culturels..., op. cit.,p. 17-51, ici 27-30.

146 Louis RÉAU, Histoire du vandalisme. Les monuments détruits de l’art français, Paris, Hachette, 1959, 2 t.,

réed. Bouquins, 1994, p. 843-849.

147 ChristinaKOTT, Protéger, confisquer, déplacer : le service allemand de préservation des œuvres d'art en

Belgique et en France occupées pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1924, Paris, thèse EHESS, 2002 et de la même Préserver l’art de l’ennemi Le patrimoine artistique en France et en Belgique occupées, 1914-1918, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2006. Éléments également dans A. MÉRIGNHAC et E. LÉMONON, Le droit des gens et la Guerre 1914-1918, t. I, Paris, Sirey, 1921, p. 493, 515-568, spécialement p. 515-516, 533, 542.

148 Voir Chap. I.

149R.G.D.I.P., t. 26, 1919, p. 320-336. Jiri Toman rappelle que le projet néerlandais fait suite à l’échec d’une

conférence organisée à Bruxelles en août 1915, rassemblant des représentants de l’Allemagne, de l’Autriche- Hongrie, de la suisse et visant à préparer les grandes lignes d’une convention relative à la protection des biens culturels. Cf. Jiri TOMAN, La protection des biens culturels..., op. cit.,p. 17-51, ici 31.

150 Commission composée de J. T. CUYPERS, architecte, membre de la Commission nationale des monuments ;

W. J. M. VANEYSINGA, professeur de droit des gens à l’Université de Leyde, délégué adjoint des Pays-Bas à la seconde Conférence de la Paix ; M. S. GRATAMA, vice-Président de la Haute Cour des Pays-Bas, Président de la

La Haye du 18 octobre 1907 et d’émettre des propositions d’amélioration, en concertation avec les États intéressés. Le document en question est censé servir de travail préparatoire à une future « convention internationale améliorée ». Composé d’un questionnaire et d’un mémoire explicatif, le rapport propose entre autres de préparer, dès le temps de paix, la protection des monuments et œuvres d’art qui constitue une lacune majeure des Conventions de 1899 et 1907. Il prévoit également l’inviolabilité de monuments ou de villes entières, telle Florence, et envisage de « frapper d’une sanction pénale spéciale la violation des règles à établir »151. Toutefois, ces observations n’auront pas de suite et la « convention internationale améliorée » à l’initiative des Pays-Bas, ne verra pas le jour.

Il faut attendre le mois de décembre 1922 pour qu’une commission de juristes, nommée par la Conférence de Washington de la même année examine l’efficacité du droit international au regard des nouvelles méthodes militaires152. La Commission, présidée par John Bassett Moore, prépare à cet effet une série de règles dont certaines sont relatives à la protection des biens culturels en cas de guerre aérienne153. Mais ces règles ne sont reconnues qu’en tant que recommandation et sont donc dépourvues de caractère contraignant. Elles confirment et répètent cependant le droit coutumier en la matière et vont dès lors exercer une grande influence sur la codification future du droit de la protection des biens culturels.

Au début des années trente c’est le musée Roerich, après une demande de Nicholas Roerich154, qui suggère à Georges Chklaver, juriste de l’Institut des hautes études internationales de l’Université de Paris, de rédiger le texte d’une convention relative à la protection du patrimoine culturel en temps de guerre et de paix. Après discussion, notamment au sein de l’Office international des musées de la Société des Nations, le projet ne rencontre pas de succès véritable en Europe, mais il est adopté par le Conseil directeur de l’Union

Commission nationale des monuments ; E. J. HASLINGHUIS, secrétaire de la Société néerlandaise d’archéologie, secrétaire de la section A de la Commission nationale des monuments ; J. C. OVERVOORDE, président de la Société néerlandaise d’Archéologie, président de la section A de la Commission nationale des monuments ; J. SIX, professeur d’esthétique et d’histoire de l’art à l’Université d’Amsterdam ; C. VAN VOLLENHOVEN, professeur à la faculté de droit de l’Université de Leyde ; H. L. VAN OORDT, général d’État major, représentant des Pays-Bas à la seconde Conférence de la Paix. Cf.R.G.D.I.P., t. 26, 1919, p. 320-336, ici 330-331.

151 Id., p. 332-333.

152 R.G.D.I.P., t. 30, 1923, p. 1-9.

153 Il s’agit essentiellement des articles 25-27.

154 Nicholas Roerich (1874-1947), personnalité fascinante, à la fois grand savant, artiste peintre, décorateur

d’opéra, passionné d’archéologie et de musique, voyageur infatigable, émerveillé par l’Inde. Il sera plusieurs fois nominé pour le prix Nobel de la Paix ce qui lui vaut une grande renommée et la possibilité, au début des années trente, de proposer la rédaction du futur Pacte Roerich.

panaméricaine le 15 avril 1935155. Il entre ainsi en vigueur quelques mois plus tard, le 26 août ; toutefois le Pacte est géographiquement limité et ne lie que des États américains156.

Après la guerre d’Espagne157, la sixième Commission de l’Assemblée des Nations Unis se charge d’évaluer la question de la protection du patrimoine culturel. Il s’agit de l’initiative la plus ambitieuse de l’entre-deux-guerres. Elle est due aux travaux, en 1937-1938, de l’Office International des Musées qui souhaite voir réaliser une codification de portée plus générale que les précédentes. Ce travail est confié à un comité d’experts présidé par le juriste belge Charles De Visscher158. Ce dernier a pour mission de rédiger « une convention internationale pour la protection des monuments et œuvres d’art au cours des conflits armés. »159 Le projet de Convention est très complet. Jiri Toman note que le texte en question est fondé sur plusieurs principes fondamentaux : « l’organisation de la défense et sa préparation dès le temps de paix ; l’éducation des troupes ; l’engagement d’introduire dans les règlements et instructions des recommandations pour assurer le respect des biens culturels ; l’engagement de prendre des dispositions pour réprimer les actes de pillage et de déprédation. En ce qui concerne les biens meubles, le projet introduit l’idée de la constitution de refuges. »160 Cet important projet est cependant interrompu par la déclaration de guerre. En 1939 l’heure est à la régression de toutes les avancées du droit international humanitaire : la Convention de La Haye de 1907 est totalement bafouée. À nouveau la violence prime et avec elle l’extinction provisoire du droit de protection. La règle nouvelle mise en œuvre par l’Allemagne Nazi dans des proportions inouïes est celle du pillage et des destructions161. Mais l’ambition dont le projet de la Convention De Visscher est porteur ne s’éteint pas avec la

155Recueil des Traités de la Société des Nations, Paris, vol. 167, 1936, p. 290-294. Pour le texte intégral voir :

http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/325?OpenDocument

156 Il s’agit du Brésil, Chili, Colombie, Cuba, le Salvador, États-unis d'Amérique, Guatemala, Mexique,

République dominicaine, Venezuela.

157 À propos de la protection du patrimoine culturel durant la guerre d’Espagne, cf. José RENAU, « L’organisation

de la défense du patrimoine artistique et historique espagnol pendant la guerre civile », Mouseion, vol. 39-40, 1937, p. 7-66.

158 Le comité est composé de GOUFFRE DE LA PRADELLE, N. POLITIS, C. DE VISSCHER, F. MOINEVILLE et G. J.

SAS. Cf. Charles deVISSCHER, « La protection des patrimoines artistiques et historiques nationaux : nécessité d’une réglementation internationale », Mouseion, vol. 43-44, 1938, p. 7-34 ; du même, « Les monuments historiques et les œuvres d'art en temps de guerre et dans les traités de paix », in La protection des monuments et œuvres d'art en temps de guerre. Manuel technique et juridique, Paris, Office International des Musées, 1939, p. 129-164 ; et E. FOUNDOUKIDIS, « Commentaire du projet et avant projet de convention international pour la protection des monuments et œuvres d’art au cours des conflits armés », in La protection des monuments et œuvres d'art en temps de guerre. Manuel technique et juridique, Paris, Office International des Musées, 1939, p. 166-214.

159Revue de droit international et de législation comparée, 1939, p. 614 sq.

160 J. TOMAN, La protection des biens culturels en cas de conflit armé…, op. cit., p. 36. 161 Voir Chap. I.

guerre et le projet stimulera au début des années cinquante les rédacteurs de la Convention de La Haye de 1954 sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

Au lendemain de la guerre le traumatisme humain, patrimonial et culturel est total. Il conduit notamment, le 10 décembre 1948, à l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. En dépit de la promotion d’un droit international de la protection des patrimoines culturels depuis le XIXe siècle, les biens culturels demeurent sous l’emprise de protagonistes s’appuyant sur le droit de la guerre ou l’idéologie pour asseoir leur prétention à dépouiller les vaincus. Les deux conflits mondiaux auraient pu fournir l’occasion de construire un statut juridique protecteur plus ambitieux pour ces biens, mais les considérations politiques ont rapidement bloqué toutes tentatives. Sans véritable surprise après 1945, c’est par l’entremise du droit pénal international que les spoliations et les destructions sont pour la première fois sanctionnées. La Charte du Tribunal de Nüremberg n’hésite pas, en effet, à décréter « crimes de guerre », « le pillage des biens publics ou privés », ainsi que la « destruction sans motif des villes et des villages, ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires. »162 Le jugement de Nüremberg acquiert ainsi valeur de précédent, en condamnant le pillage d’œuvres d’art en la personne d’Alfred Rosenberg et la destruction intentionnelle en celle d’Alfred Jodl. À la suite du procès de Nüremberg et fort du nouvel engouement pour le droit international, une nouvelle ère juridique s’ouvre pour les biens culturels qui va favoriser la création d’instruments de droit conventionnel spécifiques. Dès 1949 l’Unesco organise à La Haye une série de conférences diplomatiques destinées à examiner la question de la protection des biens culturels en cas de conflit armé163. Le 14 mai 1954 est ainsi signée la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé164.

Le nouvel instrument se fonde sur les Conventions de La Haye de 1899 et 1907, le Pacte Roerich de 1935 et le projet de Convention internationale élaboré sous la direction de Charles de Visscher en 1937-1938. Le nationalisme patrimonial protecteur des Conventions

162 S. E. NAHLIK, « La protection internationale des biens culturels... », art. cit., p. 65-163, ici 117.

163 Sur la Convention de La Haye de 1954, v. notamment S. E. NAHLIK, « La protection internationale des biens

culturels en cas de conflit armé », art. cit., p. 62-163 ; J. TOMAN, La protection des biens culturels en cas de conflit armé…, op. cit. ; Guido CARDUCCI, « L’obligation de restitution des biens culturels et des objets d’art en cas de conflit armé : droit coutumier et droit conventionnel avant et après la convention de la Haye de 1954 », R.G.D.I.P, t. 104/2, 2000, p. 289-357 ; Pierre D’ARGENT, Les réparations de guerreen droit international public. La responsabilité internationale des États à l’épreuve de la guerre, Paris,L.G.D.J.,2002 ; SandrinePELETAN, « La protection juridique internationale des biens culturels », R.R.J., 1998, p. 245-300.

164 Décret n° 601131 du 18 oct. 1960 portant publication de la convention pour la protection des biens culturels

en cas de conflit armé, signée le 14 mai 1954 (J.O., 25 oct. 1960, p. 9637). Toujours en vigueur aujourd’hui, la Convention compte 122 États parties.

de 1899 et 1907 ayant échoué, on pose dorénavant le principe, influencé par la récente déclaration universelle des droits de l’Homme, d’une solidarité internationale en matière culturelle165. L’idée centrale réside dans l’universalité patrimoniale. Les États parties à la Convention considèrent désormais que « la conservation du patrimoine culturel présente une grande importance pour tous les peuples du monde et qu’il importe de lui assurer une protection internationale. »166 La Convention de 1954 représente un instrument de droit international majeur pour la protection du patrimoine culturel et constitue un véritable code des biens culturels. Néanmoins elle n’est pas totalement exempte d’insuffisances167. Elle introduit par exemple la réserve de nécessité militaire et relègue le problème des restitutions dans un protocole facultatif168. Cela lui vaudra d’être complétée par la suite, tant dans son contenu propre que par la voie d’autres instruments.

Parmi les sources annexes on trouve en priorité la Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés, qui siège à Genève de 1974 à 1977. Deux articles relatifs à la protection des biens culturels sont ainsi insérés dans les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève. Il s’agit des articles 53 du Protocole I et 16 du Protocole II, visant à abandonner le principe soutenant que les biens culturels ne peuvent être attaqués que sur le fondement d'une « nécessité militaire impérative. » Le principe désormais retenu exige que seuls les objectifs militaires, clairement définis, puissent faire l'objet d'attaques.

Le Statut de Rome de 1998 de la Cour pénale internationale constitue également une source importante. La CPI étant compétente en matière de crimes de guerre, de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité, l’article 8 du Statut de Rome dispose que « le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires »169 constitue désormais un crime de guerre.

165 L’idée était déjà présente dans le projet de Convention préparé par C. De Visscher.

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