• Aucun résultat trouvé

Les collections de l’ancienne monarchie austro-hongroise et l’affirmation du principe de l’intégrité des collections

Section II. L’intégrité physique des biens culturels juridiquement envisagée

B. Les collections

2. Les collections de l’ancienne monarchie austro-hongroise et l’affirmation du principe de l’intégrité des collections

La longévité de l’empire austro-hongrois et de la dynastie des Habsbourg avait permis de constituer une fabuleuse collection, principalement concentrée à Vienne. Avec le nouvel ordre européen créé par les traités de paix de 1919-1920, un grand nombre d’États nés du démembrement de l’ex-empire ou des États autrefois liés à lui s’empressa, par motivation identitaire, de présenter des réclamations culturelles à la nouvelle République d’Autriche, désormais dépositaire des collections de l’ancienne monarchie. Les Traités de Saint-Germain et de Trianon permettaient aux États intéressés de présenter des « demandes de restitution »335. L’Italie exigeait ainsi certains retours336 (a), tout comme la Pologne337, la Belgique au titre de la succession des anciens Pays-Bas espagnols338et également la Tchécoslovaquie, État successeur des territoires de Bohème, de Moravie et de Slovaquie339 (b). La Hongrie enfin, en vertu du Traité de Trianon, bénéficiait elle aussi de cette opportunité (c).Dans ces conditions les collections autrichiennes n’allaient-elles pas être entièrement démantelées par les réclamations successives ? Faudrait-il en préserver l’intégrité ou au contraire en favoriser l’éclatement au profit patrimonial des nouveaux États ?

335 Voir l’article 195 du Traité de Saint-Germain et l’article 177 du Traité de Trianon. Cf. t. 2, annexes n° 7 et 8. 336 Voir l’annexe I du Traité de Saint-Germain. Pour le texte de l’annexe I v. t. 2, annexe n° 7 in fine.

337 La Pologne, sur l’initiative de Frédéric II, fit l’objet d’un partage entre la Prusse, la Russie et l’Autriche lors

des Traités des 17 février et 5 août 1772. A cette occasion l’Autriche s’empara de la Galicie. Dans l’annexe III du Traité de Saint-Germain, ce sont les objets enlevés « des territoires faisant partie de la Pologne, depuis le premier démembrement de 1772 » que la Pologne exigeait de l’Autriche.Pour le texte de l’annexe III, v. t. 2, annexe n° 7 in fine.

338 Annexe II du Traité de Saint-Germain. Pour le texte de l’annexe II, v. t. 2, annexe n° 7 in fine. 339 Annexe IV, du Traité de Saint-Germain. V. t. 2, annexe n° 7 in fine.

a) La Convention italo-autrichienne du 4 mai 1920

Un contentieux déjà ancien entre l’Italie et l’Autriche à propos de certains de leurs biens culturels se régla lors de l’exécution de la convention italo-autrichienne du 4 mai 1920340. L’histoire longue des relations entre les deux pays débute au XVIe siècle, période où une partie de l’Italie avait été absorbée par la monarchie des Habsbourg et qui avait durablement affecté le patrimoine des États italiens341.Ce n’est qu’à l’issue de la Première Guerre mondiale que l’Italie put valablement faire valoir ses droits sur certains biens culturels annexés par les Habsbourg et ceci en vertu des dispositions contenues dans les articles 194 et 195 du Traité de Saint-Germain-en-Laye du 10 septembre 1919. Une des originalités du traité consistait à rendre possible, au-delà de l’appareil coercitif que représentait le texte, des négociations entre l’Autriche et les États intéressés342. La Convention du 4 mai démontre que l’Italie tira profit de cette opportunité. D’une manière tout à fait formelle et explicite l’article premier de la Convention343 posait le principe de l’intégrité des collections, notamment en matière de préservation des collections viennoises contre des revendications italiennes éventuellement immodérées. Un compromis ayant été trouvé qui permit de satisfaire les exigences de l’Italie en matière de restitution et particulièrement la cession par l’Autriche des objets figurant à l’annexe I de l’article 195 du Traité de Saint-Germain344, l’Italie pouvait dès lors reconnaître par la Convention du 4 mai :

« […] l’opportunité d’éviter, dans l’intérêt supérieur et général de la civilisation, la dispersion des collections historiques, artistiques et archéologiques de l’Autriche qui constituent dans leur totalité un organisme esthétique et historique indivisible et célèbre [...] L’Italie s’engage en outre à empêcher avec toute énergie que d’autres prétentions desdits États, non prévues par le Traité, soient acceptées au préjudice de l’intégrité des collections autrichiennes dont la conservation est nécessaire dans l’intérêt de la science ; et en aucun cas ne se désintéressera du sort desdites collections. »345

340 Nouveau recueil général de traités et autres actes relatifs aux rapports de droit international, continuation du

grand recueil de G. Fr. MARTENS par C. SAMWER et J. HOPF, 3e série, t. XIX, Gottingue, p. 682-694. Le texte est repris en tome 2, annexe n° 11.

341 Georges GUSDORF, Le romantisme, t.I, Paris, Payot, 1993, p. 61 s. 342 Cf. l’article 196-a du traité de St Germain. Cf. t. 2, annexe n° 7.

343 Charles de VISSCHER, « Les monuments historiques et les oeuvres d'art en temps de guerre et dans les traités

de paix », art. cit.

344 Voir t. 2, annexe n° 7.

La protection d’une collection en tant qu’unité organique était ainsi rendue possible si une légitimité temporelle, esthétique et scientifique lui était reconnue ; dans le cas contraire il ne s’agirait que d’une accumulation d’objets autonomes,dès lors restituables. La collection vue comme telle se rapproche de l’idée d’« ensemble » ou de « site », qui intègre dans une globalité complexe un bien artistique exogène, initialement déplacé de son contexte, mais qui avec le temps, la cohérence esthétique, artistique ou scientifique s’est agrégé au tout346.

L’Italie ne limitait cependant pas à l’article premier de la Convention ses louables intentions à propos du trésor autrichien. Une clause limitative à l’égard de l’intégrité des collections autrichiennes avait été insérée à l’article 196-b du Traité de Saint-Germain. Elle obligeait l’Autriche « à ne rien aliéner ou disperser desdites collections et à ne disposer d’aucun desdits objets pendant vingt années », ce qui ouvrait la possibilité à des aliénations ou restitutions au-delà de cette période347. Mais l’Italie, par l’article 2 de la Convention susmentionnée, acceptait « de maintenir aussi au-delà du terme de vingt ans, prévu par l’article 196, paragraphe b, du Traité de Saint-Germain, son engagement déterminé par l’article 1 de la présente Convention. »348Alors qu’à l’occasion du Traité de Vienne du 3 octobre 1866 l’Italie avait affirmé un droit éminent sur les collections princières349, on observe en l’espèce un cas explicite de limitation conventionnelle du jus in re, et ce au profit de l’intégrité et de la cohérence d’une grande collection.

Cela étant une utilisation aussi franche du principe de l’intégrité des collections ne se retrouve pas fréquemment dans les textes officiels et il faut parfois aller au-delà du texte pour repérer dans les archives, comme c’est le cas avec les exemples belge et tchécoslovaque, des éléments probatoires supplémentaires.

b) L’article 195 du Traité de Saint-Germain-en-Laye et les revendications belge et tchécoslovaque

Lors des négociations qui donnèrent lieu à l’élaboration de l’article 195 du Traité de Saint-Germain, des réclamations portant sur des biens culturels furent déposées ainsi qu’il a été dit, par l’Italie (annexe I), la Belgique (annexe II), la Pologne (annexe III) et la Tchécoslovaquie (annexe IV)350. La Commission des Réparations ne se reconnaissant pas la compétence suffisante pour examiner le bien-fondé de ces revendications, elle institua un Comité de Trois Juristes chargé de traiter ces différents cas. Par sa décision n° 948 la

346 Voir infra, Chapitre III, sect. I, II-A.

347 Pour le texte de l’article 196 : cf. t. 2, annexe n° 7. 348 Voir t. 2, annexe n° 11.

349 Supra, p. 119 s. 350Cf. t. 2, annexe n° 7.

Commission nomma en exécution de l’article 195 du Traité de Saint-Germain, Hugh A. Bayne, du barreau de New York, Jacques Lyon, avocat à la Cour d’Appel de Paris et J. Fischer WilliamsK.C.pour examiner les demandes de restitution formulées dans le cadre du Traité de paix.

Les réclamations portaient sur un certain nombre de pièces majeures qui au fil des siècles furent intégrées aux collections de la maison des Habsbourg. Pour ces États soit nés du démembrement de l’Empire austro-hongrois, soit délivrés de sa tutelle après la Première Guerre mondiale, il s’agissait de récupérer ce qui leur semblait appartenir de droit mais aussi culturellement et historiquement à leur patrimoine intellectuel351 et national. La Belgique revendiquait ainsi le Triptyque de Saint-Ildephonse peint par Pierre-Paul Rubens et conservé jusqu’en 1877 à l’abbaye de Saint-Jacques de Coudenberg à Bruxelles, date à partir de laquelle il fut transféré à Vienne après avoir été acheté par Marie-Thérèse d’Autriche souveraine des Pays-Bas352. Était aussi réclamé par la Belgique le trésor de la Toison d’or, conservé lui aussi à Bruxelles depuis le XVe siècle et déplacé en 1794 en Allemagne puis à Vienne353. Quant aux autres biens mentionnés dans l’annexe, ils firent l’objet d’un arrangement à l’amiable entre les États belge et autrichien354. On trouve confirmation de cette

351 Cette expression, « patrimoine intellectuel » fut elle aussi une des innovations introduite par les traités de

1919-1920. Elle est notamment utilisée dans l’article 196-a du Traité de Saint-Germain. On la retrouvedans le cadre des négociations entre l’Autriche et la Hongrie. Voirinfra, p. 162 s.

352 Pour les raisons d’une telle revendication voir infra, p. 126 n. 363.

353 Cette affaire est reprise plus loinà propos des liens de rattachement de certains biens culturels à leur espace

culturel d’origine. Il convient de préciser dès à présent que la réclamation belge au sujet du Trésor n’a cependant pas abouti.Il semble que l’un des éléments qui provoqua la saisine par le gouvernement belge du Comité des Juristes soit la nouvelle parvenue par la presse en novembre 1920 de la mise en gage et de la volonté d’aliénation par la République d’Autriche d’un certain nombre d’objets d’art provenant des collections autrichiennes, afin d’acheter des vivres. En vertu de l’article 196-b du Traité de Saint-Germain l’Autriche était censée ne pas pouvoir disposer desdits objets pendant vingt années. Or parmi les objets concernés par cette vente il se trouvait certaines tapisseries des Gobelins faisant partie du Trésor de la Toison d’Or, sur lequel la Belgique était admiseà formuler certaines revendications, en vertu de l’article 195 du Traité de Saint-Germain. Une note trouvée aux Archives Nationales évoque cette affaire: « La délégation belge demande à la Commission des Réparations de prendre acte de ses réserves ; sa revendication doit faire l’objet d’un examen de la part du Comité des Trois Juristes prévu par le Traité de St Germain : elle prie la Commission des Réparations de provoquer la création dans le plus bref délai possible du Comité des Trois Juristes, afin que les demandes de restitution qu’elle est admise à faire valoir, puissent être immédiatement soumises à l’examen de cet organisme (Annexe 504 ou S.A. 365) » (AN, AJ 5/204 Œuvres d’art et collections.Résumés historiques n° 3. Objets d’art, p. 13-14]). Voir également sur le sujet les AN, AJ 5/203, Collections scientifiques et AN, AJ 6/1848-II/dr. 112-RT-28 (III). En raison de leur volume, ces pièces n’ont pas été jointes au Dossier documentaire.

354 En vertu de l’article 196-a du Traité de Saint-Germain, l’Autriche avait la possibilité de « négocier avec les

États intéressés […] un arrangement amiable en vertu duquel toutes parties desdites collections ou tous ceux des objets [...] qui devraient appartenir au patrimoine intellectuel des district cédés, pourront être, à titre de réciprocité, rapatriés dans leurs districts d’origine ». (Pour le texte complet : cf.t. 2, annexe n° 7).

négociation dans le rapport du comité des Trois Juristes rendu le 23 août 1922 à la Commission des Réparations à propos des revendications tchécoslovaques :

« La Commission des Réparations n’a pas perdu de vue que le Comité des Trois Juristes […] lui a précédemment soumis un rapport en date du 21 octobre 1921 (Annexe 1141 b) relatif aux revendications formulées par la Belgique, du Triptyque de Saint-Ildephonse et du Trésor de l’Ordre de la Toison d’Or ; que, par ailleurs, les revendications par la Belgique des autres objets énumérés à l’Annexe II dudit Article, ont abouti, après discussions orales devant le Comité, à un arrangement amiable entre l’Autriche et la Belgique, arrangement dont la Commission a pris acte (Annexe 1375, Décision 1914). »355

Les objets sur lesquels portaient ces revendications356 firent l'objet d’un accord transactionnel entre la Belgique et l’Autriche, le 31 mars 1922. Dans une note du 19 janvier 1923, le délégué belge Léon Delacroix faisait ainsi savoir au secrétaire général de la Commission des réparations que,

« […] deux délégués, désignés par le gouvernement belge, ont pris livraison des armes, armures, coins de monnaies et de médailles, ainsi que de la carte de Ferraris, ayant fait l’objet de l’accord transactionnel du 31 mars 1922. Les protocoles réglant ces livraisons ont été signés à la légation de Belgique à Vienne et les objets récupérés ont été transportés à Bruxelles. En conséquence, la délégation belge a l’honneur de vous faire savoir que le gouvernement belge renonce à l’action qu’il a introduite en application de l’art. 195 du Traité de Saint-Germain. »357

La Tchécoslovaquie, quant à elle, s’estimant l’héritière de l’État de Bohême à la suite de l’effondrement de l’empire austro-hongrois, revendiqua pour des raisons similaires un important ensemble de documents et d’œuvres d’art enlevé de Bohême depuis le règne de Rodolphe II de Habsbourg358 et transporté de Prague à Vienne359. Toutefois, tout comme pour

355 AN, AJ 6/1848-I/dr. 112-RT-28 (III). Cf. t. 2, Dossier documentaire, p. 98-100.

356 Il s’agit des armes et armures provenant de l’ancien arsenal de Bruxelles, les coins et poinçons par Van

Berckeletla carte de Ferraris.

357AN, AJ 6/1847/112-RT-3. Voir égalementAN, AJ 6/1848-I/dr. 112-RT-28(III). Cf. t. 2, Dossier documentaire,

p. 99-100 et p. 6 du rapport. Côté autrichien on peut lire à la même cote les « réponses » données par le Ministère fédéral de l’Intérieur et de l’Instruction Publique. Quant à la série AJ 6/1847/dr. 112-RT-3, y sont conservés les Mémoires en duplique autrichiens concernant ces mêmes biens, ainsi que les « répliques » belges données aux « réponses » autrichiennes. Cette suite de réponses et de contre réponses constitue la procédure à suivre afin de constituer un dossier devant la Commission des Réparations. A ce propos cf. infra, p. 125.

358 Rodolphe II naît à Vienne le 18 août 1552 et meurt à Prague le 20 janvier 1620. Les représentants

l’État Belge, un arrangement amiable fut trouvé en octobre 1920 entre l’Autriche et la Tchécoslovaquie à propos de certaines pièces360. Ce n’est qu’à la suite d’une longue et complexe confrontation entre les parties qu’une solution d’ensemble fut arrêtée par le Comité des Trois Juristes. Le principe procédural avait consisté pour le demandeur en la rédaction d’un « mémoire » imprimé, exposant les arguments venant à l’appui de sa réclamation. La défense délivrait alors une « réplique » au mémoire, auquel le demandeur devait répondre en rédigeant une « duplique ». Enfin chacune des parties rédigeait ses propres conclusions361. Le Comité des Trois Juristes rendait alors un verdict après lecture, que la Commission des Réparations devait suivre. Du fait même de l’ampleur des recherches historiques entreprises par les différentes parties pour déterminer les droits de propriété362, une reprise même

s’ils mentionnent que la perte de souveraineté de l’État de Bohême et le début des réunions d’œuvres d’art par les souverains autrichiens et leurs déplacements à Vienne remontent à 1526, date à partir de laquelle pour la première fois un prince de la famille des Habsbourg, Ferdinand Ier, fut élu roi de Bohême. Voir leRapport du Comité des Trois Juristes, p. 8, dans AN, série AJ 6/1848-I/dr. 112-RT-28 (III). Cf. t. 2, Dossier documentaire, p. 101-102 et p. 8 du rapport.

359 Pour un aperçu des biens revendiqués, voir l’article 195 du Traité de Saint-Germain-en-Laye, annexe IV (cf. t.

2, annexe n° 7). Le rapport du Comité des Juristes en donne aussi le détail, p. 7 (Cf. t. 2, Dossier documentaire, p. 100-101 et p. 7 du rapport). Parmi ces objets figurait la Couronne impériale de Rodolphe II. Selon l’appréciation de Karel Chytil favorable à la rétrocession de la couronne à la Tchécoslovaquie, « la couronne de Rodolphe II qui ne fut jamais en fait la couronne de l’Empire autrichien, cessa aussi d’être la couronne de la maison des Habsbourg, comme l’avait proclamé Ferdinand II. Elle reste ainsi ce qu’elle était, un monument historique de l’époque de Rodolphe II et une œuvre d’art de cette période importante. A ce titre elle appartient, ainsi que les autres insignes, au pays où elle a été faite, et d’où elle fut emportée secrètement au milieu des protestations des États de Bohême. » (La couronne de Rodolphe II, Ministère de l’instruction publique et de la culture nationale, Prague, 1921, p. 38, conservé aux Arch. Nat., série AJ 6/1848-I/dr. 112-RT-28 (II) [revendications de la Tchéco-Slovaquie [sic] en application de l’art. 195 du traité de Saint-Germain]). Pièce non versée au Dossier documentaire. On notera que Karel Chityl utilise ici le lieu de production de l’œuvre pour justifier la restitution.

360L’accord en question donna lieu à la Convention du 1eroctobre 1920 entre l’Autriche et la Tchécoslovaquie.

Quant aux biens concernés par la convention, il s’agissait des « “documents, mémoires historiques, manuscrits, cartes, etc.” enlevés par ordre de Marie-Thérèse, et mentionné dans la première partie de l’annexe IV, comme aussi “les documents provenant de la Chancellerie royale aulique, la Chambre des comptes auliques de Bohême” mentionnés au début du second paragraphe de ladite Annexe. » (Rapport du Comité des Trois Juristes, p. 6). AN, AJ 6/1848-I/dr. 112-RT-28 (III). Cf. t. 2, Dossier documentaire, p. 99-100.

361 A titre d’exemple voir l’annexen° 1551 (p. 3) qui détaille le contenu du dossier que le Comité des Juristes

joignit à son rapport sur les revendications tchécoslovaques et qu’il adressa à la Commission des Réparations le 25 août 1922. (Cf. t. 2, Dossier documentaire, p. 97).

362 Voir en priorité le rapport du Comité des Trois Juristes, du 21 octobre 1921 (Annexe 1141 b) pour les

revendications belges (dont il nous a été impossible de retrouver la trace aux Archives Nationales) et celui du 23 août 1922 pour les revendications tchécoslovaques (Annexe 1151). Pour ce dernier, cf. t. 2, Dossier documentaire, p. 97 s. Il est toutefois possible de trouver un résumé de ces deux affaires dans l’article de Charles de VISSCHER, « Les monuments historiques et les oeuvres d'art en temps de guerre et dans les traités de paix », art. cit., p. 154-160, ainsi que dans l’article anonyme, « International arbitrations under the Treaty of St- Germain », The British Year Book of International Law, 1923-24, p. 124-130.

synthétique des arguments invoqués encombrerait inutilement cette étude. Il ressort néanmoins des « mémoires » que les principales motivations juridiques des États demandeurs se sont focalisées essentiellement sur deux points.

D’abord, en matière de domanialité publique, il était reproché au gouvernement austro- hongrois d’avoir utilisé des fonds ordinaires des gouvernements intéressés pour l’achat des biens en question, ce qui pour la Belgique et la Tchécoslovaquie faisait des objets concernés des biens domaniaux appartenant de droit aux États pourvoyeurs des fonds. Le cas de la revendication par l’État Belge du triptyque de Saint-Ildephonse est à cet égard des plus explicite, comme le montre la réplique Belge au mémoire de la République d’Autriche :

« Nous nous tiendrons au nœud même de ce litige qui est l’acte juridique par lequel Marie-Thérèse d’Autriche, souveraine des Pays-Bas, a acheté aux religieux de l’abbaye de Coudenberg, à Bruxelles, le triptyque de Saint-Ildephonse, en a fait payer le prix par les finances belges et l’a fait transporter, aux frais de ces mêmes finances, dans son Palais à Vienne. On voudra bien se souvenir que la thèse de la Belgique est la suivante. C’est en qualité de Souveraine des Pays-Bas que Marie- Thérèse d’Autriche a acquis la possession et la jouissance du retable ; car, l’ayant acheté au moyen des finances de cet État et en qualité de Souveraine, elle n’a pu l’acquérir que pour compte de cet État. En vertu de cet achat, le retable s’est trouvé incontestablement faire partie du domaine public des Pays-Bas. Transporté à Vienne pour y orner le palais de la Souveraine des Pays-Bas, le triptyque n’a pas cessé d’appartenir à ce domaine public. L’union personnelle qui unissait la Belgique aux États de la Maison d’Autriche ayant pris fin en 1797, cette Maison a perdu dès lors tout titre à la possession et à la jouissance du triptyque, lequel doit donc faire retour à la Belgique. »363

Ensuite, au regard des droits de souveraineté, les États Tchécoslovaque et Belge s’estimaient héritiers pour le premier de la Bohême et pour le second des Pays-Bas catholiques, ce qui les fondait à revendiquer une certaine part des collections autrichiennes.

Cela étant, on ne peut qu’être frappé par le caractère monolithique de la décision du

Outline

Documents relatifs