• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Cadre conceptuel

3.1 Définitions du travail social

3.1.2 Travail social et santé mentale au Québec

L’instauration de la loi 217 adoptée au Québec en 2009, est venue modifier profondément le paysage des pratiques d’aide en santé mentale. En voulant encadrer et mieux définir la pratique de la psychothérapie, cette nouvelle loi est venue forcer la main aux différentes instances encadrant le travail social, à mieux en définir la pratique. Ainsi, un registre de pratiques particulières à la profession a été défini, y retrouvant entres autres : l’évaluation psychosociale d’individus atteints de troubles mentaux, l’élaboration de plan d’intervention pour les personnes atteintes de troubles mentaux et présentant un risque suicidaire et un pouvoir de décision dans la mise en place de mesures de contention8.

Ce faisant, un « Énoncé de position » a été conçu pour la pratique du travail social dans le champ de la santé mentale. Les auteurs de cet énoncé ont cherché à éloigner le travail social en santé mentale des logiques qui favorisent une intervention orientée uniquement sur l‘individu et ses symptômes (OTSTCFQ, 2013). En effet, ils soutiennent qu’une intervention en santé mentale reposant uniquement sur l’individu serait un construit social qui mise sur la performance, la productivité, l’autonomie et l’épanouissement (OTSTCFQ, 2013). On critique donc l’aspect individualisant de certaines réponses aux problématiques de santé mentale, où la responsabilité du bien-être incombe à l’individu en premier. Dans cette critique et cette vision de la santé mentale, on chercherait à mettre l’emphase sur les déterminants sociaux qui peuvent avoir un impact sur le bien-être social (ibid.).

En reprenant la construction conceptuelle d’une « jonction » ou d’un « lien » qui existerait entre l’individu et son environnement, on identifierait ainsi l’objet d’expertise des travailleurs sociaux (OTSTCFQ, 2013). Ce faisant, l’individu est dès lors perçu

7

Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines.

8 Repéré sur le site de l’OTSTCFQ : https://beta.otstcfq.org/public/nos-professions/activites-

comme faisant partie d’un réseau complexe, où la dimension intérieure de sa réalité subjective, se prolongerait également dans des contextes extérieurs. Le prolongement de l’individu à son environnement s’effectuerait à même un horizon qui devrait être balisé par les idéaux liés au travail social, soit la justice sociale, la participation citoyenne, le pouvoir d’agir et le rétablissement (OTSTCFQ, 2013). Cette compréhension particulière des individus ajoute une dimension à l’être, qui serait bien souvent occultée par une ontologie reposant sur l’idée de l’esprit en tant que monade autonome. Ce faisant, cette « complexité »9 se retrouve au cœur des interventions réalisées auprès des individus et de la compréhension de leur situation (ibid.). L’individu serait perçu comme ayant la capacité de changer et d’évoluer selon ses besoins et aspirations. Ainsi, les actions devant être posées dans une intervention en santé mentale, le seraient autant sur des échelles individuelles que sociétales, permettant de renforcer autant les individus que les communautés qui les accueillent.

La notion de santé mentale en travail social devrait donc être comprise comme une réalité sociale et ce serait à partir de cette perspective qu’elle devrait être abordée avec les individus. Selon les auteurs de l’énoncé de position, il faudrait questionner le sens accordé au trouble mental par l’individu et son environnement immédiat (OTSTCFQ, 2013). Ce questionnement devrait se répercuter à même l’intervention individuelle avec les individus souffrant de troubles mentaux, pour faire émerger des dynamiques entretenues par la personne et l’environnement. De plus, une telle intervention devrait mener les professionnelles à entrer en relation avec l’usager au-delà des diagnostics, symptômes et déficits, pouvant être perçus (OTSTCFQ, 2013).

Les différents éléments composant la situation de la personne et ses rapports sociaux qui doivent être considérés, devraient être compris à travers le prisme des normativités sociales et des conséquences négatives qui en découlent, telles la stigmatisation, l’exclusion sociale et l’oppression (OTSTCFQ, 2013). La travailleuse sociale qui fait partie de l’environnement immédiat de la personne aurait donc une responsabilité d’agir

9 Cette notion n’étant pas définie dans l’énoncé de position de l’OTSTCFQ, nous renvoyons le lecteur à la

notion de « système complexe », tel qu’élaboré en mécanique/physique, comme étant un système ayant la possibilité de s’autoréguler (Benasayag, 2015).

en ce sens. On définit donc l’intervention individuelle comme une « alliance collaborative » entre la travailleuse sociale et son client, afin de lui offrir une aide professionnelle lorsque l’état mental entraîne une souffrance personnelle et sociale. Cette souffrance se définirait à l’aune d’une appréciation intrapersonnelle et subjective de l’individu, qui prendrait en considération autant l’état physique qu’émotionnel (OTSTCFQ, 2013). L’intervention offerte par la travailleuse sociale aurait une portée thérapeutique, car elle possèderait en elle le germe d’agir sur des croyances, des perceptions ainsi que sur des comportements, qu’un individu pourrait avoir envers son milieu (ibid.).

La travailleuse sociale, soutenue par la notion de complexité, est invitée à porter un « regard » global sur l’individu qui souffre d’un trouble mental, pouvant permettre de voir au-delà d’un diagnostic de trouble mental et des symptômes associés. Ce type de regard va prendre en considération les besoins personnels de l’individu, ses aspirations, ses connaissances et ses différentes compétences. En visant le rétablissement d’un trouble mental, ce processus devrait être compris comme tel (un processus) et non comme une finalité, faisant écho à la singularité de chaque individu et au sens personnel, propre à ce qu’il désire réaliser (OTSTCFQ, 2013). Concrètement, l’accompagnement offert par la travailleuse sociale se forgerait à travers des rencontres avec la personne où la professionnelle aurait pour mandat d’écouter, de recevoir et d’accueillir la souffrance exprimée par l’individu (ibid.). Par la suite, il serait possible d’offrir des conseils et des recommandations à l’individu nécessitant les services. L’ACTS va instaurer les mêmes bases, misant sur l’accueil, l’écoute et le soutien (ACTS 2009). D’emblée, nous remarquons que l’écoute fait partie des mandats et des tâches que doivent exercer les professionnelles en travail social en santé mentale.