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Chapitre 5 : Présentation des résultats

5.3 Dimension socioculturelle de l’écoute

5.3.2 Conditions nécessaires à une bonne écoute

Dans les conditions nécessaires à une écoute qui serait qualifiée de suffisamment bonne par les participantes, nous avons choisi de les présenter sous la dimension socioculturelle. Une bonne écoute, selon Purdy (1991), répondrait plus à des critères définis culturellement, que se rapportant à des expériences personnelles d’écoute. Il va sans dire que ces conditions de bonne écoute se manifestent autant à un niveau intrasubjectif qu’intersubjectif, et pourraient être transversales à la présentation des résultats. Comme pour la dangerosité, il nous est apparu que ces conditions seraient plutôt déterminées par des discours encadrant la relation d’aide et le travail social. En effet, les conditions nécessaires à une bonne écoute étaient presque toutes liées à des conditions environnementales et externes à la travailleuse sociale. Alors que ces conditions sollicitent aussi une dimension d’idéal, elles viennent également modeler la subjectivité de la travailleuse sociale et s’insèrent dans son rapport à l’autre. Nous partons donc d’un présupposé où cette relation à soi et à l’autre est d’origine socioculturelle et idéologique.

5.3.2.1 Diriger son attention

D’entrée de jeu, les conditions nécessaires à une bonne écoute semblent être reliées au niveau d’attention qui est portée à l’individu. Cette attention semble nécessaire à la production du comportement souhaité. L’autre critère est lié à l’environnement, soit d’avoir des conditions physiques et matérielles nécessaires permettant d’offrir une attention soutenue, sans distractions. Finalement, une autre variable semble être la relation à l’autre. Il y aurait une dimension affective, reliée à la perception positive que la travailleuse sociale peut avoir de son interlocuteur qui mobilise son engagement attentionnel envers l’autre :

« Ou qu’on est en train de taponner sur un cellulaire là, ou qu’on fait n’importe quoi, qu’on ne regarde pas la personne ou on… quand on est en train d’échanger,

comme là on échange pis je te regarde pas continuellement, parce que je m’en vais dans mes pensées, je reviens, je repars, je reviens. Mais je veux dire, on le sent quand la personne écoute là. » (Lyne)

« Ben que la personne elle ne fait pas autre chose. Elle est concentrée sur euh… sur l’autre. Euh…elle a…elle est concentrée sur ce que l’autre dit. » (Karine) Cette attention indivisible portée à l’autre personne se présente donc comme une condition première à l’écoute. Toutefois, un ensemble de facteurs peuvent influencer la capacité de diriger son attention ou de la concentrer en un point focal. Un premier facteur déterminant s’avère être l’environnement ou les lieux physiques où se déroule la rencontre. Un certain pouvoir sur l’environnement et les variables qui pourraient venir perturber l’attention semble associé à un bon comportement d’écoute. En règle générale, on cherche à minimiser les distractions :

« Mais moi je dirais qu’il faut qu’il y aille…. (silence), toujours dans le cadre de ma pratique là, mais bon. Premièrement je pense qu’il faut que…le…le milieu soit…soit choisi là. Dans le sens que….ça dépend de la teneur de ce qui est dit aussi, mais tsé si je veux vraiment être à l’écoute, si je suis dans le milieu dans corridor pis que la personne veut me parler pis que tsé ben la… je vais tu être distraite par ce qui se passe autour, tout ça. Facque tsé moi quand j’écoute quelqu’un, c’est dans mon bureau, la porte fermée euh… euh…tsé mon ordinateur est fermé, je veux dire tsé chu…chu…je pense que le lieu là, physique, pis les distractions autour euh…euh… sont importantes euh… Tsé comme ça me gosse ben gros si on vient cogner à ma porte quand je suis en entrevue parce que j’ai oublié de mettre ma petite pancarte là. Tsé, là je trouve qu’il y a quelque chose qui décroche. » (Josée)

« Dans mon travail particulièrement, il y a les conditions matérielles aussi, parce que moi je travaille à domicile, ou des fois je fais des rencontres dans des cafés, dans des parcs, dans des maisons où c’est qu’il y un chien qui saute sur les pattes ou je ne suis pas sûr qu’il y a des punaises autour tsé. Euh… donc il y a aussi ça tsé, comment je peux aussi être attentive. Donc des fois je vais revenir avec la personne sur le fait qu’il n’y a pas les conditions nécessaires pour que je puisse vraiment être concentrée avec elle. » (Myriam)

Ces aléas nommés de manière si spontanée nous font penser que ces conditions ne sont pas toujours atteintes. Ainsi, l’impact du milieu sur l’écoute peut s’avérer nuisible au bon déroulement de l’entretien. Un deuxième point fondamental dans les conditions nécessaires à l’écoute touche à la question du temps. Temporalité réelle et aussi imaginaire, alors que la majorité reconnait la nécessité de pouvoir prendre du temps pour écouter l’autre, beaucoup décrie son absence dans les milieux de pratique :

« C’est important de prendre un certain temps par rapport à ça. Pis pour le temps ben…logiquement je ne pense pas qu’on puisse avoir une écoute euh… de qualité euh…si on est au coin du cadre de porte, pis qu’on regarde notre montre aux deux minutes, tsé. C’est une image là. . Facque…le temps ça fait partie des vecteurs tsé on... On ne peut pas dire à une personne : « Écoutez-la, là on a une demi-heure, facque…GO! Dites –moi ce qui se passe ». Tsé, ça pas de sens là! Pis quand j’ai dit tolérer les silences, euh…faire des reformulations, ça prend un temps ça là là. C’est en pas en…tsé. Pis c’est… c’est pas…c’est pas en quinze minutes, pis c’est pas en trois heures. Tsé il y a un temps où on a une bonne écoute de qualité-là, pis à un moment donné euh… Ça commence à…à baisser un peu. Tsé on a besoin de…d’une pause. » (Lyne)

« C’est très technique, mais je pense que le temps. Et euh…bêtement c’est souvent ce qui manque euh…c’est ce qui peut manquer. Pas nécessairement ici, mais c’est ce qui peut manquer dans nos services c’est le…le…le temps. C’est le grand….c’est le nerf de tout ça. Il faut déjà avoir le temps de faire… (silence) » (Vanessa)

Cette dimension du temps semble être grandement affectée par des facteurs sociaux-culturels. Ainsi, plusieurs travailleuses sociales ont fait mention des impacts des stratégies de gestion appliquée dans leurs milieux respectifs. Ces stratégies de gestion ont un impact direct sur le temps alloué aux différents usagers, influençant ainsi la possibilité d’une écoute aidante :

« Je pense que tsé c’est des gens qui sont très souffrants, pis c’est des gens qui ont…qui à quelque part ont…ont beaucoup besoin d’une présence, qui ont besoin d’être écouté. Facque tsé je pense que si ils pouvaient avoir des gens plus disponibles, puis peut-être…quand qu’il y a moins de pression justement à vider des lits ou des choses comme ça, je pense que…ça pourrait valoir le coup pour, peut-être sécuriser les gens que; ouin il y a quelqu’un qui est à l’écoute, je pense que oui ça pourrait être bénéfique. Mais tsé, les contextes sont ce qu’ils sont dans les centres hospitaliers, pis dans les salles d’urgence. Facque ça se prête moins. » (Justine)