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Au-delà du travail en commun : La difficile recherche de convivialité

La Louve : Organisation et finalités d’une coopérative d’un genre nouveau

3. La coopérative pour faire le collectif

1.2 Des groupes de travail structurants pour la coopérative

1.2.3 Au-delà du travail en commun : La difficile recherche de convivialité

Une fois la structure intégrée, un groupe a été créé pour assurer une convivialité entre les membres. Le groupe Convivialité a essayé d’organiser des évènements pour que les membres se rencontrent dans un autre cadre que celui du travail, et que les personnes non intégrées dans un groupe de travail puissent rencontrer celles qui sont impliquées.

« L’idée de base était très précise quand même. C’était donc du réseautage interne. Donc, c’était des évènements internes pour qu’il y ait une identité liée au lieu. Donc, c’était un lieu, des gens dans une association qui ne se connaissent pas et il faut absolument qu’ils fassent des choses ensemble et qu’il y ait…qu’on crée un esprit La Louve. Donc j’aimais beaucoup cela, tu vois : un lieu, un esprit et une communauté. L’idée c’était vraiment de faire une espèce de trépied et d’organiser donc des évènements récurrents autour d’un lieu et qui fassent en sorte qu’il y ait de la présence dans ce lieu et que les gens… cela soit quelque chose…que cela devienne quelque chose de naturel. Bon, tout cela tu le sais, hein…puisque tu es dedans… Voilà, donc de créer un truc récurrent et évident pour les gens, pour que les gens ne se posent pas la question de : est-ce que je peux être accueilli ? Oui, La Louve c’est de l’accueil. Mon idée c’était cela. Et il y a forcément quelque chose, soit qui se passe, soit des gens sympas et je m’emmerde chez moi mon boulot était chiant, etc. bingo, un peu un after work, enfin tu vois ou un interwork » (Stéphanie)

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Figure 28 Soirée Dégustation de bières 27 mai 2014

Pendant la période d’observation, les évènements ne rassemblent pas beaucoup de monde. Une soirée « chocolat » à laquelle l’ensemble des membres était convié, a accueilli une dizaine de personnes. Pourtant, les organisateurs avaient préparé une affiche, communiqué sur l’outil collaboratif, envoyé des mails pour promouvoir l’événement. Une autre soirée, organisée sur une péniche parisienne qui a eu droit à une stratégie de communication bien étudiée, a obtenu la participation d’une trentaine de personnes. Les personnes qui se mobilisent sont majoritairement celles qui sont les plus impliquées. Devant cette faible affluence, le groupe convivialité a été relégué au second plan face à l’urgence d’accélérer les souscriptions.

En fait, il y a eu une distorsion entre le discours de Tom (Le président) hein et de La Louve et ce qui se passait. La distorsion elle était dans le fait que, effectivement le mandat que moi…sur lequel on s’était mis d’accord pour Convivialité était du réseautage interne, sur un lieu et donc l’idée qu’il y ait une personne, plus deux, etc. Et moi, dans ma tête, je m’étais dit que ce serait viral. C'est-à-dire qu’en fait…les gens des groupes viendraient…tu vois… Moi, mon idée c’était de faire Convivialité et puis on invite…le groupe Approvisionnement…une soirée au groupe Appro etc. mais que cela donne la possibilité aux autres membres dormant de venir. Et je me suis rendu compte en fait que…il y avait une inertie qui était que c’était toujours les mêmes qui venaient au mercredi67 mais qu’il y avait une inertie, que cela n’allait pas plus loin. Alors ça, c’était les fêtes mais le truc un petit peu plus grave c’était qu’on ne pouvait pas en parler. C'est-à-dire que à chaque fois que je croisais Tom ou Brian, ils n’avaient pas envie de parler de cela. Ils n’avaient pas envie de faire un bilan. Et comment te dire ?

Et alors…donc…la distorsion elle était entre mon mandat de départ et puis le fait que, tout d’un coup, problème de trésorerie : il faut faire entrer de l’argent dans les caisses. (Stéphanie)

Pourtant, dans les médias, le Président mettait en avant le côté convivial et créateur de lien social dont le projet est porteur :

Malheureusement, aujourd'hui, les endroits où l’on achète notre nourriture sont souvent et de moins en moins des destinations sociales et conviviales. Il n'y a aucune personne qui se dit : « On est samedi, super, je vais aller passer une ou deux heures regarder, acheter, bavarder à mon supermarché ». Et cela n'est pas normal. Sur les marchés parisiens, oui, ça peut arriver et heureusement, vous avez toujours ça en France. Mais l'expérience est désormais si déshumanisée, si saturée de marketing, que d’avoir envie d'y rester longtemps n'est pas imaginable... Dans notre groupement d'achats […] l'ambiance est extrêmement conviviale et humaine. […] Régulièrement, des cours de dégustation, des réceptions, des pique-niques sont organisés par un comité de convivialité. Et dès que le supermarché ouvrira ses portes, ces activités seront proposées plus considérablement.

Si lors de sa création, le groupe Convivialité était un groupe indépendant, il devient un sous- groupe du groupe Recrutement peu avant le début de l’ouverture des souscriptions. Ses membres deviennent les petites mains du groupe Recrutement et les évènements organisés pendant cette période seront orientés vers la recherche de la notoriété et de souscriptions. La Figure 29 Affiche d'une projection organisée par le groupe Convivialité, illustre la transformation du rôle du groupe Convivialité. La projection du documentaire « Les Lip, l’imagination au pouvoir » organisée non pas dans le local de La Louve mais au Centre Barbara s’adresse davantage à un public externe. L’invitation précise que :

« Cette soirée sera l’occasion d’annoncer la naissance de notre Coopérative La Louve et de vous présenter son projet d’ouverture d’un supermarché participatif dans le 18° (quartier Amiraux-Simplon) fin 2015. »68

Figure 29 Affiche d'une projection organisée par le groupe Convivialité

Plusieurs études portant sur des circuits de distribution alternatifs font ressortir, à côté de la quête de proximité avec les producteurs, la dimension du lien social et de la convivialité sous- jacente à l’engagement (Lamine, 2008 ; Dufeu et Ferrandi, 2013). Pourtant, lors de la période d’observation, les interviewés sont peu nombreux à nous affirmer s’être fait « des amis » à La Louve et se voir en dehors des moments de travail pour la structure. Il y a certes un lien qui se créé par le travail, sur le temps de travail, dans les groupes et la socialisation opère dans et par le travail mais n’est pas transposable à d’autres sphères. La recherche du lien social semble être absente chez la majorité des personnes engagées dans cette initiative. Les événements qui connaissent un engouement sont ceux ouverts au grand public. La Louve par son fonctionnement s’appuie sur des choix d’efficacité pour finaliser le projet « commercial » qui laissent peu de place au lien social dans la phase observée.