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Des salaires justes et une égalité stricte entre salariés

La Louve : Organisation et finalités d’une coopérative d’un genre nouveau

3. La coopérative pour faire le collectif

1.5 Le travail rémunéré :

1.5.4 Des salaires justes et une égalité stricte entre salariés

La coopérative cherche à rémunérer correctement ses salariés et leur assurer avant que ce ne soit une obligation légale une complémentaire santé en plus d’une retraite complémentaire, un groupe de travail est spécialement dédié à ces problématiques. Un document unique entreprise a été rédigé par la coordinatrice de ce groupe expliquant la démarche. Le revenu a d’abord été fixé à 1,7 du SMIC pour être ensuite revu à la baisse. Après la première embauche, les salaires ont été fixé à 1,5 du SMIC pour l’ensemble des salariés. Les salariés considèrent cependant que ce salaire est insuffisant pour vivre à Paris et pour la quantité de travail fourni – même ce sont des contrats de 35 heures par semaine, les salariés dans une posture sacrificielle. Ils souhaitent

adhérer à FNCC (la Fédération Nationale des Coopérative de Consommateurs) pour profiter de sa convention collective ouvrant la possibilité d’un 13ème mois. La fixation des salaires s’est faite en comité de coordination, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de délibération ou de discussion sur la juste rémunération des salariés ouverte à l’ensemble des membres. A été avancée l’idée de discuter de l’augmentation des salaires en Assemblée Générale. Ainsi, en dehors des aspects légaux, la coopérative n’a pas encore de réflexion sur le travail de ses salariés en termes de qualité ou de quantité.

Toutefois, tous les salariés ont le statut d’agent de maitrise et ont la même rémunération. Ils ont des missions techniques propres (responsable comptable, chef de projet partenariats financiers et techniques, etc.), ainsi, il y a une spécialisation des tâches même si en parallèle tous sont chefs de magasin. Ils agissent en autonomie sous le contrôle du comité de gouvernance.

Encadré 14 : Extrait du journal de bord du 19 octobre 2015

Nous sommes en octobre 2015, La Louve n’a pas encore obtenu l’autorisation de débuter les travaux. Un coordinateur de groupe rappelle les enjeux de cette fin d’année : « Mise en place et ouverture de l’épicerie, mise en route de la gestion des membres, suivi des travaux par la maîtrise d’ouvrage (choix du devis et suivis de chantier), clôture de l’exercice comptable 2015 et mise en place des procédures nécessaires et légales (caisses – approvisionnement – souscriptions. »108

Il précise que, « étant données la charge de travail et les urgences de fin d’année qui se présentent, les tâches précitées ne peuvent êtes accomplies par le seul travail bénévole, considérant les temps de présence nécessaires, la technicité des tâches et l’importance des enjeux. Ainsi, afin de soulager les responsables de ces tâches et de permettre leur bonne réalisation, nous allons faire appel à des consultants, facturant par note d’honoraires. L’ensemble correspond à un budget inférieur à environ 8 700 euros.109» Les consultants dont il s’agit ici sont les coordinateurs de groupes qui travaillent sur chacune de ces problématiques.

opération… Et faut se dire que c’est plus que de l’esclavagisme que de leur demander de travailler gratuitement » 110.

Plus tard pendant la réunion, on traitera de l’embauche des futurs salariés dont l’un des trois est l’un des fondateurs et les deux autres des membres très impliqués dans le projet (qui sont eux- mêmes les consultants cités plus haut). Aucune offre de candidature n’a été émise en interne ni en externe :

« A mi-octobre, il est temps de formaliser les intentions d’embauche afin de permettre aux intéressés de s’organiser et à La Louve de garantir une bonne mise en place de son fonctionnement. Dans la logique présentée en AG du 24 septembre, les embauches ne doivent pas être retardées démesurément et afin de minimiser l’impact sur le budget, dans le cadre du retard d’ouverture, elles ont été décalées de quelques mois. Ainsi, les personnes suivantes se sont portés candidates : X pour la compta, Y pour le responsable gestion des ventes, Z pour la partie maintenance. Dans la logique de La Louve, confirmer l’embauche de chacun d’entre eux semble l’évidence à la vue du travail déjà réalisé, de leur implication dans les dossiers respectifs afin d’assurer une certaine continuité des tâches nécessaires, à la vue de leurs connaissances fines du projet, de sa philosophie, de ses tenants et aboutissants, de ses besoins »111

2 Le modèle d’affaire pour la mise en place de l’alternative

Le modèle d’affaire de La Louve se base aussi bien sur l’obligation de travail réduisant des coûts fixes que sur l’achat de ses membres. Ce projet s’inscrit néanmoins comme alternative au système marchand conventionnel dans la définition volontairement large que proposent Deverre et Lamine (2010, p. 58) « considérés comme initiatives comportant des allégations de « nouveaux » liens entre production et consommation, ou entre producteurs et consommateurs, en rupture avec le système « dominant » ». L’alternative s’inscrit dans une démarche éthique. Le caractère éthique de la démarche de La Louve est souligné dans sa communication vers l’extérieur ou vers ses membres. Elle détaille dans celle-ci ce qui est sa raison d’être et ce qu’elle pense être des rapports de production plus respectueux de la planète et des rapports d’échange plus équitables. Dans sa première profession de foi La Louve se définit comme :

« Garantissant l’excellence des produits sélectionnés grâce à une exigence gustative, nutritionnelle et sanitaire élevée, La Louve soutient des producteurs qui s’inscrivent dans une démarche éthique et respectueuse de l’environnement. Association à but non lucratif, la Louve recherche la transparence dans tous ses actes d’achat, de vente, de gestion et d’administration. […] Manger mieux, moins cher, tout en respectant les producteurs et l’environnement est un souhait partagé par tous. »112

La Louve est là pour corriger un dysfonctionnement économique lié au surcoût que la grande distribution impose pour les produits alimentaires à travers ses marges excessives et l’inaccessibilité de la qualité aux plus modestes. Cette situation a un impact sur le pouvoir d’achat des plus pauvres mais aussi sur le bien-être des producteurs qui subissent le pouvoir des distributeurs. La Louve est aussi là pour la préservation de l’environnement. Ainsi, La Louve souhaite mettre l’humain au cœur des échanges tout en garantissant un développement plus durable. Son éthique porte sur trois éléments principalement : le social, l’économique et l’écologique.

Dans cette partie en décrivant des éléments du modèle d’affaires de La Louve, je donne à voir comment ont été opérés les arbitrages dans les choix éthiques pour mettre en place le projet