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Introduction au terrain de recherche et éléments de méthodologie

Alexandra 60-70 Membre actif dans plusieurs

E- mails mails échangés entre les différents membres de groupe

2.4 Réflexivité et éthique du chercheur

Plusieurs chercheurs ont conceptualisé la réflexivité du chercheur comme une sous-catégorie de l’introspection (Bettany et Woodruffe-Burton, 2007 ; Wallendorf et Brucks, 1993) destinée à examiner le rapport entre le chercheur et son objet de recherche. La position du chercheur sur le terrain et notamment la relation de pouvoir avec ses informateurs (Hirschman, 1986, 1993) est en effet déterminante car elle a un impact sur la réalité perçue et restituée. L’objectivation de cette position est donc non seulement importante pour mieux situer la réalité saisie à l’intérieur d’une relation et d’un contexte particulier, mais aussi fondamentale dans le sens où elle relève de la déontologie du travail de recherche et d’une mise en question continuelle du regard posé sur le réel.

Le travail ethnographique de longue haleine mené au sein de La Louve implique d’en devenir membre. Ceci sous-entend l’adhésion à des principes et des idéaux mais aussi la participation et l’animation d’événements et de rencontres. Je devais dans ce sens à la fois avancer à découvert, annoncer aux participants ma qualité de chercheur puisque je mettais en place des entretiens informels à la fin des réunions et tenter dans le même temps de rester discrète. La réflexivité rejoint les règles éthiques qui doivent être respectées lors d’une recherche de ce genre. Château-Terrisse et al. (2016) identifient à ce sujet deux règles fondamentales : « les règles d’information et de consentement » et « la règle de confidentialité » en précisant que ces règles peuvent s’avérer difficiles à respecter, particulièrement dans un contexte français où en dehors des recherches cliniques un code déontologique n’est pas obligatoire.

2.4.1 Distance et familiarisation

La collecte de données et leur analyse n’est jamais une activité neutre. Elle amène à renoncer à l’objectivité. Elle replace le chercheur au centre de l’expérience (Devereux, 1967, Favret- Saada, 1977). Pour Devereux (1967, p. 77) : « la perception d’une situation est influencée de manière radicale par la personnalité du sujet percevant. Souvent, le sujet d’expérience change la réalité, par soustraction, par addition, ou par remaniement de celle-ci en fonction de ses dispositions personnelles, de ses besoins et de ses conflits – pour une bonne part inconscients

Par ailleurs, Silverman (2009) cité par Château-Terrisse (2013) préconise d’expliciter les raisons ayant mené au choix du sujet afin d’éclairer sur les possibles biais de subjectivité. Le choix du sujet est né d’un questionnement personnel lié à ma sensibilité aux problématiques touchant à l’alimentation. J’ai pris connaissance de l’existence de La Louve en cherchant un groupement d’achat à Paris pour ma propre consommation. Le premier mail que j’ai envoyé pour me renseigner sur les modalités d’adhésion n’était motivé que par mon souhait de trouver une alternative de consommation à proximité de mon domicile.

Au premier abord, les valeurs portées par ce qui, à l’époque, n’était qu’un groupement d’achat rassemblant une centaine de consommateurs, étaient celle que je cherchais à respecter dans ma consommation quotidienne.

Au fur et à mesure de mes observations, j’ai relevé l’écart qu’il y avait entre le discours porté par l’initiative à son lancement et les pratiques de ses membres. A titre d’exemple, à un niveau gestionnaire et décisionnel, il m’a semblé que plusieurs décisions étaient prises en amont sans consultation de l’ensemble des membres. Certaines « stratégies » étaient mises en place pour pousser les autres membres à accepter des idées ou des propositions.

Au niveau du groupement d’achat, certains des fruits et légumes étaient achetés à Rungis, ils pouvaient de même ne pas être bio et cela sans que dans un premier temps les membres n’en soient informés ni que ça soit systématiquement signalé. Une posture contradictoire, alors que le supermarché promettait d’avoir une offre qualitative, au maximum bio, locale, en circuit court et avec une totale transparence concernant l’origine et la provenance de l’offre. D’autant qu’à ce stade où il y avait plus ou moins 150 paniers à distribuer, il aurait été possible de proposer des produits émanant de circuits courts.

Des produits hors saison étaient proposés, ainsi que des produits venant de très loin, comme du yuzu en provenance du Japon vendu à 35 euros le kilo avec comme argument de vente son prix 5 fois inférieur à celui de la Grande Epicerie de Paris.

Des pots étaient organisés à la suite des réunions et des Assemblées Générales, ces évènements se déroulant le plus souvent à partir de 19h30. La plupart du temps, les produits proposés étaient des produits industriels achetés dans des supermarchés conventionnels. De même, les détergents utilisés pour nettoyer le local sont des produits néfastes pour l’environnement. Mon statut d’observatrice me permettait d’observer ces écarts et comme noté plus haut, je m’astreignais (parfois difficilement) à n’intervenir en aucune façon de manière à garder la distanciation nécessaire avec l’objet de recherche et de la maintenir en particulier lors de la

2.4.2 Les règles d’information et de consentement

Toute personne participant à l’étude se doit d’être informée, et doit avoir le choix de participer ou non à l’étude.

o Les observations

L’observation est une tension entre la prise de partie (« l’engagement ») et la « distanciation » (Elias, 1995). Il faut être « engagé » lors de l’événement et « détaché » lors de la prise de note, ce que Beaud (2010) qualifie de vertu « objectivante », « distanciatrice » de l’écriture après coup (Beaud, 2010, p.143)

Afin d’informer les membres de La Louve de la tenue de mon enquête, j’ai, dans un premier temps, envoyé un résumé de mon projet et de ma démarche de recherche afin d’avoir un accord me permettant de mener mes observations et d’accéder facilement aux différents espaces (Cf. annexe n°2).

Lors de mes premières observations, durant les réunions d’un groupe de travail, je me présentais en précisant que je menais en parallèle une recherche sur La Louve. Je demandais alors l’autorisation d’enregistrer les propos tenus lors de la rencontre, tout en précisant que j’acquiesçais à toute demande d’arrêt de l’enregistrement. Avec le temps, ayant acquis une familiarité avec les personnes participantes, je n’ai plus eu à me présenter et je mettais automatiquement en marche le magnétophone. Lors des préparations ou des distributions de commandes, je me présentais uniquement sur demande.

Lors des événements de recrutement, rencontrant plusieurs personnes en même temps, je me présentais seulement comme membre de La Louve. En effet, les fois où j’ai précisé que je menais aussi une recherche sur le projet, les questions qui m’ont été adressées ont porté principalement sur mon sujet et ses objectifs et sur mes ressentis de La Louve. Ainsi, pour garder la spontanéité de l’échange, à ces moments, je me présentais seulement comme membre de Louve. Si la conversation s’engageait et que je souhaitais avoir plus d’informations sur une personne particulière voire mener un entretien informel avec elle, je précisais évidemment que

de mes répondants. Ces personnes m’ont ouvertement accordé leur consentement et je leur ai envoyé ultérieurement la retranscription de l’intégralité de l’entretien. Lors de trois entretiens, les interviewés m’ont demandé d’éteindre le magnétophone pour me donner des informations qu’elles estimaient confidentielles, ce que j’ai respecté.

2.4.3 La confidentialité

En principe, en dehors du chercheur, nul ne doit connaître le nom des personnes ayant participé à l’étude. Kaiser, 2009 précise toutefois que « la protection de l’identité des participants est dans la pratique souvent difficile à mener et souffre de révélation déductive ».

Dans le cadre de ce travail, le nom de la structure n’a pas été changé, les réunions sont identifiables et les personnes peuvent potentiellement être reconnues. J’ai pris soin toutefois de toujours demander l’autorisation d’enregistrer les réunions et à aucun moment on ne m’a demandé d’arrêter d’enregistrer.

Pour tenter de garder l’anonymat lors des entretiens formels, j’ai fait le choix de changer le nom de tous les participants mais il reste possible, par « déduction », au vu de leur parcours ou des fonctions qu’ils occupent, de les identifier. Cependant aucune des personnes auxquelles j’ai envoyé la retranscription intégrale des entretiens n’a demandé de passer sous silence ce qu’elle m’a dit. Les informations dites en off n’ont fait l’objet que d’une retranscription partielle a postériori.