• Aucun résultat trouvé

La Louve : Organisation et finalités d’une coopérative d’un genre nouveau

3. La coopérative pour faire le collectif

2.1 Le modèle économique

2.1.6 Le choix des produits

Comme signalé précédemment, les produits sont choisis par les coordinateurs du groupe approvisionnement ou des personnes qui les conseillent, sans qu’un cahier des charges ait été établi en amont. Le choix opère sur la base de la qualité des produits, notion qui peut cependant sembler relative en l’absence d’un cadre définissant les critères de cette qualité. Dans l’objectif de capter le maximum d’achats des membres, il est signalé que différentes catégories de produits seront présentes dans le supermarché (cf. Encadré 15 : Extrait d’une présentation de l’offre de produits pendant une réunion d’information), en privilégiant les produits bios ou locaux.

Ainsi, l’éthique dans le choix des produits se base sur du pragmatisme comme le souligne le président de la coopérative, qu’il est possible de qualifier d’éthique utilitariste en l’absence d’un système de valeur la structurant. Ce pragmatisme vient modérer ce qui est considéré par les fondateurs comme étant de l’ordre d’un rêve, d’une utopie – proposer une offre de produits respectueuse de l’environnement, de l’homme, en circuit court/local, en agriculture raisonnée/biologique. Par conséquent, l’offre de produits du supermarché doit porter des valeurs (relatives au développement durable dans une acceptation peu précise) et proposer une gamme reflétant ces valeurs, tout en évitant un rigorisme qui viendrait mettre en péril le souhait de mixité sociale. L’offre de La Louve doit permettre à tout un chacun d’intégrer le projet et y trouver son compte.

Pour l’ouverture du supermarché, en s’inspirant du modèle américain, le « boycott » de produits par les membres est présenté comme leur réponse à l’offre qui est proposée : « en fait les votes sur les produits c’est les achats, si on aime les produits on les achète sinon on ne les achète pas, et on les expulse du supermarché. C’est très démocratique en fait » (Brad).

Ici, émerge une sorte de démocratie par l’achat. Néanmoins pour que le « vote » soit démocratique, il faut qu’il y ait un réel effort d’information et de discussion autour des choix des produits, ce qui pour le moment n’est pas encore le cas dans La Louve.

La logique de boycott mise en place à PSFC, a pour stade ultime le vote des membres. La priorité est donnée à l’information sur les produits, à la discussion à propos de ceux ceux-ci sur leur bulletin d’information (Linewaiter gazette)125.

Dès avril 2013, le Président de la coopérative étaient conscients du danger d’avoir une offre de produits « originale » ou en quantité trop importante par rapport aux besoins des membres : « Les coopératives sont des projets fragiles par définition […] et certaines coopératives ont par exemple commandé trop de produits et/ou trop de produits « originaux » sans vraiment s’assurer que ceux-ci se vendront ou seront suffisamment populaires auprès des membres. »126 Dans le groupement d’achat, à plusieurs reprises, le coordinateur du groupe a commandé plus que nécessaire, et malgré les relances par mails aux membres afin de les inciter à venir acheter ce surplus (cf. Figure 38 Mail pour écouler des stocks - 10 mars 2015), le groupe a parfois été contraint de jeter ce surplus (en particulier dans le cas des fruits et légumes).

Figure 38 Mail pour écouler des stocks - 10 mars 2015

Par ailleurs, dans le groupement d’achat qui proposait quelque 200 produits, plusieurs produits ne constituaient pas les achats courants, ou sont trop originaux (le yuzu par exemple), cela permet en effet de découvrir des produits mais cela questionne la logique dans le choix des produits.

Encadré 15 : Extrait d’une présentation de l’offre de produits pendant une réunion d’information

« Une offre essentiellement dirigée sur l’alimentaire : alimentaire bio à chaque fois que c’est possible mais pas seulement pour respecter à la fois le budget de certains des membres et aussi les goûts alimentaires de tout un chacun. Sur certaines gammes de produits il pourra y avoir, dans La Louve, des produits qui ne seront pas bios du tout, qui seront même issus de l’agriculture… enfin de l’agroalimentaire. D’accord ? Ce qui peut peut-être choquer les gens qui sont dans une Ruche qui Dit Oui, ou dans une AMAP, ou qui ont l’habitude de faire leurs courses chez Biocoop ou Naturalia mais… voilà, c’est le principe…c’est en fait de ne rien imposer, d’avoir une attitude pédagogique et informative mais surtout pas moralisatrice. Et si des gens souhaitent voir certaines classes de produits, ou certains produits - on ne va pas voter pour chaque produit parce qu’il est prévu d’avoir 4 000 à 5 000 références de produits à l’ouverture du magasin - mais les AG de membres se prononceront pour voir certaines classes de produits disponibles ou pas dans le magasin. Si des gens souhaitent voir du Nutella à La Louve, il y aura du Nutella à La Louve. Après, personne n’est obligé de l’acheter… mais il y aura peut-être du Nutella avec un affichage, un étiquetage informatif qui incitera les personnes à consommer la pâte à tartiner bio à côté. Mais il y aura tout de même du Nutella si certaines personnes veulent avoir du Nutella. C’est en proposant, en fait les produits auxquels sont attachés certains consommateurs qu’on peut arriver à les influencer, en fait, en les exposant à des produits auxquels ils ne sont pas habitués dans les magasins qu’ils fréquentent aujourd’hui. Si on dit : « ah non, à La Louve il n’y a pas de Nutella. Il n’y a pas de ceci. Il n’y a pas de cela » alors on crée un ghetto de bobos qui mangent du bio mais on ne remplit pas l’un des objectifs qui est de faire participer à ce magasin toute une frange de la population qui est aujourd’hui exclue des circuits bios par le prix. Et l’idée, aujourd’hui ici, c’est - grâce aux prix justement - de faire venir ces gens autour d’une consommation plus responsable et de produits bios ou issus de l’agriculture raisonnée. Voilà l’idée. »