Des observations participantes et non-participantes

La spécificité de l’approche ethnographique repose sur l’immersion du chercheur dans une situation. L'observation participante est donc une des modalités privilégiées de recueil de données (Chanlat, 2005 ; Beaud et Weber, 2003; Yin, 2003; Wacheux, 1996).

L’observation tend à rendre compte des activités qui se déroulent dans la structure observée, des relations entre les différents individus qui la composent, le comportement et les rites qui

membres ou lors des différentes réunions qui avaient lieu dans le local provisoire de La Goutte d’Or. C’est dans ce cadre que se définissent explicitement mais aussi de manière implicite les modalités de l’appartenance à la communauté La Louve, et que les règles d’interaction spécifiques à ce contexte se mettent en place.

- Le processus de prise de décision lors des comités de coordination, pendant lesquels se prennent l’ensemble des décisions portant sur la structure.

- Le déroulement des réunions en observant et notant la teneur des échanges, les relations de pouvoir qui se dégagent, les négociations.

- Les interactions entre les individus de la structure lors des moments de convivialité organisés, lors des moments de travail ou de la distribution de commandes.

- Les interactions avec les publics externes lors des réunions d’information ou des événements informationnels que la structure organise ou auxquels elle participe. Deux types d’observations ont été menés : l’observation participante lors de la préparation de commandes, la distribution de commande, les réunions d’information, les permanences, la participation à l’organisation d’événements ou la prise en charge d’une mission.

La deuxième forme d’observation a été non-participante, et s’entend dans le sens de Douyère (2006) : « comme non-participation aux décisions prises et aux actions du métier effectué sur le terrain. La non-participation ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’interaction, ni échanges avec les acteurs de terrain » et elle se conjugue avec une « observation participante de situations périphériques (déjeuners, trajets, pauses café, soirées...) ». Ainsi lors de la participation aux réunions de travail, je ne prenais pas la parole, et me contentais d’écouter les échanges. Dans mon souhait de n’avoir que très peu d’influence sur mon terrain, l’observation a été non- participante dans tous les cas où il y avait une prise de décision et l’obligation de prendre une décision.

2.2.1.1 Les observations effectuées

J’ai effectué des observations ethnographiques dans différents contextes, entre avril 2014 et janvier 2016, même si j’ai continué à me rendre sur le terrain de manière plus épisodique et non systématisée après cette période.

Le tableau ci-après résume succinctement les principales observations effectuées. Dans ce qui suit, je détaille les observations que j’ai réalisé par type d’évènements.

Encadré 4 Résumé des observations réalisées

Durée de l’observation Groupement d’achat : préparation de commande, distribution de

commande, soirée dégustation, etc.

75 heures

Réunion d’informations et permanences à destination des personnes souhaitant adhérer à la coopérative.

80 heures

Réunion du groupe « Recrutement ». 15 heures

Réunion du « Comité de coordination ». 42 heures

Réunion du groupe « Fonctionnement ». 12 heures

Réunion du groupe « Convivialité ». 16 heures

Réunion du groupe « Groupement d’Achat ». 14 heures

Evénement convivialité : soirée chocolat, péniche l’Antipode, pique-nique, soirée œnologie, etc.

20 heures

Evènement externe 6 heures

Assemblée Générale 28 heures

a. Les réunions d’information

J’ai assisté à plus d’une vingtaine de réunions d’information qui sont des moments de présentation du projet à des publics externes afin de les amener à y adhérer. En tant que membre du groupe recrutement assez impliquée – de part ma présence régulière – j’ai évidemment été sollicitée pour assurer la présentation d’une de ces réunions d’information. J’ai alors exprimé des réticences en expliquant à mes informateurs que pour les besoins de la recherche, je préférais accompagner l’animateur pour l’organisation de la salle ainsi que la phase questions/réponses et la souscription des nouveaux membres. Cette position me permettait en effet d’observer l’organisation de la salle, l’animateur et la nature des échanges avec les participants.

Figure 5 Réunion d'information du 9 janvier 2016 dans les locaux de Barbara Fleury Goutte d'Or.

b. Les permanences

Entre décembre 2014 et février 2016, le groupe recrutement a organisé des permanences au local de la Goutte d’Or à raison d’une fois par semaine, tous les mercredis soir. J’ai eu l’occasion d’assurer plus d’une vingtaine de permanences. Elles consistent à accueillir, dans le local, les personnes intéressées par le projet, souhaitant se renseigner et éventuellement souscrire.

Depuis juin 2015 en saison estivale, des permanences ont été organisées devant la porte du supermarché. Au moins deux personnes du groupe recrutement assurent ces moments en s’inscrivant en amont sur un créneau horaire. J’ai assuré 3 permanences devant le supermarché.

c. Le groupement d’achat

Le groupement d’achat est central au sein de La Louve. Il est décrit comme « un mini- laboratoire » destiné à tester l’organisation du travail, les fournisseurs, les produits, les processus à mettre en place et les ajustements à prévoir avant l’ouverture du supermarché. Il a connu plusieurs évolutions depuis que j’ai débuté mon observation, en termes d’organisation, de fréquence de distribution, de choix des produits. J’ai pu participer à la totalité des opérations de ce groupe à plusieurs reprises.

Dans un premier temps ce groupe de travail envoyait un mail comprenant le lien vers un formulaire à remplir, en spécifiant les quantités de produits souhaitées. Seuls les premiers adhérents à l’association pouvaient accéder à ces ventes. Les capacités logistiques et organisationnelles de la structure ne permettaient pas d’assurer des paniers à plus de 150 personnes. Les membres avaient trois jours pour compléter leur commande qui était disponible deux semaines plus tard. La vente était assurée toutes les trois semaines.

Lorsque les membres ont renseigné leur choix de produits, le coordinateur du groupe lançait les commandes. La préparation des paniers débutait une fois les marchandises livrées. Un mail était envoyé pour inviter les membres du groupe à s’inscrire sur un créneau de travail – les créneaux sont de 3h à 5h – pour effectuer les différentes tâches nécessaires pour assurer la distribution : réception de commande, préparation des paniers ou distribution. Plusieurs créneaux sont prévus pour chacune des opérations nécessaires à la préparation et la distribution de commande. Ce processus s’étale sur 3 semaines.

Dans un deuxième temps, afin de garantir à l’ensemble des membres l’accès aux produits, une épicerie éphémère est mise en place avec des plages d’ouverture sur 3 jours. Inaugurée le 12 décembre 2015, ce qui correspond à la fin de ma phase d’observation. J’ai néanmoins participé aux préparations des produits et des ventes mais je n’ai pas intégré ces éléments dans mon analyse, faute d’un dispositif systématisé d’observation.

Encadré 5 : Travail de préparation et distribution de commandes

Lorsque la commande est passée par les membres, l’ensemble des membres de l’équipe de travail « Groupement d’Achat » reçoit un mail intitulé « Appel aux bénévoles – vente du mois… ». Ce message électronique est envoyé par l’un des coordinateurs du groupe. Son objectif est d’inviter les membres à s’inscrire sur un des créneaux de travail en renseignant un Doodle. Les premières personnes à le renseigner sont celles qui assureront le travail (Cf. Figure 7 Mail type pour inviter à la préparation et distribution des commande).

La préparation des commandes est cadencée en plusieurs temps : une première journée est prévue pour la réception de marchandises, sa vérification, la découpe du fromage, la mise en sachet des produits en vrac, la mise en bouteille des huiles. Une deuxième journée est consacrée à la préparation des colis. Il s’agit de déposer dans des cartons nominatifs les produits achetés sur la base d’une liste de commandes fournie par le coordinateur du groupe.

Le travail est généralement fait en binôme, l’un des coordinateurs du groupe qui est aussi fondateur et salarié de la structure donne des orientations sur la démarche à suivre. Chaque tâche réalisée est vérifiée par une autre personne.

Une troisième journée est consacrée à la distribution des commandes. Elle consiste à remettre les paniers préparés aux personnes ayant passé leur commande. Une fois la personne rentrée dans le local, elle renseigne son nom (les cartons sont organisés par ordre alphabétique). La personne qui l’a accueillie cherche son colis et s’assure qu’il contienne bien la totalité de ce qui figure sur la liste. Si un produit manque, il faut s’assurer qu’il n’est pas en rupture de stock et aller le chercher dans la zone de stockage située à l’arrière du local. Si en parallèle à la distribution de colis préparé, une vente de fruits et légumes est organisée, la personne chargée des fruits et légumes s’occupe du coopérateur. Elle ajoute alors à sa feuille de commande les quantités achetées puis le coopérateur est orienté vers la caisse qui est généralement tenue par les coordinateurs du groupe.

Figure 7 Mail type pour inviter à la préparation et distribution des commandes

d. Le comité de coordination :

J’ai eu l’occasion d’assister à dix reprises aux rencontres du comité de coordination32. Dans le compte rendu, ma présence était signalée sous le statut de « Invitée ». Je ne participais pas aux échanges et me contentait de prendre des notes. Le comité m’a demandé à une seule occasion d’assurer une liaison Skype avec des participants n’ayant pas pu se déplacer et à une autre occasion de participer à la réalisation du compte rendu. Ces moments passés à observer les comités de coordination sont importants : ils m’ont permis d’avoir une vision globale du projet de sa construction et de ses évolutions. Il s’agit d’une position idéale pour pouvoir décrire les changements et pourvoir interpréter le sens que les acteurs leur attribuent.

e. Les Assemblées Générales

Les Assemblées Générales sont ouvertes à l’ensemble des membres. Ce sont des moments de restitution des avancées du projet et du vote de certaines questions. J’ai pu participer à 7 Assemblées Générales. Lors des Assemblées Générales, je ne participais pas au vote et me contentais de prendre des notes. C’est une attitude que j’ai également adoptée aussi bien lors des présentations (ce sont les membres du comité de coordination qui se succèdent pour présenter l’avancement global du projet sur une durée d’un peu plus de 2heures) ou lors des (rares) échanges avec la salle.

f. Les événements de convivialité

J’ai aidé à organiser et ai assisté à plusieurs évènements dans le cadre du groupe Convivialité33 lors de son lancement – qui coïncidait avec le début de ma présence sur le terrain (atelier œnologie, soirée chocolat, pique-nique, soirées thématiques). Il s’agissait pour moi d’observer d’une part la dynamique d’organisation du travail mais aussi, lors de l’événement, le lien social qui se crée ainsi que la teneur des échanges entre les membres impliqués et ceux qui le sont moins, voire pas du tout.

Figure 11 Affiche collée dans le quartier et distribuée lors des permanences en mai 2015

g. Les événements externes

J’ai également assisté à la présentation de La Louve lors d’évènements externes. L’objectif était d’observer les discours portés lors de ces occasions non familières et la teneur des échanges avec le (grand) public. J’ai ainsi assuré le jeu de questions-réponses pour l’événement "Up Campus La Louve"34 et participé en tant que simple observatrice à une conférence organisée par La Louve sur « le traité TAFTA ».

Figure 13 Conférence TAFTA - La Halle Pajol – Paris (Photo : La Louve)

Figure 14 Journée Portes Ouvertes- 6 juin 2015 - 112 rue des Poissonniers

Figure 15 Up Café : Jetez-vous dans la gueule de La Louve" - 13 janvier 2015- Café Monde et Médias