• Aucun résultat trouvé

La Louve : Organisation et finalités d’une coopérative d’un genre nouveau

3 La coopération pour faire le collectif :

3.3 Une gouvernance entre pragmatisme et impératif de démocratie

3.3.4 Vers une démocratie « libérale »

Selon Frère (2013 : 220), « la grammaire de l’engagement alternatif [...] n’est pas radicalement neuve par rapport à celle des engagements passés » : « il s’agit toujours de se réclamer des mêmes invariants : convivialité vs déshumanisation, créativité artistique vs standardisation de l’activité, autogestion vs hiérarchie, démocratie locale directe vs délégation ». Ces catégories générales éclairent bien le débat sur le modèle coopératif français. A travers les observations du terrain de recherche, l’analyse permet de donner à voir comment s’est transformé le rapport des individus à la coopération.

Le contexte d’accélération de la temporalité défini par Rosa (2010) comme étant un rapport au temps sous le signe du manque apparaît peu favorable au développement d’un dialogue démocratique preneur de temps. Ainsi le fonctionnement de La Louve fait émerger une forte interchangeabilité, qui peut être volontaire ou non, des personnes. Stéphanie l’exprime de la manière suivante :

Non ! Si je pense que cela reflète l’esprit du groupe… c’est une espèce de leader démocratique d’une certaine façon, tu vois ».

Cette volonté d’interchangeabilité trouve sa source dans le manque de temps et également dans la volonté d’économie de soi et se traduit dans l’activité par une absence de dessein d’exercice du pouvoir.

Le modèle coopératif français semblait promouvoir l’idée de démocratie dans un paradigme deweyen de la démocratie comme mode de vie : « Il ne saurait y avoir d’éducation véritable que si chacun peut être reconnu comme un acteur responsable du processus de définition des buts à atteindre et des politiques à mettre en œuvre, au sein des groupes sociaux auquel il appartient. Ce n’est qu’à cette condition que l’on peut parler de démocratie » (Dewey, 1920- 2013). Cependant, le renouvellement du modèle démocratique dans les formes nouvelles de la coopération adopte une acception de la démocratie comme « démocratie libérale » telle que l’identifiait Frère (2013) avec la délégation du pouvoir par la représentativité d’un élu, en l’occurrence le Président de La Louve. Elle se double d’une certaine atomisation des individus, c’est à dire de fonctionnements collaboratifs ponctuels dans lesquels chacun préserve son degré d’engagement et ses choix de tâches à effectuer.

Par conséquent, ce nouveau modèle coopératif paraît faire primer l’efficacité et non mettre les principes coopératifs de prise de décisions partagées et d’égalité au premier plan, sans les récuser pour autant, au nom de la volonté de voir aboutir le projet. En témoigne la manière dont le Président de la coopérative communique explicitement dans les médias, y compris les médias ayant une approche alternative en disant : « In fine, plus on est pragmatique, plus le projet devient idéaliste »152.

Encadré 20 : Les principes coopératifs

C’est à la suite d’une grève, en 1844, qu’un groupe de 28 tisserands décident de fonder la Rochdale Society of Equitable Pionners dans le but d’acheter collectivement des denrées de première nécessité sans réaliser de profit commercial. C’est à cette association que nous devons les sept « principes de Rochdale » qui constitueront par la suite la charte de l’organisation coopérative.

Les coopératives sont des organisations fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les personnes aptes à utiliser leurs services et déterminées à prendre leurs responsabilités en tant que membres, et ce sans discrimination fondée sur le sexe, l´origine sociale, la race, l´allégeance politique ou la religion.

Deuxième principe : Pouvoir démocratique exercé par les membres

Les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux. Dans les coopératives de premier niveau, les membres ont des droits de vote égaux en vertu de la règle : un membre, une voix. Les coopératives d'autres niveaux sont aussi organisées de manière démocratique.

Troisième principe : Participation économique des membres

Les membres contribuent de manière équitable au capital de leurs coopératives et en ont le contrôle. Une partie au moins de ce capital est habituellement la propriété commune de la coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d'une rémunération limitée du capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants : le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable, des ristournes aux membres en proportion de leurs transactions avec la coopérative et le soutien d'autres activités approuvées par les membres.

Quatrième principe : Autonomie et indépendance

Les coopératives sont des organisations autonomes d'entraide, gérées par leurs membres. La conclusion d'accords avec d'autres organisations, y compris des gouvernements, ou la recherche de fonds à partir de sources extérieures, doit se faire dans des conditions qui préservent le pouvoir démocratique des membres et maintiennent l'indépendance de leur coopérative. Cinquième principe : Éducation, formation et information

Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et leurs employés l'éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et

Septième principe : Engagement envers la communauté

Les coopératives contribuent au développement durable de leur communauté dans le cadre d'orientations approuvées par leurs membres. ».