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Le travail comme signe et récompense de l’engagement

La Louve : Organisation et finalités d’une coopérative d’un genre nouveau

3. La coopérative pour faire le collectif

1.4 Le travail salarié : la référence pour les membres

1.4.3 Le travail comme signe et récompense de l’engagement

De manière générale, les membres actifs au sein de La Louve valorisent la capacité à s’engager sans compter dans l’activité de travail. Stéphanie dit par exemple « moi j’ai… toute ma vie j’ai été une workaholic tu ne peux pas imaginer. Moi, toute ma vie c’était du boulot ». Cette dimension de l’engagement, du mérite à travailler est centrale dans l’imaginaire collectif que construisent les membres de La Louve. Le travail en général et le travail bénévole accompli dans le projet commun sont extrêmement valorisés.

Une importance toute particulière peut être conféré à cet imaginaire qui se forge en commun lorsque l’on rappelle que l’organisation sociale et économique de La Louve est basée sur le

coordinatrice d’un groupe la décrit en disant : « elle travaille plus de 35 heures pour son boulot mais elle travaille encore plus de 35 heures pour La Louve, c’est incroyable »92.

Un autre aspect doit alors être considéré. Le dépassement des 3 heures de travail mensuelles prévues pour chaque membre dans le projet entérine l’engagement que les membres consentent à investir pour l’aboutissement et la réussite du projet commun. Le fait d’être prêt à offrir de son temps pour se mettre au service de La Louve fait partie des comportements régulièrement observés. Le président parlant d’un membre qui se présente pour être élu au Conseil d’Administration de l’association dit : « il y aura un changement dans sa vie professionnelle et donc il va avoir plus de temps qu’il souhaite consacrer à La Louve »93. Cet argument est alors mis en avant comme un élément favorable. La disponibilité pour le projet rend l’engagement patent.

Tout en mettant en avant des valeurs de partage, une nécessité de promotion de l’écologie, une volonté de voir fonctionner une organisation démocratique et d’œuvrer à plus de mixité sociale, il s’agit pour les membres de donner du sens à son activité, d’être reconnu soi-même comme un acteur, de construire et de se construire une identité collective par le faire,

« J’ai l’impression que, enfin, je construis quelque chose vraiment dans ma vie […] quand tu commences à bosser dans le développement, l’associatif cela prend énormément de temps de nouer des contacts avec les autres acteurs locaux et bien là, cela fait un an et demi que je suis dans le réseau (nom de l’association où elle travaille) et je commence seulement à construire des vraies relations de confiance, des relations partenariales avec les autres acteurs du territoire. Et je me dis : « cela n’a aucun sens de bosser sur des projets six mois ». Enfin, il faut que cela soit sur le long terme. [ …]. La Louve, j’ai envie de voir où cela va aller. » (Fanny)

Le projet est porteur d’une dimension quasi messianique qui transparaît par la croyance collective d’être une « communauté pionnière »94, ce qui est facteur d’une émulation collective parmi les membres les plus investis dans le projet en termes de temps et de volume de travail accompli.

Dès lors, il est important pour ces membres de donner des gages de leur engagement, à travers la souscription de parts dans la structure coopérative95 mais également par le temps de travail consenti, largement supérieur aux trois heures formellement requises par mois.

Ainsi participer à la coopérative, c’est d’abord faire communauté autour de l’identité dans laquelle ces membres se reconnaissent. Il s’agit de participer à la création du projet, d’en être partie prenante, cette implication prenant plus de sens que le but à atteindre. A cet égard, des membres affirment comme plus important de participer à ce projet coopératif innovant dans sa phase de construction que d’y faire leurs courses à l’avenir

« Des fois, je me pose même la question : « est-ce que vraiment j’irai ? » (au supermarché à son ouverture) Enfin tu vois, j’en suis à ce point-là moi. C'est-à-dire que c’est le projet moi qui m’intéresse, tu vois. Après…des fois, en rigolant, je dis : « mais peut-être que je n’irai pas », parce que ce qui me plaît c’est vraiment ce qui se passe maintenant que je trouve intéressant. » (Sandra)

« Lors d’un échange informel, une membre me demande si j’assisterai à la soirée de lancement des souscriptions, je l’ai informé que j’avais très peu de disponibilités sur la date prévue. Elle m’a répondu : « Non il faut que tu assistes, moi j’y serai de toute façon, j’ai envie que mon nom soit inscrit sur le marbre, j’ai envie qu’on sache que j’ai été parmi ceux qui ont mis en place cette communauté pionnière et qu’on s’en rappelle pour le futur ! » 96

Par ailleurs, l’engagement fort de certains membres leur permet parfois l’acquisition d’un pouvoir informel d’influence dans l’organisation, que ce soit pour les bénévoles ou pour les salariés. Il permet aux membres qui se consacrent significativement au projet, parfois sur le registre de la vocation, de gagner un accès aux cercles de décision. Néanmoins le fort engagement consenti par ces membres n’est pas toujours développé dans une logique instrumentale pour gagner cet accès et acquérir un rôle décisionnel formel.

autogestionnaire, une hiérarchisation informelle des membres s’est créée progressivement dans l’organisation, en fonction du temps alloué au projet. Certains montrent leur investissement et obéissent ainsi à la modalité d’intégration dans l’organisation que le Président de la coopérative formule en disant « vous devez être persistants » comme c’est le cas pour Ronan ou Antonin.