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Introduction au terrain de recherche et éléments de méthodologie

Chapitre 1 : Introduction au terrain de recherche et méthodologie

2. La démarche de la recherche

1.2 Légitimité et crédibilité du projet

1.2.2 Le modèle de référence

1.2.2.1 Présentation de Park Slope Food Coop

Au moment de sa création, La Louve s’inspire du supermarché Park Slope Food Coop (PSFC) de New York. PSFC a ouvert ses portes en 1973 dans un contexte américain marqué par le mouvement de contre-culture26 des années soixante. Amenant dans son sillage, à côté de l’opposition à la guerre du Vietnam, plusieurs revendications sont portées par ce mouvement et en particulier celles liées à l’émancipation du système marchand conventionnel, le respect de l’environnement ou l’amélioration des conditions de travail.

Le végétarisme, tout en n'étant jamais adopté par la majorité de la contre-culture, est devenu une pratique alimentaire déterminante du mouvement, en lien avec l’impact environnemental et social de la production d’aliments (Jochnowitz, 2001). Si le retrait américain du Vietnam a signé en partie la fin de ce mouvement contre-culturel, les coopératives alimentaires ont quant à elles prospéré durant cette période (Ibid.). Elles portaient sur ce que Warren Belasco (2014)

qualifie de « countercuisine », un système alimentaire basé sur des valeurs de la contre-culture comprenant des produits bios, locaux ou saisonniers cultivés par des producteurs éthiquement responsables ; les coopératives américaines facilitant la tâche à leurs membres dans le choix de ce type d’aliments.

Ainsi PSFC était porté à ses débuts par des contestataires utopistes avec un projet politique fort, dénonçant la société de consommation et souhaitant s’émanciper du système marchand dominant. Cette coopérative a pu perdurer alors que toutes les autres ont disparu parce qu’elle a placé l’obligation du travail au centre du modèle comme l’explique Joe Oltsz, le directeur général de la Park Slope Food Coop de Brooklyn et aussi l’un de ses fondateurs lors d’un entretien accordé à France Culture :

« Les gens aiment travailler ensemble, les êtres humains en général, dans toutes les cultures […] Une autre raison qui explique notre réussite c’est que nous avons été capables de dire à quelqu’un qu’il ne faisait pas sa part de travail, qu’il ne pouvait pas venir faire ses courses chez nous, le jour où la première fois nous avons dit cela est l’un des jours les plus importants de la coopérative : nous avions dépassé l’esprit hippy, nous avons instauré l’obligation pour chacun de s’engager pour faire sa part. L’idée d’interdire à quelqu’un d’entrer dans un magasin pour faire ses courses, c’était totalement anti-américain »27

A l’époque, aux Etats-Unis, on pouvait distinguer des coopératives ouvertes (tout le monde peut acheter) ou des coopératives fermées (seuls les membres peuvent acheter). Au départ, en tant que coopérative fermée, PSFC comme d’autres n’a pas instauré l’obligation de travail. Avec la pratique ses promoteurs se sont rendu compte que c’était toujours les mêmes individus qui fournissaient le travail. C’est donc dans un deuxième temps qu’a été mise en place l’obligation de travail, sans possibilité de payer plus pour s’en défaire (comme c’était le cas d’autres coopératives).

Ainsi, la coopération passe-t-elle dans ce modèle par l’action, c’est-à-dire l’obligation de travailler et par la sanction en cas de non réalisation du travail. Autre élément, le modèle fonctionne en « one stop shopping », c’est à dire qu’il propose tout ce qui est nécessaire à un ménage dans un seul endroit « les gens ne vont pas travailler bénévolement juste pour acheter

1.2.2.2 Accompagnement et légitimité morale du projet référent

La Louve, en plus de s’inspirer du modèle de PFSC, est en relation étroite avec la coopérative américaine. Les membres fondateurs de la structure américaine conseillent les membres des groupes de travail sur les procédures à suivre, les erreurs à éviter et se rendent disponibles pour les accompagner dans la structuration du projet à un rythme hebdomadaire.

« Nous parlons avec la PSFC chaque semaine maintenant... et on parle de tout. En ce moment, on travaille avec eux pour voir combien de personnes il faut embaucher pour des hypothèses différentes, combien de membres/travailleurs par poste etc. Des infos très détaillées et concrètes. Le plus important est qu'on parle de comment créer une culture coopérative - pour eux (et nous) la clé économique et philosophique pour notre succès [...]. Ils nous donnent des documents, et il y a une discussion qui démarre avec un salarié de Park Slope qui souhaite venir nous rejoindre et nous aider à l'ouverture du magasin. » (Brad).

Figure 4 Diapositive projetée lors de l'AG du 25 juin 2015. Présentant une capture d’écran Skype de l’échange hebdomadaire avec les responsables du projet de référence.

Les succès remportés par la PSFC sont rappelés dans les différents supports de communication, réunions d’information, médias, etc. Ils donnent une légitimité morale, souvent indiscutable, aux décisions prises suite à la prescription de la PSFC (par ses responsables ou via sa charte).

Les chartes et règlements internes de La Louve s’inspirent également du modèle américain à partir de la traduction des documents en supprimant des éléments qui sont inadaptés au contexte

français. Cinq salariés se sont rendus à la fin de l’année 2015 à New York pour une « immersion » dans la PSFC.29

Cela conduit parfois à évincer des thèmes émergeant lors de réunions ou dans les groupes de travail et qui brident quelquefois certaines innovations dont voudraient faire preuve les membres. Le coordinateur du groupe juridique réaffirme l’importance tutélaire du modèle à l’occasion d’une Assemblée Générale30 : « on ne va pas réinventer l’eau chaude, on a le modèle de Park Slope »

2 La démarche de la recherche